Raymond Mbassi Atéba, Ph. D., Assistant titulaire au Département de langue et de littérature d’expression française de l’École Normale Supérieure de l’Université de Maroua, est l’auteur de Identité et fluidité dans l’œuvre de Jean-Marie Gustave Le Clézio. Une poétique de la mondialité, Paris, L’Harmattan, avril 2008. Il anime un dossier sur Jean-Marie Gustave Le Clézio dans le site « île en ile », www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/leclezio.html, au City University of New York. En marge de ses travaux sur l’identité, la fluidité et la mondialité, il effectue de nombreuses recherches transversales sur la pédagogie convergente, la théorie littéraire, les liens entre la littérature et l’histoire culturelle et socio-politique, l’écriture androgyne. Quelques monographies, articles publiés et communications données dans plusieurs pays du monde entier complètent ce parcours. Aux yeux de l’institution littéraire française, adossée sur un monolithisme linguistique, opérant dans un champ littéraire répondant aux normes prescrites par Bourdieu, la littérature-monde peut paraître un espace de désacralisation de la littérature française. Non seulement elle ne reconnaît pas la territorialité et la clôture à un champ littéraire, bien plus, elle lui propose la transparence, la porosité, la circularité et la fluidité… Pure folie, pour l’institution littéraire française qui avait jusque-là vécu en toute quiétude dans l’universalisation de ses valeurs et de ses normes locales, et qui avait réussi à faire de Paris, le centre de la culture. Pourtant, la tentation, séduisante et accaparante, va quand même opérer, lentement. La littérature-monde va d'abord séduire une petite élite d'intellectuels soucieux d’élargir leur compas aux dimensions de la planète. Elle se diffuse ensuite plus largement, à travers les colloques, les séminaires, etc., parmi les chercheurs et les lecteurs pour qui les littératures nationales, charriant des valeurs identitaires radicales, vont s'avérer incapables de satisfaire des aspirations de plus en plus tournées vers la poétique de l’inconnu du monde, de la liberté, des instances de la féerie…
La tentation de la littérature-monde :
de la plastique littéraire à l’esthétique de la fluidité
Considérations introductives
Dès la fin de l’année 2006, il se murmurait la publication du manifeste de littérature-monde, signé par 44 écrivains pour la plupart francophones. Le Journal Le Monde du 16 mars 2007 relayait l’information dans ses colonnes, avant que les éditions Gallimard n’inondent à la fin du mois de mai 2007 les librairies de ce manifeste audacieux qui allait non seulement interpeller les acteurs politiques et les écrivains, mais provoquer une rupture dans l’épistémologie de la littérature contemporaine et dans l’institution littéraire mondiale. C'est ce moment troublant de l'histoire de la littérature française et francophone qui nous interpelle dans ce propos : les deux premières années de la littérature-monde, l’ont vu passer de l'état de littérature dissidente suspecte de ruiner de nombreuses institutions au statut d’un mouvement littéraire aux approches plutôt séduisantes.
Aux yeux de l’institution littéraire française, adossée sur un monolithisme[1] linguistique, opérant dans un champ littéraire répondant aux normes prescrites par Bourdieu, la littérature-monde peut paraître un espace de désacralisation de la littérature française. Non seulement elle ne reconnaît pas la territorialité et la clôture à un champ littéraire, bien plus, elle lui propose la transparence, la porosité, la circularité et la fluidité… Pure folie, pour l’institution littéraire française qui avait jusque-là vécu en toute quiétude dans l’universalisation de ses valeurs et de ses normes locales, et qui avait réussi à faire de Paris, le centre de la culture. Pourtant, la tentation, séduisante et accaparante, va quand même opérer, lentement. La littérature-monde va d'abord séduire une petite élite d'intellectuels soucieux d’élargir leur compas aux dimensions de la planète. Elle se diffuse ensuite plus largement, à travers les colloques, les séminaires, etc., parmi les chercheurs et les lecteurs pour qui les littératures nationales, charriant des valeurs identitaires radicales, vont s'avérer incapables de satisfaire des aspirations de plus en plus tournées vers la poétique de l’inconnu du monde, de la liberté, des instances de la féerie…
- Du 12 au 14 février 2009 un colloque international, à l’Université de Floride (Tallahassee) au Winthrop-King Institute for Contemporary French and Francophone Studies, à l’initiative d’Alec Hargreaves.
- Du 23 au 24 février 2009, c’était à Alger : littérature-monde, enjeux et perspectives, à l’initiative de Mme Yamilé Haraoui-Ghebalou et du Groupe de recherche Improcreat.
- Du 26 au 28 avril, c’était au tour de l’Université de Djibouti : Littérature africaine : interrogations contemporaines, à l’Initiative de Kadar Ali Diraneh, Directeur du Centre de Recherche de l'Université de Djibouti et d’Abdourahman Yacin Ahmed.
- Trajectoires et dérives de la littérature-monde. Poétiques de la relation et du divers dans les espaces francophones, Colloque international de l'APLAQA, Fredericton (Nouveau-Brunswick, Canada), du 21 au 23 octobre 2010.
Souvent les pistes souvent explorées au cours de ces colloques sont :
- la littérature-monde et la francophonie
- les poétiques de la relation et du divers
- la transculture et les littératures transnationales
- la post-colonialité, le post-exotique
- l'histoire d'une littérature, ses conditions d'émergence
- l'archéologie du littéraire
- les conditions de production : contextes socio-économiques, éditoriaux, etc.
- les textes des écrivains sur leur travail de création
- la création littéraire en milieu multiethnique
- la création littéraire et la critique
- oralité, hétéroglossie, créolité
- hybridité de formes génériques
- l'exiguïté et l'identité rhizome/constructions identitaires
- intertextualités
- la migrance et les diasporas
- enjeux narratifs de la relation et du divers
- mémoire collective/mémoire individuelle
- pensée continentale/pensée archipélique
- le récit de voyage
- la traduction littéraire
Mais au-delà de cette vogue littéraire qui soulève des questions sur les enjeux actuels de l’écriture en français, sur la démarcation entre la littérature française et francophone, sur la pertinence des études post-coloniales évaluées à l’aune de la modernité et du post-modernisme, on peut faire le constat qu’aujourd’hui, plus que jamais, les œuvres littéraires ont vocation à dialoguer librement entre elles par-delà les langues et les pays, à circuler indéfiniment, sans être assignées à représenter des classes ou des catégories réductrices. Il s’agit d’un véritable décloisonnement des champs littéraires dominants et dominés. Une opportunité pour les littératures minorées ou mésestimées, de s’affirmer au concert des nations.
En effet, l'histoire de la plupart des littératures nationales peut se comprendre comme un long et patient processus de positionnement et d'émancipation des auteurs et du discours . Comme un véritable processus d'autonomisation et de libération. S’affirment alors des refus multiples : refus d'être enfermés soit dans des littératures nationales, soit dans la « francophonie », soit dans un régionalisme marginalisant, soit dans un vague « entre-deux » inconfortables. Dire le monde dans sa diversité et sa multiplicité constitue alors le leitmotiv des écrivains-monde. D’où le titre de cet échange : La tentation de la littérature-monde : de la plastique littéraire à l’esthétique de la fluidité. Plastique littéraire, au nom de la liberté scripturale, esthétique de la fluidité, parce que poétique des mélanges et des ruptures, poétique des mosaïques et des paradoxes, poétique de l’impersonnel et de l’inconnu du monde...
Tout en analysant les tendances des écrivains-monde au niveau des thèmes mais aussi au niveau des techniques d'écriture, cet échange tente d’expliquer les fondements épistémologiques de la littérature-monde de son émergence jusqu'à nos jours. Il tente de comprendre, comme le dirait Alec Hargreaves de l’Université de Floride, pourquoi la critique littéraire « se tourne vers les littératures « francophones » et au-delà, comme si, loin des modèles français ou parisiens s'affirmait «là-bas», une effervescence romanesque et poétique susceptible de raviver une littérature devenue par trop fade. Des romans colorés, métissés, créolisés, empreints d'oralité et de voyages, font écho à la rumeur de ces métropoles où se heurtent, se brassent, se mêlent les cultures de tous les continents».
On peut tout de suite se lancer dans le labyrinthe des questions politique, idéologique et esthétique qui interpellent les chercheurs sur la notion de littérature-monde, questions tout aussi confuses que déroutantes qui témoignent de la complexité du phénomène : à la suite de l'attribution en automne dernier, du Goncourt, du Grand prix du roman de l'Académie française, du Renaudot, du Fémina et du Goncourt des lycéens à des écrivains d'Outre-France, on a pu se poser les questions liées à la nationalisation du français et à sa dénationalisation, à l’appropriation et à la variation du français, à la réception du texte littéraire, aux problèmes de décentrement qui déplace le point depuis lequel était supposée rayonner une littérature franco-française vers les quatre coins du monde. À l’identité des écrivains. L'émergence d'une littérature-monde, transnationale, en langue française signe-t-elle l'acte de décès de la francophonie ? Ces questions sous-tendent une autre : qu'y a-t-il de si tentant dans la littérature-monde pour que, chose impensable, l’institution littéraire mondiale lui soit si favorable ? Sans prétention de répondre à ces questions cruciales, nous entendons identifier les sources et la teneur originelle d'un héritage symbolique indispensable pour qui veut comprendre non seulement les racines, mais aussi la nouveauté de la littérature-monde.
[...]
[1] Que dénonçait déjà Le Clézio dans son entretien avec Tirthankar Chandra à label France en 2001.
-
Laden Sie Ihre eigenen Arbeiten hoch! Geld verdienen und iPhone X gewinnen. -
Laden Sie Ihre eigenen Arbeiten hoch! Geld verdienen und iPhone X gewinnen. -
Laden Sie Ihre eigenen Arbeiten hoch! Geld verdienen und iPhone X gewinnen. -
Laden Sie Ihre eigenen Arbeiten hoch! Geld verdienen und iPhone X gewinnen. -
Laden Sie Ihre eigenen Arbeiten hoch! Geld verdienen und iPhone X gewinnen. -
Laden Sie Ihre eigenen Arbeiten hoch! Geld verdienen und iPhone X gewinnen.