L'image de la fée au travers des contes de George Sand et Madame d'Aulnoy


Essai Scientifique, 2015

12 Pages


Extrait


Table of Contents

Introduction

I. Le rôle de la fée dans les contes d´une grand-mère
1. La figure de la fée : ange protecteur des humains
2. la fée comme préceptrice
3. La fée comme ange méchant

II. Rapport Fée versus autres figures du conte.
1. Du face à face dans les contes: la figure de la fée et les humains.
2. La figure de la fée et le rapport avec d´autres figures animales
3. La figure de la fée : du rêve à la sublimité

III. Une stylistique au service du rôle des fées et la transmission du savoir

Conclusion

Introduction

Les contes ont, outre leur fonction de divertissement, le rôle de transmission du savoir et d´éducation. De la catégorie de la littérature orale, ils sont souvent destinés aux enfants ou à la couche juvénile. Pour y produire le fabuleux, les auteurs convoquent, pour ce faire, plusieurs figures, auxquelles de divers rôles sont attribués. Au nombre de ces figures, figurent les fées qui, participent surtout à et de la sublimité dans les contes. Ces êtres merveilleux convoqués pour la circonstance apportent le caractère mirifique et le surnaturel dans les contes, ce qui fascine non seulement les enfants auxquels ils sont originellement destinés, mais aussi les adultes.

Nous ferons ressortir ici les différentes facettes que présentent les figures de fées dans les contes d´une grand-mère, puis verrons dans quelle mesure leur insertion dans les contes participe à la transmission du savoir et crée le merveilleux hypnotisant.

I. Le rôle de la fée dans les contes d´une grand-mère

Il sera question ici d´étudier les figures de fées dans les contes d´une grand-mère comme êtres à facettes.

1. La figure de la fée : ange protecteur des humains

Du latin tardif « Fata », ce qui veut dire «déesse des destinées » ou du latin classique « fatum » c´est –à-dire l´équivalent de « destin»[1], les fées sont des êtres surnaturels pouvant infléchir la destinée des humains ou le cours d´une histoire. Elles interviennent le plus souvent dans des moments cruciaux dans la vie des hommes pour les sauver du désastre. Ainsi, dans les contes d´une grand-mère, leur rôle protecteur n´en demeure pas moins.

La fée poussière dans son incipit donne déjà l´illustration de la protection des humains:

Tu es une sotte de me craindre, répondit-elle alors d'un ton railleur : tu m'appartiens, et tu me ressembles plus que tu ne penses. Mais tu es une enfant esclave de l'ignorance, et je perdrais mon temps à te le démontrer.[2]

Considérant que l´homme prend bien soin de ce qui lui appartient, la fée poussière déclare à la narratrice qu´elle lui « appartient et lui ressemble», ce qui suppose une protection accrue sur tous les plans. Elle n´hésitera donc pas à l´emmener dans les tréfonds de la terre et lui montrer les différentes procédures de transformation par la poussière. Dans La fée aux gros yeux, c´est Miss Barbara, désignée sous le vocable anaphorique de « fée aux gros yeux » qui fait figure de protectrice. Le vocable « enfant » suppose un certain devoir vis-à-vis de l´énonciateur : « Un jour, Elsie lui demanda si elle disait sérieusement une pareille chose, et miss Barbara répéta d'un air malin : Peut-être, ma chère enfant, peut-être ! »[3] Comme toute bonne mère – surtout qu´elle fait figure de gouvernante d´Elsie – Miss Barbara se doit de protéger sa fille. Réciproquement, Elsie aussi se doit de protéger sa gouvernante, laquelle a souvent peur des chauves-souris. Elsie ne tarde donc pas à lui apporter assistance: « -Tuez-la, étouffez-la, Elsie ! Serrez bien fort, étouffez ce mauvais génie, cet affreux précepteur qui me persécute !»[4] Ainsi, elle ne tarde pas à revenir sauver sa gouvernante après sa fuite.

Tout comme La fée poussière et La fée aux gros yeux, le page vert dans Gracieuse et Percinet de Mme D´Aulnoy ne cesse d´assister Gracieuse des mains de sa méchante marâtre (Grognon) :

Percinet, s'écria-t-elle, Percinet, s'il est possible que vous aimiez encore une princesse si imprudente, venez m'aider dans la rencontre la plus fâcheuse de ma vie.» Percinet ne se fit pas appeler jusqu'à trois fois: elle l'aperçut avec son riche habit vert.[5]

Ainsi, les dieux et les fées sont au service des humains, les protégeant et les gardant dans les avatars de la vie. Ils sont là au moment ultime où tout semble presque perdu. Une simple invocation de joie suffit pour les sortir de leur cachette. Parfois aussi, les plaintes et jérémiades des humains les font apparaître sans qu´ils ne soient invoqués. Fortunée n´a, à vrai dire, aucune idée sur les fées quand, maltraitée, la reine des bois, sa tante Fée, vient la secourir des mains de son frère Bedou.[6] C´est donc dans la même veine que la sœur de sa maman, sa tante maternelle, vient secourir sa maman enceinte des mains de son père et grand-père qui décident jadis de la faire mourir quand elle n´accouche pas d´un garçon. Cette sœur, étant une fée comme la nourrice poule métamorphosée de Fortunée le lui raconte, sait déjà que l´enfant à naître serait une fille, Fortunée.[7]

Parallèlement aux contes merveilleux de G. Sand qui font partie du corpus de cette étude, on remarque aussi dans Le mythe de Psyché que Cupidon[8], au lieu de venger sa mère, tombe amoureuse de la rivale de celle-ci. Il va même jusqu´à la protéger de sa mère en présentant une requête à Jupiter.[9] Dans le même registre de protection, la fée grenouille ne tarde pas non plus à secourir la reine-mère de la fée lionne et avertir le roi.[10]

De par ces différentes analyses de fée comme ange protecteur dans les contes merveilleux de George Sand, de Madame d´Aulnoy et les quelques textes d´autres auteurs que nous avons joints à l´analyse, il en ressort que la figure de la fée joue dans les contes, outre ses multiples rôles, celui de protection aussi. Elle protège les humains dans les malheurs qui leur arrivent ou que d´autres figurent leur font subir.

Les fées ne font pas que protéger. Elles inculquent aussi aux humains des notions de savoir et d´intelligence. Qu´en est-il réellement dans les contes sandiens ou de Madame d´Aulnoy?

2. la fée comme préceptrice

Dans les contes d´une grand-mère, nous remarquons aussi le rôle que jouent les figures de fée : éducatrice et monitrice. L´incipit de La fée aux gros yeux en est donc un exemple illustratif: « Elsie avait une gouvernante irlandaise fort singulière. » Le rôle de Miss Barbara, la fée aux gros yeux, ne se limite pas uniquement à diriger la domesticité et la maison d´Elsie. Elle s´emploie aussi, tout comme M. Bat, précepteur des frères d´Elsie, à inculquer à la petite fille, Elsie, de la sagesse et des savoirs scientifiques sur ses petits amis nocturnes, les papillons. Dans la péroraison du conte, elle lui montre explicitement l´importance de ces êtres « infinitésimaux » qui contribuent à la beauté de l´univers: «Je vous en ai nommé quelques-uns, mais il y en a une multitude d'autres qui, selon la saison, éclosent à une courte existence d'ivresse, de parure et de fêtes ».

Il est toutefois à remarquer que dans sa démonstration, non seulement Miss Barbara avoue enfin qu´elle est du monde des fées « Moi, je vois tout mon cher petit monde […] », mais aussi profite pour soulever un manquement de la science: « Pour ma part, j'en ai trouvé un grand nombre qui n'ont encore ni leurs noms ni leurs portraits publiés, et je m'ingénie à réparer à leur profit l'ingratitude ou le dédain de la science ». De par ces démonstrations, Miss Barbara témoigne de son érudition et de sa connaissance surnaturelle. D´ailleurs, elle formule bien la belle leçon de synthèse de vie à son élève: « Qui peut dire à quelles dimensions, apparentes pour nous, s'arrête la vie universelle ? »[11]

Parallèlement à ce rôle, George Sand veut montrer indirectement au lecteur ou auditeur que la connaissance et la vue humaines sont limitées. Et ce sont les fées et les dieux qui les détiennent, malgré parfois leur apparence sale ou leur origine inconnue. Ces êtres qui sont du monde invisible, savent mieux sur l´homme, sa destinée et son univers.

Dans La fée poussière, vu son caractère répugnant et sale qui la fait rejeter par des gens, elle est une savante inavouée. Ce savoir, elle le démontre à la narratrice une fois dans le ventre de la terre. Elle donne des leçons relatives à la composition de la terre, des cristaux et des minéraux, bref elle connaît l´histoire du monde et se fait passer même pour la créatrice de l´univers :

Ceci rentre dans ma cuisine. Je sème la destruction pour faire pousser le germe. Il en est ainsi de toutes les poussières, qu'elles aient été plantes, animaux ou personnes. Elles sont la mort après avoir été la vie, et cela n'a rien de triste, puisqu'elles recommencent toujours, grâce à moi, à être la vie après avoir été la mort. Adieu. Je veux que tu gardes un souvenir de moi.[12]

On remarque que la fée poussière est loin d´être une enfant sale à dédaigner. Elle a une connaissance inouïe du monde, une connaissance qui, à n´en point douter, n´est nullement comparable à celle d´un humain. Les propos comme « je sème, grâce à moi, je veux » sont des illustrations directes montrant tout autant l´omnipotence que l´omniscience de la fée poussière. Ses leçons de vie données à sa fille,[13] ne serviront pas uniquement à cette dernière, mais, comme le voulait George Sand en écrivant ce conte, serviraient à toute personne qui lira ce récit, car malgré que ce soit du monde fictionnel, la fée poussière a posé une question dont la réponse est d´une évidence transdisciplinaire et universelle: « La base de tout gâteau n'est-elle pas la farine ? ». Cette vérité indubitable concerne autant les cristaux, les minéraux que les êtres animés. Tout est fait à partir de la poussière puisque tout est poussière, même si on ne s´en rend pas souvent compte. Elle conclut en disant à sa fille devenue son élève qu´elle veut qu´elle garde un souvenir d´elle, puisqu´étant consciente que ce qu´elle lui apporte est d´une dimension surnaturelle, et donc lui restera inoubliable.

Dans les contes de notre corpus, il n´est pas uniquement question des aspects positifs des fées, qui de par leur connaissance du monde visible et invisible, renseignent l´homme sur sa nature, son environnement et son histoire. On en rencontre aussi des fées malveillantes, même si celles-ci ne font pas souvent légion.

3. La fée comme ange méchant

Rares sont les fées que convoque George Sand dans ses contes et qui sont animées d´intention malveillante. Ceci a sûrement pour but de faire comprendre au lecteur que les fées, pour la plupart des cas, ne sont que bénéfiques à l´homme. Outre cette fonction des fées, cet aspect inculque à l´enfant la notion du bien.

C´est ainsi que dans le domaine de la malveillance, on lit une certaine hostilité ou rivalité entre Miss Barbara et M. Bat, ce dernier pouvant être considéré aussi comme fée ou être se métamorphosant en chauve-souris. Ainsi, Miss Barbara vitupérait contre lui quand ce dernier se transforma en chauve-souris dans la jupe d´Elsie.

Parallèlement dans le conte d´Aulnoy, le narrateur convoque la malveillante fée (la fée lionne) dans La grenouille bienfaisante. Cette dernière prend la reine-mère en otage, fait perdre à la grenouille bienfaisante sa couronne magique et fait figure en fin de compte d´adversaire à abattre et abattu.

Dans Gracieuse et Percinet aussi, la fée se met au service de Grognon pour malmener Gracieuse. Cette maltraitance consiste à lui donner un nœud gordien, qui ne serait résolu que grâce à l´intervention du page vert, Percinet.

La fée s'en alla, et le lendemain elle fit apporter une grande tonne pleine de plumes: il y en avait de toutes sortes d'oiseaux: de rossignols, de serins, de tarins, de chardonnerets, linottes, fauvettes, perroquets, hiboux, moineaux, colombes, autruches, outardes, paons, alouettes, perdrix: je n'aurais jamais fait si je voulais tout nommer. Ces plumes étaient mêlées les unes parmi les autres, les oiseaux mêmes n'auraient pu les reconnaître. «Voici, dit la fée en parlant à Grognon, de quoi éprouver l'adresse et la patience de votre prisonnière: commandez-lui de trier ces plumes, de mettre celles des paons à part, des rossignols à part, et ainsi de chacune elle fasse un monceau: une fée y serait assez nouvelle.[14]

Ce n´est que grâce à Percinet que Gracieuse trie finalement et industrieusement les plumes à elle remises et s´affranchit d´autres tâches plus ardues. Dans la même optique, la treizième sorcière de La belle au bois dormant des frères Grimm, considérée comme fée malveillante, maudit la belle au bois dormant, celle-ci étant belle outre mesure:

À peine l'eut-elle touché que le mauvais sort s'accomplit : elle se piqua au doigt. À l'instant même, elle s'affaissa sur un lit qui se trouvait là et tomba dans un profond sommeil. Et ce sommeil se répandit sur l'ensemble du château. Le roi et la reine, qui venaient tout juste de revenir et pénétraient dans la grande salle du palais, s'endormirent. Et avec eux, toute la Cour.[15]

C´est ainsi que tout le palais dormit pendant un siècle. Il est toutefois à noter que dans bon nombres de contes comme ceux que nous comparons au corpus de notre étude, des figures – qui ne sont pas forcément des fées – jouent aussi des rôles de malveillance. Elles sont souvent des renards, des sorcières, des marâtres…, qui finissent par chanceler et abdiquer.

Toutes ces figures sont convoquées dans le conte pour constituer un monde à l´image du nôtre, le monde humain. Entre elles, des rapports bien définis sont établis, ce qui rend le conte semblable à une scène.

[...]


[1] Cf. Le Grand Robert de la langue française, 6e édition, 2001.

[2] George Sand, la fée poussière, p. 1. Vu le caractère inaccessible de l´œuvre dans notre aire, nous avons dû la copier sur internet. Pour ce faire, nous ne pouvons pas citer l´œuvre avec son édition, son année de parution et les pages exactes selon qu´elle serait extraite d´un livre de contes.

[3] George Sand, La fée aux gros yeux, p. 1.

[4] Id. p. 6.

[5] Mme D´Aulnoy, Gracieuse et Percinet, p. 7.

[6] Mme D´Aulnoy, Fortunée, p. 5.

[7] Cette sœur fée envoya donc les zéphyrs changer l´enfant fille de sa grand-sœur par son enfant garçon, mais hélas, tout ceci ne servit à rien. Cf. Mme D´Aulnoy, Fortunée, op. cit., p. 4.

[8] Il faut toutefois remarquer que Cupidon fait figure dans ce conte de dieu, et non de fée. Il est, à maints égards néanmoins, apparu comme une fée. Voilà pourquoi nous l´associons à l´intertextualité de notre étude, et ce, pour comparer.

[9] C´est cette requête qui sauva Psyché des mains de sa belle-mère, car Jupiter accepta la demande et rendit Psyché immortelle. Apulée – L´Ane d´or, Le mythe de Psyché, p. 15.

[10] C´est ainsi que la grenouille bienfaisante vécut avec la reine dans les bois. Elle apparaît et dès que la reine l´invoque. Vu ses forces limitées, elle a dû solliciter l´aide du roi, le mari de la reine. Cf. Mme D´Aulnoy, La grenouille bienfaisante, p. 7.

[11] La fée aux gros yeux, op. cit., p. 6.

[12] La fée poussière, op. cit., p.7.

[13] Dans le monde invisible et onirique, la fée poussière se dévoile plus clairement à la narratrice : « Il est temps de t'aviser du commencement des choses et de la puissance de la fée Poussière, ton aïeule, ta mère et ta nourrice ». D´ailleurs, c´est de par cette alliance de sang que la narratrice fut la première de sa maison à lui parler et à recevoir une invitation d´elle. Cf. la fée poussière, op. cit., p. 3.

[14] Mme D´Aulnoy, Gracieuse et Percinet, p. 7.

[15] Les frères Grimm, La Belle au bois dormant, p. 1.

Fin de l'extrait de 12 pages

Résumé des informations

Titre
L'image de la fée au travers des contes de George Sand et Madame d'Aulnoy
Auteur
Année
2015
Pages
12
N° de catalogue
V313049
ISBN (ebook)
9783668117693
ISBN (Livre)
9783668117709
Taille d'un fichier
431 KB
Langue
français
Mots clés
Les contes - les fées - savoirs et transmissions de savoirs
Citation du texte
Kangnikoé Adama (Auteur), 2015, L'image de la fée au travers des contes de George Sand et Madame d'Aulnoy, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/313049

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