Religion, Foi et Silence dans l’œuvre de Jean Nicolas Arthur Rimbaud (1854-1891)


Hausarbeit, 2006

19 Seiten, Note: 1,0


Leseprobe


Table of Contents

INTRODUCTION

1. Arthur Rimbaud ; Mythologie et Christianisme.
A. « Credo in Unam »
B. Le péché originel

2. Arthur Rimbaud, Baudelaire et la religion
A. Le Mal
B. Le Reniement de Saint Pierre

3. Une Saison en enfer. Les Illuminations. Analyse ciblée et chronologie
A. Analyse ciblée

4. Chronologie

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE

ANNEXE

INTRODUCTION

Jean Nicolas Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854 à Charleville, aujourd’hui Charleville-Mézières, dans les Ardennes françaises. Il grandit accompagné de ses sœurs et de son frère, éduqué par une mère rigide et soucieuse de l’éducation religieuse et sociale de ses enfants. De ses frères et sœurs il fut, dès le début, le plus farouche, le plus indépendant, le plus talentueux. Rimbaud fut un élève précoce, un traducteur de génie, un rhéteur retentissant. Ce talent prodige fera d’ailleurs dire de lui au principal du collège de la ville, Monsieur Desdouets : « Rien de banal ne germe dans cette tête ; ce sera le génie du Mal ou le génie du Bien. »[1]

Mais, par delà bien et mal, Arthur Rimbaud fut avant tout un génie[2]. Par delà bien et mal, il fut témoin de son temps et en avance sur celui-ci. Il renia les vieilleries, qu’elles soient morales, religieuses ou sociales[3], il tendit à la perfection du langage qu’il voulut nouveau, accessible à tous. « Il faut être absolument moderne ! » lançait-il dans Adieu[4]. Pour Rimbaud, le christianisme était de ces séquelles d’antan appelées à disparaître. La religion chrétienne lui était insoutenable, car elle aliénait l’Homme, celui-ci devant sans cesse se remémorer les conditions et origines de sa misérable condition dans des bibles « à la tranche vert-chou »[5]. Peu de temps après la mort du poète, Paul Claudel reprendra à sa cause certains textes, certaines citations de Rimbaud afin de faire de celui-ci un « mystique à l’état sauvage », voire même un converti.[6] Mystique est utilisé par Claudel au sens le plus catholique qui se puisse être imaginé.

Or, dès l’âge de 15 ans, le poète s’attelle à une œuvre connue actuellement sous le nom de Soleil et Chair, et qui fait figure de ce qu’était la foi de Rimbaud ; de son rejet des dogmes religieux séculaires. Nous traiterons dans une première partie ce point-ci. Dans un second temps, nous nous attarderons sur la comparaison entre deux textes révélateurs de Rimbaud et de Baudelaire, et sur les points communs entre les deux auteurs. Dans un troisième et dernier temps, enfin, nous parlerons d’une Saison en Enfer et des Illuminations, points d’orgue de l’œuvre de l’homme aux semelles de vent[7]. Ce faisant, nous tenterons de fournir une réponse au silence de l’auteur, silence omniprésent à la fin de sa vie.

1. Arthur Rimbaud ; Mythologie et Christianisme.

« Credo in Unam » et le péché originel.

A. « Credo in Unam »

Arthur Rimbaud a grandi à l’ombre d’une mère sévère, très catholique, et dont le respect et la foi en la « Sainte Tradition » juraient singulièrement avec les états d’âme et les comportements de son adolescent de fils. Les diverses biographies insistent à raison sur cette image de la « Veuve Cuif » (son nom de jeune fille[8] ) promenant les dimanches ses trois enfants bien coiffés et habillés derrière elle. Le décalage entre Rimbaud et sa mère en ce qui concerne, notamment, la religion, fut probablement dû au strict de Mme Rimbaud. Et le génie qui s’ensuivit, dans sa forme, devrait avant tout être considéré comme étant le fruit de cette sévérité maternelle. Le génie n’est en effet pas tant le talent fulgurant que l’on prête aux « grands » de ce monde que l’analyse, la mise en forme d’idées et de concepts, et le développement et découverte, grâce à cette même analyse, de nouvelles directions, de nouveaux courants. En d’autres termes, le génie est structurel et structuré, et il est sans doute heureux que la « Mère Rimb´ »[9] ait tracé des carcans que le poète, adolescent, percevaient comme étouffants mais qui, en réalité, le libérèrent du joug matriarcal et social.

L’apparente première preuve du dévoiement d’Arthur Rimbaud est vraisemblablement « Soleil et Chair », initialement intitulé « Credo in Unam »[10]. Vraisemblablement, dirons-nous, car nous n’avons en fait de Rimbaud que ce que le poète a bien voulu nous laisser, à savoir « Poésies [complètes[11] ] », « Une Saison en Enfer » dont une étude ciblée, accompagnée d’une des « Illuminations », constituera la dernière partie de cet ouvrage. En ce sens, il est plus que probable que « Soleil et Chair » fût l’aboutissement de plusieurs précédentes tentatives. « Credo in Unam » fut écrit fin avril 1870 ; Rimbaud avait alors 15 ans. La rupture avec le Christianisme était consommée. Tout dans ce poème est païen.

Contrairement à certaines futures œuvres du poète considérées- à juste titre- comme hermétiques[12], « Soleil et Chair » est suffisamment proche de l’enfance de Rimbaud pour rester très formel, voire scolaire, mais également assez lointain des séquelles chrétiennes pour n’être plus consensuel.

Pierre Brunel, dans son analyse sur l’occultisme- et son absence- chez Arthur Rimbaud remarque que la distanciation voulue du poète répondait, non au simple rejet de la religion, entreprise somme toute assez primaire et dénuée, dans l’absolu, d’intérêt, mais également et surtout au « Culte de l’Homme »[13]. Le message de l’ « autre Dieu qui nous attelle à sa croix […] » serait, si l’on en croit la démonstration d’Edgar Quinet reprise par Brunel, un retour aux anciennes religions orientales promulguant l’infériorité de l’Homme devant les Dieux, dogmes qui faisaient de ces derniers des esprits indistincts et invisibles, aussi éloignés de l’Homme que possible[14]. Le Panthéon grec, au contraire, personnalise les divinités et, ce faisant, il rompt l’inaccessibilité présupposée des Dieux et fait de l’Homme un Dieu- ou du moins un fils de Dieu :

[…]Je crois en toi ! Je crois en toi ! Divine mère,

Aphroditè marine ! […]

L’image de Vénus – Aphrodite sortant des eaux, image populaire mise notamment en valeur par la fameuse toile de Botticelli[15], est utilisée par Rimbaud, pour reprendre les termes de Brunel, « pour briser de sa forme humaine la surface des eaux »[16]. L’Homme relève ainsi sa « tête libre et fière ».

Arthur Rimbaud avait bien évidemment eu les classiques grecs sous la main. De par ses études, tout d’abord, puisque l’on sait qu’il s’attelait avec grand talent aux traductions des auteurs antiques, que ceux-ci soient latins ou grecs ; mais également de par ses lectures personnelles à la bibliothèque de Charleville. Le thème prométhéen est notamment abordé par lui lorsqu’il annonce, dans la lettre communément appelée « du Voyant » datée du 15 mai 1871, que « le poète est vraiment voleur de feu[17] ». La Grèce et son Panthéon restent, aussi bien pour les images qu’ils proposent que pour les idées qu’ils promeuvent, une énorme source d’inspiration pour le poète.

B. Le péché originel

Chez les Grecs, pas de faute humaine originelle. Au contraire des trois religions monothéistes révélées, un quelconque péché initial n’est pas à la source du malheur des Hommes.

Dans le « Timée », Platon explique les maux de la terre par les restes de la matière chaotique déjà présente avant l’arrivée du « Démiurge » coordinateur[18]. L’Homme n’est en ce sens pas à l’origine de son propre malheur. Prométhée, qui était un Titan, déroba le feu des enfers et c’est Zeus, jaloux des hommes et de leur soudaine puissance, mais non provoquée par eux-mêmes, qui envoya la boîte de Pandore qui, ouverte, délivra les tares et les malheurs qui se répandirent sur la terre. Et c’est Prométhée qui fut condamné. Chez les Chrétiens, en revanche, c’est l’Homme qui est responsable. C’est Eve qui a donné la pomme à Adam. C’est elle qui doit à présent enfanter dans la douleur, et c’est son mari qui doit gagner son pain à la sueur de son front[19]. En outre, Jésus est la preuve vivante (morte et ressuscitée) que ce « péché », que cette faute humaine, est aujourd’hui possible à surmonter et à vaincre.

Une des pierres d’achoppement entre Rimbaud et le Dieu des Chrétiens[20] est cette question de la responsabilité. Quelles que soient les causes du Mal, l’origine du Mal en elle-même ne peut-être que divine. Il fut longtemps question de dédouaner Dieu[21] de cette responsabilité en faisant de Lucifer ou Satan un personnage initialement bon, mais qui se serait détourné, notamment par orgueil, de son créateur. L’orgueil, tout comme la fierté et la désobéissance, l’envie et d’autres fautes capitales chez les catholiques, restent cependant soumis à une volonté primaire. Si Dieu a tout créé, qu’en est-il du Mal ? Et si le Mal était déjà présent dans le jardin d’Eden, à qui en revient la faute ? A l’innocence du premier Homme- innocence elle-même, et paradoxalement, préconisée par l’Église ? Ou bien à la personne (entité) qui a créé ce Mal ? Il est certes communément admis, aussi bien chez les philosophes que chez les théologiens, que c’est le libre-arbitre (c'est-à-dire la liberté octroyée par Dieu ou la Nature) qui caractérise l’Homme, que l’on considère ce dernier religieusement ou naturellement. Mais la duplicité qu’implique la mise à disposition du Mal en connaissance de cause relève en elle même du Mal ! Si un enfant tue une personne avec l’arme oubliée par son père, l’enfant n’est nullement responsable ; c’est le père qui l’est. D’autant plus si celui-ci a intentionnellement laissé l’arme à la portée de la main de son enfant.

C’est ici que le bât blesse et que Baudelaire et Rimbaud se retrouvent de façon troublante. Il est évident que le jeune poète s’est inspiré du « Vrai Dieu »[22]. Mais il a déjà trouvé sa voix et sa voie.

[...]


[1] Phrase très souvent citée mais dont on ne connaît malheureusement ni la date, ni les circonstances dans lesquelles elle fut prononcée. Peut-être au moment de la remise des prix de rhétorique à la fin de l’année 1870 ?

[2] Cette affirmation, que l’on pourrait considérer comme subjective, est surtout le résultat du fait que Rimbaud, dès l’âge de 14-15 ans, était en mesure de réaliser ce que d’autres auteurs, adultes, ne parvenaient jamais à faire

[3] Paradoxalement, il prétend, dans « Une saison en enfer », qu’il aime toutes les vieilleries. Voir « Alchimie du verbe », Une Saison en Enfer

[4] « Adieu », Une Saison en Enfer. Voir annexe.

[5] «Les poètes de sept ans », Poésies Complètes, P. 159

[6] Paul Claudel, préface aux Œuvres, vers et prose. Paterne Berrichon (alias Pierre-Eugène Dufour), Paris 1912. Voir à ce sujet l’intéressant texte de Marie-Victoire Nantet, « Claudel dans cette demeure de Rimbaud », in Rimbaud, Tradition et Modernité. Paris, 2005.

[7] Surnom que lui avait donné Paul Verlaine.

[8] Nom qui sera d’ailleurs à l’origine du fameux- dans tous les sens du terme- jeu de mots : Le Cuif Errant.

[9] Surnom très péjoratif que lui attribuera Rimbaud

[10] Soleil et chair, Poésies complètes, P. 9

[11] Ente parenthèses, car ce n’est pas Rimbaud qui décida qu’elles étaient complètes.

[12] Notamment les « Illuminations »

[13] Pierre Brunel, « Rimbaud sans occultisme », P. 21

[14] Edgar Quinet, « Le génie des religions », cité par Pierre Brunel « Rimbaud… », P 22. Edgar Quinet (1803-1875) parlait lui de « la Vénus Indienne »

[15] La naissance de Vénus, vers 1485, Galerie des Offices, Florence. Italie.

[16] Pierre Brunel, op. Cit.

[17] Poésies complètes, p. 153.

[18] Platon, Timée, 35b, 36c.

[19] Gn. 3-17 - 18

[20] Le Dieu des trois religions monothéistes, en fait, puisque les trois reposent sur la même base créatrice.

[21] Il ne faut pas ici tenter de voir une interprétation théologique. La religion n’est pas traitée comme une croyance mais comme un dogme.

[22] C’est ainsi que Rimbaud l’avait nommé dans la lettre à Paul Demeny du 15 mai 1871.

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Details

Titel
Religion, Foi et Silence dans l’œuvre de Jean Nicolas Arthur Rimbaud (1854-1891)
Hochschule
Technische Universität Berlin  (Französische Philologie)
Note
1,0
Autor
Jahr
2006
Seiten
19
Katalognummer
V132319
ISBN (eBook)
9783640383634
ISBN (Buch)
9783640383221
Dateigröße
546 KB
Sprache
Französisch
Schlagworte
Religion, Silence, Jean, Nicolas, Arthur, Rimbaud
Arbeit zitieren
Francois Girard (Autor:in), 2006, Religion, Foi et Silence dans l’œuvre de Jean Nicolas Arthur Rimbaud (1854-1891), München, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/132319

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