Extrait
Sommaire
1) Introduction
Première Partie
2) Evolution du cinéma muet en Europe
a. Naissance du cinéma en Europe
b. Italie et les pays scandinaves
b.i L’influence du Danemark et de la Suède
c. Le cinéma allemand
c.i Expressionisme allemand - l’écran démoniaque
c.ii Pionniers du cinéma muet allemand
d. Le cinéma soviétique – Vive le montage
Deuxième Partie
3) Evolution du cinéma muet aux États-Unis
e. Naissance du cinéma aux États-Unis
f. Hollywood se détache de l’Europe
g. La comédie burlesque
h. L’influence de David Wark Griffith
4) Conclusion
5) Bibliographie
6) Filmographie
« Le cinéma a conquis droit de cité dans le monde entier, et a pris un caractère universel qui en fait un objet de libre échange artistique et commercial. » - Léonce Perret, 1922
1) Intruduction
La polémique entre le cinéma américain et le cinéma européen remonte jusqu’à la paternité de l’invention du cinéma. Tandis qu’en Europe ce dernier est attribué généralement aux frères Lumière, les Américains sont convaincus que Thomas Edison et Laurie Dickson ont inventé le septième art en 1891.
Bien que la projection des frères Lumière le 28 décembre 1895 marque le début du cinéma en spectacle populaire de masse, la vérité est qu’aucun homme n’aurait pu inventer le cinéma tout seul. Tout au long des années 1890, dans le monde entier, ingénieurs, photographes, bricoleurs cherchent à donner le mouvement aux images. Étienne-Jules Marey, George Demeny et Émile Reynaud, Thomas Alva Edison et Laurie Dickson, les frères Lumière et les frères Skladanowsky : ils ont tous apporté leur contribution, leur influence, leur inspiration. Il est alors important à comprendre que l‘évolution de l’art et de l’industrie cinématographique est un évènement global dont plusieurs pays ont participé et participent encore.
Le langage du cinéma, tel que nous la connaissons aujourd’hui, a découvert sa vertu esthétique du cadrage et du montage ainsi que la puissance expressive de l’image pendant l’époque du muet. Ce développement universel de l’art cinématographique pendant le début du muet vers 1895 jusqu’à son apogée vers 1929 sera décrit dans le texte suivant basé sur des exemples explicites des cinématographies européen et américain et leurs apports.
Pour une question de temps, ce dossier ne traitera pas toutes les importantes cinématographies muettes d’Europe, mais les exemples explicites de mouvements et développements en Italie, en Suède, au Danemark, en Allemagne, en Autriche et en USSR. Ainsi nous allons comprendre comment les différents pays se sont influencés entre eux et nous allons avoir une bonne idée de l’évolution du cinéma muet en Europe face au cinéma américain.
Première Partie:
2) Evolution du cinéma muet en Europe
2) a. Naissance du cinéma en Europe
Le 28 décembre 1985 est la date de naissance officielle du cinéma. Le mérite en revient à l’invention d’une machine des frères Auguste et Louis Lumière, permettant à la fois de filmer et de projeter, et qui émerge de nombreuses autres tentatives semblables. Une de ses tentatives vient de l’Allemagne, où les frères Max et Emil Skladanowsky, montreurs de lanterne magique, auraient tourné leur première « scène film” sur un toit de Berlin dès le 20 août 1892.1 Près de deux mois avant le Cinématographe Lumière, les frères Skladanowsky projettent des images animées avec leur « Bioskop» accompagné avec une musique spécialement composée. Mais le matériel n’est pas encore très fiable et les films n’ont pas encore de profondeur. Voilà pourquoi le solide Cinématographe des frères Lumière, étant facilement utilisable et transportable, a fait oublier le Bioskop dans le mémoire collective.
Après la première projection publique et payante d’images animées fixées sur pellicule le 28 décembre 1895 dans les sous-sols du Grand Café à Paris, les frères Lumière envoient leurs opérateurs partout dans le monde pour tourner les « vues » (environ 50 secondes) projetés dans des cafés ainsi que dans des lieux prestigieux. En collant plusieurs « tableaux », en interrompant volontairement la prise de vue et en construisant lui-même ses décors, le français Georges Méliès comprend très vite que la machine des frères Lumière permet également de réaliser des films inventifs, à base de trucages et de scénarios complexes, qui vont influencer les cinéastes du monde entier. Méliès construit en plus le premier studio de cinéma en Europe. L’industrie du cinéma se développe ensuite très vite et la France devient le pays le plus puissant du cinéma avec les sociétés internationales de Charles Pathé et Leon Gaumont qui s’impose sur le marché.
La création du « Film d’Art », compagnie française qui cherche à légitimer le cinéma avec des sujets acceptables pour le milieu lettré, influence toutes les autres cinématographies. Les films tirés des romans ou des évènements historiques comme L’assassinat du duc de Guise en 1908 entraine des imitateurs en Allemagne et surtout en Italie.
2) b. Italie et les pays scandinaves
À partir de 1908, l’Italie produit des films plus longs, plus luxueux, en costume et sur des sujets historiques. Les trois firmes partageant le marché « Ciné », « Ambrioso » et surtout « Italia Film » produisent des films de qualité. Elles s’intéressent beaucoup à l’Antiquité en raison de l’histoire du pays et tournent alors des reconstitutions historiques qui inspirent l’art cinématographique aux États-Unis. Il se développe également le phénomène de « Diva » en Italie vers 1912/13. Des actrices populaires comme Francesca Bertini ou Lydia Borelli attirent ainsi le public.
Un des films le plus célèbre de l’époque est Cabiria de Giovanni Pastrone. Il sort en 1914 quand les longs métrages commençaient à apparaître et atteindre une durée de deux heures et trente minutes. Mélangeant un fait historique ( la guerre punique entre Rom et Carthage ) et une dimension fictive, le film impressionne avec ses décors gigantesques, deplaçant même des éléphants en plein montagne pour reconstituer le parcours de Hannibal, et ses effets spéciaux. Mais Cabiria est aussi fameux pour les travellings effectués avec un chariot ce qui n’était pas habituel à l’époque. Le film de Pastrone influence surtout David Wark Griffith aux États-Unis pour Naissance d’une nation. La production italienne voit cependant une baisse rapide pendant les années 1920 jusqu’aux années 1940.
b.i L’influence du Danemark et de la Suéde
Les pays scandinaves participent également de près au développement de l’art et l’industrie cinématographique. En 1916, le Danemark produit 152 films dont la plupart sortent de la compagnie « Nordisk » à Copenhague. La firme produit souvent des drames et mélodrames – La traite des Blanches, par exemple, a eu un succès international. Les femmes héroïnes fatales de ces films sont surnommées « vamps » et leur style et vite copié à Hollywood. Asta Nielson devient la première star internationale du cinéma. Malgré tout, le cinéma danois perd énormément d’importance après 1920.
En Suède, les films produits au cours des années 1910 à 1925 ont eu une grande influence sur les cinéastes français et allemands en ce qui concerne le travail de lumière et la qualité des effets spéciaux. Mais le cinéma suédois s’est caractérise surtout par l’utilisation de paysages naturels. Les deux metteurs en scène les plus connus étaient Victor Sjöstrom et Moritz Stiller. Tous les deux travaillent pour la Svenska et partent pour Hollywood au milieu des années 1920.2
2) b. Le cinéma allemand
Malgré le retard pris sur la France, les États-Unis et même le Danemark, l'Allemagne commencent à s'affirmer à partir de 1910, avec l'extension du marché, l'avènement des grandes salles (Kinopaläste), et une production qui recourt au star-system : Guido Seeber engage la vedette danoise Asta Nielsen pour la Deutsche Bioskop GmBH à Berlin et Oskar Messter assure de son côté la popularité d'Henny Porten. Ernst Lubitsch se démarque au début du cinéma allemand en tant que talentueux cinéaste courtisé par Hollywood plus tard.
Après ses premiers pas modestes, le cinéma germanique va occuper une place importante dans l’histoire du cinéma pendant la république de Weimar, entre 1919 et 1929. L’isolement qu’ont connu les territoires de la langue allemande à cause de la première guerre mondiale ont permis le développement d’une pensée cinématographique originale. L’Allemagne sort de la guerre vaincu, humilié, vivant une crise économique et une monté de fascisme. Paradoxalement, le cinéma s’en sort très bien et consolide son industrie.
La UfA ( Universum Film Aktiengesellschaft ) va être fondée pendant la dernière année de la guerre suite à un accord entre les militaires, les pouvoirs politiques, la Deutsche Bank et les grandes sociétés industrielles. L’objectif de la UfA, avec Erich Pommer en tête, était de concurrencer les Américains. Pour cela, elle générait un capital de 25 millions de marks correspondant à celui du plus grand producteur européen, Charles Pathé.3
c.i Expressionisme allemand - L’écran démoniaque
Les artistes, dans la peinture et le théâtre autant qu’au cinéma, cherchent à exprimer l’état du pays et de son imaginaire pour donner une réponse à la chute de l’Empire. En Allemagne, comme en Autriche, on assiste à une rupture du paysage artistique : L’ Expressionnisme apparaît pour la première fois dans le cinéma, exprimant les sentiments des deux pays suite au choc de la guerre.
Ce cinéma se caractérise par une atmosphère envoûtante, un choix exceptionnel du décor et du maquillage, une importance dramatique, une intensité du jeu des acteurs et surtout un travail exceptionnel sur la lumière. La thématique incarne la période de la guerre faisant référence à la manipulation, la folie et une omniprésence de la mort. Le sociologue Siegfried Kracauer parle alors de « L’Écran démoniaque » en voyant même une participation du cinéma à la monté des nazis préparant le peuple sur le plan psychologique (« De Caligari à Hitler » ). Il voit aussi un rapport entre la manipulation et l’utilisation des soldats pendant la première guerre mondiale et la relation du Dr.Caligari et Cesare dans l’œuvre qui se tient au début de l’expressionnisme allemand : Le Cabinet du Dr. Caligari.
Ce film impressionnant sort d’une collaboration à tous les échelons, comme c’était souvent le cas dans le cinéma germanique. Le producteur Erich Pommer, le réalisateur Robert Wiene, les acteurs Werner Krauss et Conrad Veidt, les décorateurs et artistes Hermann Warm, Robert Herlth et Walter Röhrig, ainsi que les scénaristes Carl Mayer et Hans Janowitz ont leur part dans l‘œuvre.
L’univers est factice et inquiétant avec des déformations plastiques et des créatures aux comportements bizarres. Fortement inspiré par la peinture et la littérature de l’époque, Caligari à son tour aura un influence considérable sur le cinéma des années 1920, les jeux de lumière, le travail des acteurs, la plastique des décors et des perspectives, la recherche d’images subjectives. Bien que certaines critiques trouve le film réversible à cause des toiles peintes, et du cadrage frontal, l’irréalisme de décor est parfaitement justifié par l’idée de Fritz Lang ( qui refusa la réalisation mais intervint d’une manière capitale) de faire du narrateur du récit un des pensionnaires de l’hôpital de Caligari reflétant ainsi la folie cauchemardesque. En effet, la désarticulation systématique de l’image est destinée à faire apparaître l’essentiel.
c.ii Pionniers du cinéma muet allemand
La vision de Caligari inspire Friedrich Wilhelm Murnau qui joint le courant expressionniste avec Nosferatu en 1921. Murnau, formé par le fameux réalisateur et producteur du théâtre Max Reinhardt, veut créer un art à part entière ou tous est soumis à la volonté du créateur.4 Son cinéma est culturel : les références picturales, littéraires, philosophiques et métaphysique y abondent. Nosferatu est un œuvre d’art total que le poète français Robert Desnos qualifie de « plus beau film du monde ». Pourtant l’univers du film est dominé par l’angoisse, la terreur et le désir de mourir. Murnau maîtrise les effets d’éclairage parfaitement utilisant aussi des décors gothiques et romantiques. Le Vampire, Max Schreck, qui porte la peur déjà dans son nom, se déplace comme un robot montrant un autre caractéristique de l’expressionnisme – la déshumanisation. Murnau tourne ensuite Le Dernier des hommes en 1924 et Faust en 1926 avant de partir aux États-Unis où il tourne L’Aurore en 1927, pour la critique internationale le sommet de l’Art muet.5
Le scénario de L’Aurore vient une fois de plus du plus grand scénariste du cinéma germanique, Carl Mayer. Souvent oublié, le juif autrichien joue certainement un rôle très important pour le cinéma germanique en tant qu’initiateur de l’expressionnisme et de « Kammerspiele ». Ses scénarios portent souvent une critique sociale et précisent en détail le décor, le cadrage, l’éclairage et le mouvement de caméra.
[...]
1 EISENSCHITZ, Bernd. Le cinéma allemand.
2 BARNIER Martin, JULLIER Laurent. Une brève histoire du cinéma
3 EISENSCHITZ, Bernd. Le cinéma allemand
4 EISENSCHITZ, Bernd. Le cinéma allemand
5 MARIE, Michel. Le cinéma muet