La satire de la publicité dans le roman "99 Francs / 14,99€" de Frédéric Beigbeder


Bachelorarbeit, 2005

31 Seiten, Note: 1,3


Leseprobe


Contenu

1. Introduction

2. Le roman et son auteur
2.1. L´action du roman
2.2. La biographie de Frédéric Beigbeder
2.3. Les mécanismes qui ont fait vendre le livre

3. Le Postmodernisme
3.1. Littérature et Paralittérature
3.2. Le manque de constantes morales
3.3. La présentation fragmentée du monde

4. Effets ironiques
4.1. L´intertextualité
4.2. Le franglais

5. Le monde de la publicité
5.1. Le slogan publicitaire
5.2. L´aphorisme
5.3. La mise en abyme

6. Conclusion

7. Bibliographie
7.1. Littérature primaire
7.2. Littérature secondaire

« Le manifeste de la prochaine révolution… »

(Die Tageszeitung)

1. Introduction

99 Francs, désormais intitulé 14,99€, a été l´un des romans français les plus percutants de ces dernières années. Son auteur Frédéric Beigbeder est ainsi devenu l´une des voix les plus écoutées de la jeune littérature française. Des lecteurs partout dans le monde ont aidé à faire d´un créatif publicitaire un écrivain en vogue, d´un roman médiocre un succès de ventes et d´un texte blessant un manifeste révolutionnaire. Depuis, le nom de Beigbeder s´est installé dans les pages culturelles et son visage a investi les plateaux de télévision. Le vif scandale qui a suivi la publication du roman se concentrait en grande partie sur l´auteur et non sur le roman. Un roman que les critiques littéraires ont rapidement classé de médiocre et banal. Cela n´a tout de même pas empêché le roman de se placer durant plusieurs mois à la tête des listes de ventes.

Ce travail veut par la suite éclairer le phénomène 99 Francs en replaçant le roman lui-même au centre de la discussion. Il tient à présenter une image nuancée du roman en tenant compte de son potentiel moqueur et satirique. L´analyse suivante part du classement du roman dans son contexte historico-littéraire pour ensuite aborder de plus près quelques caractéristiques du roman. Ce qui veut dire : l´intertextualité, le franglais, le slogan, l´aphorisme et finalement la mise en abyme. Le débat concernant 99 Francs est si emblématique pour l´impact de la publicité sur les sociétés occidentales que les conclusions acquises au cours de cette analyse peuvent être appliquées à d´autres œuvres appartenant à la littérature contemporaine. Ce devoir a pour but de développer trois idées fondamentales. Comment se fait-il qu´un simple roman puisse provoquer un tel écho médiatique ? A quel point la représentation du monde publicitaire dans le roman est-elle digne de confiance ? Et dans quelle mesure s´agit-il d´une satire ?

Pour mieux comprendre le débat concernant 99 Francs, l´analyse du texte est précédée d´un bref résumé de l´action du roman, d´une succincte biographie de Frédéric Beigbeder et d´une courte description des mécanismes qui ont fait vendre le livre.

2. Le roman et son auteur

2.1. L´action du roman

Le trentenaire Octave Parango travaille comme concepteur-rédacteur publicitaire pour l´entreprise américaine Rosserys & Witchcraft, dite la Rosse, à Paris. Bien que sa position de cadre supérieur lui permette de mener un train de vie sans souci financier, Octave ne se plaît plus dans le milieu de la publicité. Il est fatigué et dégoûté de son travail et cherche à se faire licencier en écrivant un livre montrant les mécanismes inhumains du monde publicitaire. Parallèlement à son roman de révélations où lui-même incarne le rôle du héros principal, Octave est chargé de mener la campagne publicitaire pour le yaourt Maigrelette de Madone – le partenaire le plus important de Rosserys & Witchcraft, Paris. Sa tâche consiste concrètement à trouver un scénario pour lancer une publicité télévision pour Maigrelette. Les idées expérimentales pour le scénario proposées par Octave ne trouvent pas la bienveillance des représentants du groupe Madone et par conséquent Octave et son partenaire Charlie sont obligés d´écrire une version « grand public » afin de toucher le plus possible de consommateurs et de satisfaire la demande du groupe Madone.

Pour la réalisation du clip les deux collègues se rendent en compagnie de l´actrice Tamara et de toute une équipe de tournage à Miami en Floride. Une fois sur place Octave, Charlie et Tamara décident d´aller rendre visite à une riche retraitée de Miami qu´ils croient responsable de la misère capitaliste dans le monde. Au cours d´une violente discussion Charlie agresse la vieille femme et celle-ci meurt. Les trois amis sont inquiets mais comme ils sont passablement ivres ils ne pensent pas à effacer les traces de leur passage. De retour en France, Octave et Charlie se rendent au festival de la publicité à Cannes où leur version « dogma » du clip Maigrelette, une version pornographique à prétention artistique qui à été spécialement produite pour le concours du festival, reçoit le premier prix. Les deux créatifs montent sur scène où ils sont arrêtés par la police pour cause de meurtre d´une retraitée à Miami. Tous les deux se retrouvent donc en prison. Charlie, qui ne supporte pas la situation, se suicide tandis qu´Octave reste incarcéré.

L´action du roman est complétée par une deuxième dimension des événements traitant de la vie privée d´Octave Parango. Octave, qui est divorcé, sort avec Sophie, elle aussi divorcée. Pour tous les deux il s´agit donc du deuxième essai de la vie en couple. Au moment où Octave apprend que Sophie attend un enfant de lui, il est tout sauf enthousiasmé. Sophie, blessée par le comportement de son partenaire, en tire les conséquences – elle le quitte. Alors qu´Octave se réfugie dans l´abus de cocaïne, selon lui un vice très fréquent dans le monde de la publicité, et dans les bras de sa prostituée préférée Tamara, Sophie, elle, entame une relation amoureuse avec Marc Maronnier, le chef d´Octave. Ensemble ils simulent leur mort et s´évadent sur une île déserte où ils se retrouvent en compagnie d´autres célébrités soi-disant mortes. Au bout d´un certain temps ils commencent tout de même à se lasser de la vie paradisiaque qu´ils mènent sur l´île et, parallèlement à l´emprisonnement d´Octave, Marc Maronnier se suicide en se noyant dans la mer tandis que Sophie reste prisonnière de l´île.

2.2. Biographie de Frédéric Beigbeder

Frédéric Beigbeder dont les hobbies sont d´après sa propre revendication « l'alcoolisme mondain, l'adultère bourgeois, la lecture solitaire et les conversations superficielles ![1] » est un personnage très controversé et contradictoire. Né en 1965 à Paris dans un milieu privilégié, il poursuit une scolarité normale aux lycées Montaigne et Louis-le-Grand avant d´entamer des études de Sciences Politiques. Au lieu de continuer ses études à l´ENA, Beigbeder se lance à l´âge de 25 ans dans une multitude d´activités diverses : l´écriture, la chronique littéraire et la publicité. Son premier roman, intitulé Mémoires d´un jeune homme dérangé est publié en 1990. Quatre ans plus tard il créa le Prix de flore, un prix littéraire qui récompense chaque année un jeune écrivain français - Michel Houellebecq et Virginie Despentes en sont les lauréats les plus connus. Il a également travaillé comme critique littéraire pour des revues aussi variées que Paris Match ou Le Figaro littéraire. De plus il a passé dix ans dans différentes agences de publicité, entre autre cinq ans pour Young & Rubicam, avant d´avoir été licencié en 2001 à la suite de la publication de son roman 99 Francs.

Depuis on le connaît surtout pour ses romans qui se placent régulièrement parmi les meilleures ventes et pour sa présence médiatique sur différents plateaux de télévision.

Frédéric Beigbeder est divorcé et père d´une petite fille nommé Chloé à laquelle il dédie 99 Francs. Ce bourgeois grossier de Neuilly-sur-Seine aime et cultive son image de dandy provocateur et n´hésite pas à se dévoiler dans ses romans à traits autobiographiques. On retrouve son caractère contradictoire lorsqu´on apprend qu´il a travaillé dix ans dans le système qu´il dénonce – la publicité. En ce qui concerne son engagement politique il est étonnant que Beigbeder, venant d´un milieu bourgeois parisien, ait été conseiller du communiste Robert Hue au cours de l´élection présidentielle de 2002.

2.3. Les mécanismes qui ont fait vendre le livre

Les critiques le déchirent – le public l´achète. Voilà les deux positions contradictoires dans l´affaire 99 Francs. Ce ne sont pas les critiques littéraires qui ont contribué au succès du livre – c´est la télévision et la culture associées qui ont fait de Beigbeder un auteur célèbre. Le talent de Beigbeder à se mettre en scène et à mettre son roman en scène, ont contribué au succès du livre. La rentrée 2000 a certainement vu des œuvres littéraires plus élaborées que le roman de Frédéric Beigbeder, mais aucune œuvre n´a atteint le tirage de 99 Francs. Pourquoi ? Quelles sont les raisons pour ce succès de vente?

Avec le nombre élevé de publications littéraires, celui qui s´intéresse à la littérature ne sait plus exactement où il en est et se retrouve souvent désorienté. L´impossibilité de lire chaque titre nécessite une sélection. Avant de pouvoir sélectionner un titre l´intéressé est supposé le percevoir. Les maisons d´éditions connaissent cette problématique et investissent par conséquent dans la publicité pour que leurs titres soient perçus par les consommateurs. Mais comme chaque maison d´édition lance une campagne publicitaire lors de la sortie d´un titre il est difficile de se faire remarquer. Le but est donc de surpasser les campagnes de la concurrence et de capter au maximum l´attention du lecteur potentiel.

Avec « 628 postes sur 1000 habitants[2] » la télévision en France représente de nos jours un moyen de communication décisif et permet d´éveiller l´attention des consommateurs. Le problème reste de faire passer un livre ou un auteur à la télévision. Cela n´est pas si facile, car les producteurs d´émissions télévisées eux aussi poursuivent leurs propres intérêts. Ce n´est pas par amour du prochain qu´ils vont aider à faire vendre un livre. Dans le meilleur des cas ils veulent éduquer et informer leurs spectateurs, dans le pire des cas ils veulent seulement les distraire. Les maisons d´édition en revanche veulent vendrent leurs livres. Le décalage évident entre ces deux positions extrêmes, exige une certaine connaissance des mécanismes dans le monde des médias si on veut bien vendre un livre. Est-ce qu´il y a mieux qu´un concepteur-rédacteur publicitaire pour y parvenir ?

Frédéric Beigbeder qui, grâce à son emploi dans différentes agences de publicité, connaît le milieu, sait exactement comment on vend un produit. En écrivant un roman révélateur du monde publicitaire en style de reportage Beigbeder était sûr d´attirer l´attention de ses collègues - surtout en y ajoutant la thèse hasardeuse et improuvable du fréquent abus de cocaïne dans le monde publicitaire. Le scandale ainsi déclenché a développé sa propre dynamique et a contribué à une publicité gratuite du livre et à la gloire douteuse de l´auteur. Beigbeder n´avait qu´à rester les bras croisés et à attendre la récolte – la campagne publicitaire était `semée´.

Le nom de Frédéric Beigbeder est souvent mentionné en même temps que celui de Michel Houellebecq dont les best-sellers Extension du domaine de la lutte (1994) et Les particules élémentaires (1998) ont fait de lui le porte-voix d´une nouvelle génération d´écrivains dans le sillage duquel se retrouve aussi Frédéric Beigbeder. La relation amicale entre ces deux auteurs se montre dans le fait qu´Houellebecq annonçait la publication de 99 Francs comme événement culturel dans les pages littéraires de l´hebdomadaire Nouvel Observateur. Beigbeder en revanche le remercie à la fin de son livre. Tous les deux sont connus pour leur variante sordide et impitoyable du réalisme. L´œuvre de Houellebecq par contre possède une précision et une assurance - dans les idées tout comme dans l´écriture – qui reste inaccessible à Beigbeder.

Pour la plupart des critiques l´action de 99 Francs n´est pas plus que le véhicule d´un pamphlet enragé contre le fascisme de la publicité dont Beigbeder essaie de démasquer les mécanismes inhumains. Pour cela il a recours aux moyens littéraires les plus crus – l´introduction de fantaisies sexuelles répugnantes en est seulement un exemple :

« [Charlie] passe ses journées à dénicher les pires images ultra-pornographiques sur Internet : par exemple, une femme qui suce un cheval ; un type qui cloue ses testicules sur une planche en bois ; une très grosse dame fistée par un bras en plastique ; il trouve ça `distrayant´.[3] »

De plus Beigbeder développe des idées plus que douteuses concernant le monde occidental ce qui augmentait pour les critiques littéraires la difficulté de le prendre au sérieux. D´après Beigbeder les dirigeants politiques ne possèdent aucun pouvoir de décision, mais sont seulement les marionnettes des patrons de l´économie. Une économie dont le monde occidental est devenu, grâce à l´influence de la publicité qu´il n´a pas honte de comparer à la propagande hitlérienne, l´esclave. Bien que Beigbeder ait échoué auprès des critiques, a-t-il tout de même su convaincre le public en prétendant offrir le point de vue privilégié d´un initié dévoilant des détails intimes de la branche. Les préjugés racistes et le gaspillage d´argent déployé lors de la conception d´une campagne publicitaire par exemple, renforcent l´image d´un système inhumain.

L´introduction de dates concrètes et de statistiques probantes semble prouver cette démarche et consolider le sentiment de jalousie sociale. Une jalousie sociale trouvant sa justification dans l´alignement de statistiques qui sont à première vue correctes et logiques mais dévoilent à la seconde vue leurs caractères incomplets et douteux :

« En 1998, chaque ménage français a dépensé en moyenne 640 francs par semaine pour son alimentation. Coca-Cola vend un million de cannettes par heure dans le monde. Il y a vingt millions de sans-emploi en Europe.[4] »

Voilà une explication simple pour le succès de 99 Francs: l´auteur apporte des faits.

Des faits qui semblent, grâce au passé professionnel de Beigbeder, être vrais. Le lecteur a ainsi l´impression de jeter un regard derrière la façade d´un système dont il se voit entouré mais dont, jusqu´à présent, il ne comprenait rien. C´est ainsi que 99 Francs a pu se placer en tête des listes de ventes bien que le talent d´écrivain de son auteur ait été mis en doute par les critiques.

[...]


[1] http://www.chez.com/fulham/index0.html

[2] Jahrbuch 2003, Die Welt in Zahlen, Daten, Analysen, dtv, 2002, Seite 157

[3] Beigbeder, Frédéric, 99 Francs / 14,99 €, Grasset, Paris, 2000, page 79

[4] Beigbeder, page 275

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Details

Titel
La satire de la publicité dans le roman "99 Francs / 14,99€" de Frédéric Beigbeder
Hochschule
Ruhr-Universität Bochum  (Romanisches Seminar)
Note
1,3
Autor
Jahr
2005
Seiten
31
Katalognummer
V37318
ISBN (eBook)
9783638366977
ISBN (Buch)
9783638654005
Dateigröße
586 KB
Sprache
Französisch
Schlagworte
Beigbeder, 99 Francs, Publicité, Satire, Marketing, Frédéric, roman francais, 20e siècle, littérature
Arbeit zitieren
Maxim Görke (Autor:in), 2005, La satire de la publicité dans le roman "99 Francs / 14,99€" de Frédéric Beigbeder, München, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/37318

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