Extrait
Table des matières
Introduction
1 Aperçu sur la province du Haut-Uele
2 Les précisions sur ce que sont les Mbororo
2.1 Croyances religieuses
2.2 Activités économiques des Mbororo
2.3 Schéma sociologique des Mbororo
2.4 Système d’information primitif et efficace
3 Chronologie de la pénétration des Mbororo sur le sol Hautuélien
3.1 Pénétration des années 1940
3.2 Pénétration des années 1980
3.3 Pénétration actuelle
3.4 Statut des Mbororo sur le sol hautuélien
4 Les implications de l’immigration des Mbororo sur le développement de la province du Haut- Uele
4.1 Les menaces sécuritaires présentes et futures
4.2 Le Complot international
4.3 L’ampleur des tensions sociale
4.4 Le désastre économique
4.5 La dégradation de l’environnement
5 Pistes de solution pour l’éradication du phénomène Mbororo dans le Haut-Uele
Conclusion
Bibliographie
L’incidence de l’immigration des éleveurs Mbororo sur le développement du Haut-Uele en République Démocratique Congo.
Par KADONY MAMBOKA Douceur
Doctorant et Assistant d’enseignement en Relations Internationales, Faculté des Sciences Sociales Politiques et Administratives de l’Université de Lubumbashi en RD Congo. Il est Énarque et Administrateur Civil. Il assume la fonction de Chef Bureau coopération internationale au Ministère National de l’Enseignement. Actuellement il est Directeur de Cabinet au Ministère Provincial de l’Intérieur, Sécurité et Ordre Public ; Justice et Droits Humains.
Résumé : Loin d’être un phénomène susceptible de booster le développement, l’immigration des éleveurs Mbororo dans la province du Haut-Uele en République Démocratique Congo constitue un véritable problème présent et futur qui obstrue la réalisation des projets de développement de cette province. En effet, l’activité des immigrés Mbororo a un impact négatif significatif sur l’agriculture et l’environnement parce que les cheptels des Mbororo causent des dommages invraisemblables aux cultures des autochtones et aux ressources en eau. Ces dommages provoquent par conséquent des conflits classiques de type agriculteurs-éleveurs. Ces conflits prennent des allures inquiétantes parce que les immigrés Mbororo détiennent, pour la plupart d’entre eux des armes de guerre.
Mots-clés : immigration-développement-environnement- sécurité
Introduction
La question migratoire est actuellement au cœur des conférences internationales, au centre des préoccupations des gouvernements, au socle de débats scientifiques et politiques. Tous les pays du monde, à de proportion différente, sont concernés d’une manière ou d’une autre par la question migratoire. En effet, en ce qui concerne la République Démocratique du Congo, elle a connu depuis plusieurs années des vagues des migrations transfrontalières des paternalistes nomades appelés Mbororo. Déjà vers les années 1940 et aussi 1980, ils ont été repoussés. Il a fallu arriver au début des années 2000 pour que leur pénétration soit effective sur le territoire de la RD Congo. A dire vrai, c’est précisément dans le Haut-Uele et le Bas-Uele que les Mbororo sont localisés. Dans la Province du Haut-Uele, ils occupent actuellement plusieurs localités dans les territoires « de Rungu, Watsa, Niangara, Faradje et Dungu 1 ».
Les Mbororo appartiennent au groupe des Peuls ou des Fulani, l’un des plus importants groupes ethniques d’Afrique occidentale. Ils vivent dans au moins 18 Etats notamment le Nigeria, le Niger, la Guinée, le Sénégal, le Mali, la Mauritanie, la République Centrafricaine, Cameroun, etc.
La vie des Mbororo est tributaire des bétails et du pâturage étant donné qu’ils sont éleveurs. Les vaches représentent pour les Mbororo non seulement une source de richesse, mais aussi une garantie de sécurité alimentaire et existentielle. Dans le contexte d’une telle dépendance, d’aucun n’est tenté d’affirmer que plus les têtes des batailles augmentent et plus les bétails sont en bonne santé, mieux se portent les Mbororo. Raison pour laquelle les Mbororo sont tenus de trouver des bons pâturages pour leurs cheptels.
Puisque la RD Congo présente une extraordinaire configuration de la flore à sa partie nord-est, les Mbororo ont trouvé intéressant de s’y installer pour bénéficier des riches pâturages qui couvrent ce territoire. A ce jour on dénombre plus de « 3314 Mbororo 2 », hommes, femmes et enfants, qui sont paisiblement installés dans les localités du Haut-Uele.
Dès le moment où nous savons que le Haut-Uele est une nouvelle province issue de la mise œuvre du découpage territorial, et que cette province à pour ultime ambition de réaliser son développement qui se veut durable, il y a de quoi s’interroger sur la contribution de l’immigration des Mbororo à l’atteinte des objectifs de développement de cette province. Autrement dit cette réflexion tente de répondre à la question fondamentale suivante : l’immigration des Mbororo dans la province du Haut-Uele contribue t- elle au développement de cette province ? Pour un oui ou pour un non, comment ?
L’énoncé de notre postulat de départ se range dans la négation. L’immigration des Mbororo dans la province du Haut-Uele ne contribue pas à son développement. Par contre, elle est un grand problème à la fois sécuritaire, environnemental, et social pour ladite province. L’activité des immigrés Mbororo a un impact négatif significatif sur l’agriculture et l’environnement parce que leurs troupeaux en pâturage causent des dommages considérables, spécialement aux cultures des autochtones et aux ressources en eau. Ces dommages provoquent, par conséquent des conflits classiques de type agriculteurs/éleveurs, qui détruisent la paix sociale.
Il sera donc question de démontrer, dans cette étude, comment l’immigration des Mbororo est une obstruction au processus de développement du Haut-Uele sur le plan sécuritaire, économique, social et environnemental. Cet exercice est possible en subdivisant notre étude en cinq points essentiels.
1 Aperçu sur la province du Haut-Uele
C’est suite à la mise en œuvre de la décentralisation telle que consacré par les disposions de la constitution de la république du 18 février 20063 et telle que modifiée la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 qu’est né la province du Haut-Uele. Issu du démembrement de l’ex-Province Orientale, la province du Haut-Uele a une superficie de 89.693km2 avec une population qui avoisine environs 3. 104. 245 habitants, soit une densité de 35 habitants par Km2.
La province du Haut-Uele fait frontière au nord avec la République du Soudan du Sud et la République Centrafricaine, au Sud, avec la Province de la Tshopo, à l’Est avec la Province de l’Ituri et à l’ouest avec la province du Bas-Uele. La taille de son territoire représente trois fois la superficie du Rwanda, du Burundi et même l’ensemble des pays du Benelux.
Située sur le plateau dont l’altitude moyenne varie entre 500 et 800 mètres, la Province du Haut-Uele est de type climat tropical humide avec une température qui varie entre 19 et 30°. Par ailleurs, il s’observe une pluviométrie abondante, une saison sèche marquée et une végétation qui varie entre la forêt dense et une savane plus régulière.4
Sur le plan administratif, la Province du Haut-Uele compte six Territoires (Dungu, Faradje, Niagara, Rungu, Wamba et Watsa), 41 chefferies, 4 secteurs, 360 groupements et 2.138 villages. Sur le plan économique, l’agriculture, l’élevage de petit bétail, la pêche, et l’exploitation artisanale et industrielle des minerais constituent la base de l’économie de la Province.
L’aperçu de la présentation de la Province du Haut-Uele nous conduit déjà à avoir une image anticipée des raisons qui poussent les éleveurs Mbororo à immigrer dans cette Province. Parmi ces raisons nous pouvons citer la configuration naturelle (flore) de la province telle que présentée ci-haut et la position géographique de la Province qui fait frontière avec les pays de provenances de Mbororo (Soudan du Sud, Centrafricain).
2 Les précisions sur ce que sont les Mbororo
Les Mbororo s’inscrivent dans le grand ensemble Peul comprenant, entre autres, le sous-groupe Foulbé. De nombreuses thèses ont été évoquées au sujet de l’origine des Peuls. Ils seraient originaires de la région du Haut-Nil. Leurs migrations se seraient déroulées en deux vagues notamment la première vague qui correspond à une phase de migrations, à la période néolithique, vers le Sahara alors verdoyant. L’assèchement du Sahara les contraint à nouveau à se déplacer vers le Sud. La seconde vague correspond à un déplacement vers le Sud dans la région du Tekrour. Cette région est un cadre de référence majeure de l’ethnogenèse Peul. Il convient cependant de distinguer deux groupes des peuls à savoir : les Peuls « sédentaires » investis dans les activités agropastorales (les Foulbés) et les Peuls nomades (les Mbororo) qui se consacrent à la transhumance pastorale.5
Néanmoins, les populations Mbororo tirent leur nom de la langue Falatha où Mbororo signifierait vache. Pour un Mbororo, la vache est un symbole qui représente non seulement la richesse, mais aussi et surtout une garantie de sécurité alimentaire et existentielle. Le plus curieux ce que dans son échelle de valeur, le Mbororo place toujours la vache en première position, sa famille en deuxième position et lui-même en troisième position.
Il sied ici de souligner une importante précision de ce qu’on qualifie, à tort et à travers, en RD Congo des Mbororo d’origine Tchadienne, Soudanaise ou encore Centrafricaine. A vrai dire, ces Mbororo ne sont pas originaires desdits pays mais ils y sont des immigrés de longues dates. À titre indicatif, les Mbororo qu’on qualifie d’origine centrafricaine ont pénétré en Centrafrique depuis les années 1930. Parmi ceux-ci, la plupart des chefs de famille actuels sont nés dans le pays et se considèrent avant tout comme Centrafricains. Il en est de même des Mbororo qualifiés originaires du Tchad. En réalité, même s’ils proviennent du Tchad, ils n’y étaient qu’immigrants. La sècheresse pousse ces Mbororo à une mobilité permanente. « Les Mbororo qui ont commencé à pénétrer la Centrafrique par la frontière du Tchad et le court secteur de frontière camerounaise, presque tous ces éleveurs ont séjourné au Tchad dans la région de Pala ou celle de Bindi. Mais leur séjour y fut de courte durée 6 ». C’est pourquoi les hommes avisés s’interroge sur le statut réel des Mbororo.
2.1 Croyances religieuses
L’islam est la religion originelle des Mbororo7. Cette religion constitue une des bases d’unité culturelle et historique pour les Mbororo. Cependant, on trouve également dans la communauté Mbororo des animistes .
Comme nous allons le constater dans la suite de nos analyses, la religion des Mbororo pourrait être un facteur nuisible au développement de la province du Haut-Uele. D’ailleurs, il est impossible de nos jours d’analyser les relations internationales sans prendre en compte les phénomènes religieux. Sur le plan international, l’Islam est perçue comme une religion qui vise à détruire les valeurs de la civilisation moderne. Elle est vue comme une religion opposante au progrès technique, à la démocratie et dont le principal but est la conquête du monde par tous les moyens, surtout par la violence8.
2.2 Activités économiques des Mbororo
Les Mbororo ont pour activité économique d’abord la commercialisation de leurs bêtes à travers un système de commerce triangulaire qu’ils ont pu créer entre la RDC, la RCA et le Sud Soudan grâce à leur mouvement d’entrer et de sortir dans ces trois pays. Ensuite, ils vendent le produit laitier extrait de leurs vaches. Enfin, certains Mbororo s’adonnent à « l’exploitation illégale et illicite des minerais comme l’or9 ». Malheureusement, les bénéfices d’une telle exploitation et d’un tel commerce échappent à tous contrôles des services étatiques. Dans un tel contexte, il est difficile pour la Province du Haut-Uele de réaliser des performances économiques utiles à booster son développement.
2.3 Schéma sociologique des Mbororo
L’organisation sociale et familiale des Mbororo paraît simple et se présente de la manière suivante10: Les Mbororo sont subdivisés en tribus, ceux-ci sont subdivisée en clans et les clans sont subdivisés en familles.
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La tribu, qui est le premier niveau de l’organisation sociale des Mbororo, est dirigée par un chef appelé le Do-hardo. Chaque tribu est subdivisée en clan et le clan est appelé hardo. Le Chef qui dirige le clan est aussi est appelé hardo. Une tribu peut compter entre 40 et 100 hardos selon son poids démographique. Chaque hardo est subdivisé en familles et peut compter entre 3 et 5 familles. La famille est la cellule de base des Mbororo. Elle comprend les parents, les grands parents, les oncles et les tantes, les cousins et cousines, les enfants, les neveux et nièces. Ainsi, une famille comprendrait facilement 40 et 50 membres.11
A notre avis, l’existence de cette organisation sociale est l’un de facteur qui explique le refus des Mbororo à se soumettre aux autorités locales autochtones. On assiste donc à l’émergence d’un centre de décision (Do hardo) qui s’oppose au centre de décision locale représenté soit par le chef de chefferie, soit par le chef de secteur ou encore par l’Administrateur de Territoire.
2.4 Système d’information primitif et efficace
Pour immigrer, les Mbororo font d’abord une prospection pour trouver le meilleur endroit favorable au développement et au maintien de l’activité pastorale. Cependant, le moyen de déplacement qu’utilisent les Mbororo reste encore primitif. Ils font la marche à pieds ou encore ils utilisent des vélos pour aller en prospection.
Une fois que le bon pâturage est repéré, le prospecteur partage l’information sur le nouveau lieu de transhumance sans aucune contrepartie. Cette information est partagée de bouche à l’oreille. Toutefois, le prospecteur ne partage pas seulement l’information relative au bon pâturage, mais aussi l’information relative au caractère des autochtones (sont-ils agressifs, hospitaliers, sociales, conflictuels, etc.). En effet, même si ce système d’information est primitif puisque n’utilisant pas les NTIC, il demeure néanmoins efficace du fait des résultats qu’il produit quand on considère la forte immigration des Mbororo sur un même site.
Ce succès ne peut se justifier que dans le contexte congolais et africain. En effet, la RD Congo parait-être un Etat sans politique étrangère surtout quand on considère la politique étrangère comme « un contrôle calculé qui permet à une société de contrôler l’environnement extérieur de manière à préserver les situations favorables et écarter les menaces et d’autres situations défavorables qui risquent d’en augmenter les vulnérabilités »12. Faute d’une politique étrangère bien définit, la RD Congo a des difficultés à maitriser le phénomène Mbororo. Car c’est grâce à la politique étrangère qu’elle peut, en fonction de l’intérêt vital, suprême et stratégique, arrêter des mesures fortes pour empêcher en amont l’entrée des Mbororo sur son sol et par conséquent écarté les potentielles menaces. A cause de la pénétration des Mbororo sur le sol congolais, tout porte à croire que la RD Congo est un acteur sans intérêts dans les relations internationales africaines.
3 Chronologie de la pénétration des Mbororo sur le sol Hautuélien
3.1 Pénétration des années 1940
La première tentative de l’incursion des braconniers Libyens à la recherche des pointes d’éléphants est le signe précurseur qui montre que la migration Mbororo a eu lieu dans les années 1940 à l’époque coloniale. Mais ce mouvement a vite été réprimé par l’Autorité coloniale, qui par la suite avait décidé la création de la réserve de Digba.
[...]
1 Rapport Général de l’atelier de la Commission Mbororo du 22 au 24 juillet 2017.
2 Direction Provincial du Haut-Uélé (Direction Générale des Migrations), Rapport d’identification des Mbororo et leurs cheptels, N°06/DGM/DP/H4/118/2018, Isiro, Décembre 2014, p.1.
3 Programme du Gouvernement de la Province du Haut-Uele, 2017, p.3.
4 Programme du Gouvernement de la Province du Haut-Uele, 2017, p.3.
5 Minfegue, A. C., « Le conflit entre Gbaya et Mbororo à Mandjou (Est Cameroun ) » , article disponible sur http//www.irenees.net/bdf_fiche –analyses-1031_fr.htmI, consulté le 16/02/2019.
6 SarandjI, S. M., « Eleveurs, épizooties et la conquête spatiale dans la région de bouar (partie 1) », in Annales de l'Université Série A, N°5, Bangui, Décembre 2017, p.7.
7 Tamidribe, E., « La Souveraineté de la République Démocratique du Congo à l’épreuve de droit international : cas de l’Occupation Mbororo dans les Uélé », in revue de L’IRSA, N° 21, Octobre 2015, p.11.
8 Duroselle, J-P., op.cit., p.629.
9 Male, N. M., L’invasion du territoire congolais par les éleveurs nomades des Mbororo. Analyse sur les districts du bas et du Haut-Uele en Province orientale , Mémoire de DEA en Droit Public, Université de Kisangani, 2015, p.137, (inédit).
10 Nkoy, E.D., art.cit ., p.28.
11 Kenda, S. cité par Male, N. M., L’invasion du territoire congolais par les éleveurs nomades des Mbororo. Analyse sur les districts du bas et du Haut-Uele en Province orientale, Mémoire de DEA en Droit Public, Université de Kisangani, 2015, p.94, (inédit).
12 Ngoie, T.G., « La République Démocratique du Congo et la quête d’une politique étrangère pragmatique », in Africas Peace Research N°2, Université of Bradford, 2008, p.119.