Immigrés algériens pendant la guerre d'Algérie. Claire Etcherelli: Elise ou la vraie vie (1967)


Exposé Écrit pour un Séminaire / Cours, 2002

23 Pages, Note: 2


Extrait


Table de matière

1. Quelques mots sur l’auteur

2. L’action globale

3. Les stéréotypes attribués aux Algériens
3.1 Stéréotypes repérés
3.1.1 Des sauvages
3.1.2 Des analphabètes
3.1.3 Un peuple de Mohamed, de bicots, de crouillats
3.1.4 Des fainéants
3.1.5 Des menteurs
3.1.6 Des incapables
3.1.7 Des voleurs, des hommes agressifs et violents
3.1.8 Des effrontés
3.1.9 Des amants de qualité
3.2 Arezki, une exception à la «règle»

4. Le contexte historique et social
4.1 La guerre d’Algérie
4.2 L’immigré dans le monde de travail
4.3 Les conditions de vie de la communauté algérienne

5. Conclusion

Bibliographie

1. Quelques mots sur l’auteur

Claire Etcherelli est née à Bordeaux en 1934. Son père mort à la guerre, elle est élevée par sa mère et son grand-père paternel. Elle a surtout vécu à Bordeaux, au pays Basque et à Paris. Issue d’un milieu très modeste, elle obtient une bourse afin de poursuivre ses études. Elle vient s’installer à Paris, mais le manque d’argent la contraint à travailler en usine à la chaîne, pendant deux ans. De cette expérience Claire Etcherelli retient l’image d’un environnement éprouvant et obsédant, qu’elle décrit dans son premier roman Élise ou la vraie vie (1967). Le roman, qui obtient le prix Femina en 1967, conte l’amour tragique d’une Française et d’un travailleur immigré, mais élabore aussi une réflexion sur la guerre d’Algérie et ses conséquences sociales. Le roman a été traduit en anglais et plusieurs autres langues. Élise ou la vraie vie a été portée à l’écran par Michel Drach en 1970.

Claire Etcherelli fait une longue carrière syndicaliste et assume en 1973 la fonction de secrétaire de rédaction aux Temps Modernes. C’est un auteur fortement engagé dans la lutte pour la défense de l’Algérie. Encore à ce jour on retrouve son nom dans des prises de positions au profit de l’Algérie. Elle fait aussi partie du comité de parrainage de la revue périodique Algérie, littérature, action. Claire Etcherelli est auteur de romans et de nouvelles. Au nombre de ses ouvrages comptent les romans A propos de Clémence (1971) et Un arbre voyageur (1978).[1]

2. l’action globale

L’histoire se passe en France entre 1954 et 1959, pendant la guerre d’Algérie. Élise Letellier, l’héroïne du roman, passe son enfance à Bordeaux entre sa grand-mère et son jeune frère Lucien, instable et révolté, pour lequel elle éprouve une véritable passion. Celui-ci, refusant de jouer le rôle du fils qui contenterait les désirs de sa sœur, refuse les gestes d’affection quels qu’ils soient. Malgré la pauvreté de la famille, on le met au collège. C’est son camarade de classe Henri qui éveille chez Lucien et Élise une conscience politique ou tout au moins l’intérêt pour l’actualité. Fasciné par la personnalité d’Henri, Lucien n’hésite pas à se blesser délibérément au cours des Jeux du collège afin de gagner son estime. En vain, après l’accident Henri ne manifeste que de l’indifférence. Restant longtemps d’une santé fragile à cause de l’accident, Lucien ne réussit pas à passer son examen et ne retourne plus au collège. Élise, très retirée du reste du monde, ne vit qu’au travers de son frère.

Toutes ses connaissances proviennent de Lucien qui lui permet inconsciemment d’être reliée au monde extérieur.

Malgré le manque d’argent Lucien ne travaille pas et passe beaucoup de temps auprès de Marie-Louise, son amie avec laquelle il se mariera et emménagera dans l’appartement déjà trop petit pour trois. Quelque temps après, un enfant naîtra de cette union.

Avec le retour d’Henri, apparaissent chez Lucien des aspirations révolutionnaires. Il rêve de la vraie vie. Un jour, Lucien fait la connaissance d’Anna, dont l’amour lui fait oublier sa femme soumise. Liée à la vie sociale et politique, Anna apporte une nouvelle vision du monde. Toujours à la recherche de la vraie vie, Lucien prend la décision de partir pour Paris, abandonnant sa femme et sa petite fille Marie. Quelque temps après Anna sera amenée à le rejoindre.

Élise supporte mal le départ de son frère, son lien unique avec le monde. Lorsque Lucien lui propose de venir aussi à Paris, elle n’hésite pas à le rejoindre. Sans argent pour le faire, elle met en gage les bijoux de la grand-mère sans l’en avertir. A Paris, Élise regrette sa vie claustrée à côté de sa grand-mère. Son séjour n’est que transitoire, mais elle doit gagner suffisamment d’argent pour récupérer les bijoux de la grand-mère et pour pouvoir payer son retour en train. Lucien, qui est ouvrier dans une usine automobile à la porte de Choisy, lui propose de travailler avec lui. Elle accepte tout en sachant qu’elle repartira bientôt. Elle vit toujours dans l’ombre de Lucien, mais grâce à son travail, petit à petit, elle se détache de lui. L’acceptation de cet emploi va marquer un tournant dans la vie d’Élise. Grâce à cet emploi elle va goûter à ce qu’elle pensait être la «vraie vie».

Nouvelle arrivante à l’usine, Élise a des difficultés à s’intégrer et à effectuer la tâche qui lui est assignée et qui consiste à contrôler les voitures. Jusque là Élise a travaillé comme dactylographe. Elle n’a jamais connu la chaîne et ses cadences effrayantes. Elle décrit ainsi la difficulté d’une tâche harassante et mécanique, mais surtout le processus de l’aliénation par le travail: l’obsession du sommeil, le laisser-aller, le renoncement progressif à toute dignité. Peu à peu elle s’habitue à cette vie, aux trajets quotidiens, aux repas et également aux sifflements des ouvriers quand elle traverse l’atelier.

A l’usine Élise rencontre Arezki, un ouvrier algérien militant du FLN[2], un homme qui va bouleverser sa vie et faire naître en elle des sensations inconnues. Malheureusement, cette belle histoire d’amour, synonyme de la «vraie vie» pour Élise, se laissera obscurcir par des obstacles raciaux et politiques. La France était en guerre et l’Algérien était considéré à cette époque comme l’ennemi. Il règne une atmosphère d’angoisse, de peur et de haine réciproque. C’est pourquoi Arezki et Élise doivent cacher leur amour et leur liaison reste secrète jusqu’à ce que Lucien la révèle. C’est pourtant grâce à cet amour menacé qu’Élise, privée de toute tendresse depuis sa jeunesse sacrifiée à son frère, devient enfin une femme.

La police est omniprésente et donne à cette histoire d’amour une fin tragique: Arezki, arrêté dans un contrôle de police, disparaît. Il s’ajoute qu’à la veille du 28 mai 1958, le frère d’Élise meurt d’un accident. Celui-ci se produit lorsque Lucien s’enfuit du Sanatorium d’Aincourt pour aller à une manifestation. Ces événements mettent un terme à la «vraie vie» que l’héroïne attendait avec son frère depuis toujours, et qui se révèle absente jusqu’à sa découverte tardive de l’amour et du monde par Élise. «La vraie vie aura duré neuf mois»[3], conclut Élise en quittant Paris. Elle rentre à Bordeaux.

3. Les stéréotypes attribués aux Algériens

Le roman a été créé en 1967, quelques années après les « événements» d’Algérie et l’immigration massive d’Algériens en France. Claire Etcherelli met en scène la société ouvrière des usines Citroën, rapportant l’attitude des Français xénophobes envers les immigrés algériens ainsi qu’envers les concitoyens français s’opposant au racisme et au traitement inhumain des Algériens. La xénophobie se révèle surtout par le recours à des stéréotypes attribués aux Algériens. Dans le passage suivant on trouve la plupart de stéréotypes courants:[4]

A cause d’une mauvaise manipulation, une voiture avait glissé de la chaîne, obligeant les ouvriers à interrompre leur travail. Pour oublier un peu le travail fatiguant et monotone, les étrangers commencent à chanter. Tandis qu’Élise et Lucien se montrent agréablement touchés par la musique née comme un fleuve (p. 240), chez le reste du public, telle est l’impression d’Élise, cette scène n’évoque que des sentiments négatifs: Daubat contourna le cercle. Ce soir, il dirait à sa femme:«Aujourd’hui, il a fallu se farcir un concert des ratons. L’autre, le grand régleur à lunettes, devait penser: «Mon fils est là-bas, et eux, ici ç a chante et ç a rigole. [...] Des sauvages et leur musique de sauvages. Des norafs, comme ils disaient. Une marque pire que l’étoile jaune sur le cœur des juifs. Les hommes aux couteaux dans la poche, les fainéants, voleurs, menteurs, sauvages, cruels, sales, des norafs. (p. 241)

En s’imaginant les pensées d’autres, Élise parvient à la conclusionque la xénophobie et le racisme sont enracinés chez beaucoup de Français: Rien ne ferait jamais admettre à Daubat, au régleur, à bien d’autres, que les norafs étaient leurs égaux. C’était une génération perdue. Il faudra l’autre, celle de Marie, et, comme Lucien l’avait souhaité, recommencer à partir d’elle. (p. 241)

Les caractéristiques attribuées aux Algériens ne sont pas toujours exprimées explicitement dans le texte. Il faut souvent dégager les indices de la description de gestes, de comportements, etc.

3.1 Stéréotypes repérés

3.1.1. Des sauvages

Il y a plusieurs passages dans le texte, dans lesquels les Algériens sont comparés à des animaux. Tout au début Mustapha évoque chez Élise l’image d’un animal curieux avec l’œil noir et rond (p. 94). Même les traits d’Arezki la font penser à quelque animal: j’ai le choix des comparaisons, les yeux de loup, le profil d’aigle (p. 202).

Tandis qu’Élise, malgré ces associations, souligne que le visage d’Arezki reste quand même humain, Daubat est persuadé qu’on ne peut pas parler d’hommes: Vous croyez que ce sont des hommes? demande-t-il à Élise (p. 89). Lorsqu’il voit des étrangers dormant sur la laine de verre, il croit d’avoir confirmation de son soupçon. Son commentaire est: Ils ont de la corne à la place de la peau. (p. 89) Donc non seulement les yeux, mais encore la peau des Algériens est associée à celle des animaux.

Mustapha, chantant pendant l’arrêt de la chaîne, rappelle à Élise un grand chien grisé par les herbes (p. 239). Avec ses bourrelets autour du cou, il évoque chez Élise l’image d’ un charmeur de serpents (p. 103). En ce cas-là il reste pourtant considéré comme un homme, c’est à la vue de la chaîne qu’ Élise pense à un serpent: A ma droite, un serpent de voitures avançait lentement, mais je n’osait regarder (p. 79).

De plus, l’animalité des Algériens s’exprime à travers les cris émis par les ouvriers au passage des femmes: Nous avançâmes, enjambant des chariots et des caisses, et quand nous arrivâmes devant les rangés des machines où travaillaient un grand nombre d’hommes, un hurlement s’éleva, se prolongea, repris, me sembla-t-il, par tous les ouvriers de l’atelier. Gilles sourit et se pencha vers moi. «N’avez pas peur. C’est pour vous. Chaque fois qu’une femme rentre ici, c’est comme ça.» Je baissais la tête et marchais, accompagnée par cette espèce de «ah» rugissant qui s’élevait maintenant de partout (p. 79)

Élise ressent ces cris comme hurlements et rugissements. Le comportement de Mustapha à la vue d’une représentante du sexe opposé fait également penser àun animal inquiet: Mustapha gesticulait, criait et Arezki me le montra en riant. Quand le groupe fut passé, ils reprirent tous le travail, mais Mustapha, très excité, allait et venait, montait, descendait, puis finit par se laisser emmener dans la voiture qui partait à l’ avant. [...] Et il siffla d’admiration (p. 133).

Lucien, lui, parle aussi des bestiaux qui voient la femelle, mais contrairement à Daubat il explique à Élise que dans ces conditions de travail, le comportement des ouvriers était de toute façon compréhensible: A travailler comme ça , on retourne à l’état animal. [...] On crie. C’est l’expression animal de leur plaisir. Ils ne sont pas méchants. Un peu collants avec des femmes parce qu’ils en manquent (p. 86). Arezki, lui aussi confirme l’influence négative de l’usine: L’usine, ça rend sauvage, dit-il (p. 106)

[...]


[1] voir J.-P. de Beaumarchais, D. Couty, A. Rey: Dictionnaire des littératures de langue française, Bordas 1987 & Dictionnaire littéraire des femmes de langue française, Edition Karthala 22-24, boulevard Arago, Paris

[2] Front de Libération Nationale

[3] Etcherelli, Claire: Elise ou la vraie vie, Folio, 1967, p.280

[4] voir http:\\services.morldnet.net/~patrocle/dossiers/cardon.htm

Fin de l'extrait de 23 pages

Résumé des informations

Titre
Immigrés algériens pendant la guerre d'Algérie. Claire Etcherelli: Elise ou la vraie vie (1967)
Université
University of Osnabrück  (Romanistik)
Cours
Seminar: Littérature et guerre d'Algérie
Note
2
Auteur
Année
2002
Pages
23
N° de catalogue
V22528
ISBN (ebook)
9783638258319
Taille d'un fichier
767 KB
Langue
français
Mots clés
Immigrés, Algérie, Claire, Etcherelli, Elise, Seminar, Littérature
Citation du texte
Olesja Heinze (Auteur), 2002, Immigrés algériens pendant la guerre d'Algérie. Claire Etcherelli: Elise ou la vraie vie (1967), Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/22528

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