À propos de la théorie des champs sémantiques de Jost Trier


Dossier / Travail, 2010

23 Pages


Extrait


Inhalt

1 Introduction

2 Évolution de la conception des champs lexicaux jusqu’à Trier

3 La conception des champs sémantiques de Trier
3.1 La conception des champs sémantiques de Trier
3.2 Le développement de la conception de Trier par Weisgerber
3.3 Schéma de la conception des champs sémantiques de Trier

4 Abrégé de la conception des champs sémantiques selon Trier

5 Critique de la conception des champs sémantiques de Trier

6 Conclusion

7 Bibliographie

1 Introduction

La sémantique étudie la relation entre signes et réalités et, en ce sens, la signification[1] d’éléments langagiers. Une possibilité de soumettre le lexique à un ordre consiste en sa classification par champs sémantiques. L’objet d’étude du présent travail est le champ lexical qui a acquis une position importante dans le domaine de la sémantique structurelle et qui par la suite est devenu le concept du champ lexical. Le présent travail vise à faire ressortir en particulier la conception du champ lexical de Jost Trier (1894-1970). Afin de préparer le foyer de discussion à ce sujet[2], ce travail s’ouvre sur une clarification de la terminologie élémentaire. Les termes en question théorie des champs sémantique et analyse des champs lexicaux[3] seront définis en tenant compte de l’état actuel de la recherche.

L’idée fondamentale de la théorie des champs sémantiques est l’hypothèse que la signification des mots ne peut être saisie de manière isolée mais seulement en rapport avec d’autres significations. Par conséquent, on part du principe qu’il y a des ainsi-appelés champs lexicaux qui contiennent une entité mentale et dans lesquels des mots synonymes et en interaction entre eux puissent être intégrés. La signification de mots isolés résulte alors de leur position spécifique au sein du champ lexical. Par conséquent, l’homme parlant n’est pas en mesure de mémoriser la signification des mots de façon isolée mais il les enregistre dans des réseaux sémantiques. Les significations spécifiques d’une réalité sont alors déduites à partir des rapports qui se constituent sur la base des expériences individuelles ainsi que des conditions de vie socio-culturelles de l’homme. Certains représentants de la théorie des champs sémantiques pensent qu’à la base des rapports terminologiques se trouve une relation sémantique essentielle[4] contenant les implications possibles d’un mot. Malgré le flou terminologique persistant, une méta-étude de Vater (1994) au sujet de différents concepts du champ lexical montre «que champ lexical désigne un paradigme lexical de mots apparentés (similaires). On ne se contente pas de découper des mots en caractéristiques sémantiques; on veut saisir également les rapports, leurs points communs et leurs différences au sein d’un extrait du lexique global d’une langue. Un tel extrait est un champ.»[5] La variété et complexité des approches des champs lexicaux apparaît clairement lorsqu’on examine les champs associatifs, linguistiques et morpho-sémantiques décrits dans la théorie des champs lexicaux (Batteux : 1999, Hänsel : 2002).

La réalisation de la théorie des champs lexicaux à travers l’analyse pratique et sémantique est appelé par Vater (1994) analyse des champs lexicaux. Cependant, il s’est développé ici un éventail de méthodes tout à faut différentes. Ainsi, par exemple, fut développée une méthode issue de la linguistique, qui est fondée sur les compétences individuelles du chercheur, dans la mesure où celui-ci crée un réseau d’associations qui renvoie à un terme central et c’est ce même chercheur qui définit les rapports sémantiques correspondants. D’autre part, avec la progression dans le développement de la psycho-linguistique, les analyses des champs lexicaux peuvent être réalisées à l’aide de méthodes issues de la psychologie expérimentale (Eye, Marx: 1984). On montre alors à des sujets expérimentaux des couples de mots et on essaie de prouver empiriquement les rapports de similitude au sein d’un champ lexical à travers des tests d’association.

Le présent travail se divise en sept parties. Après une introduction dans le contexte de la discussion, la deuxième partie réunira les précurseurs de la conception des champs lexicaux de Trier qui furent ses principales sources. Sur la base de ces éléments, nous déduisons ensuite le concept de Trier et Weisgerber. La quatrième partie tentera de résumer schématiquement les résultats de cette déduction afin de la présenter au lecteur sous une forme maniable. Après avoir tracé, au cours de la cinquième partie, la conception des champs lexicaux dans son évolution jusqu’à aujourd’hui, la sixième partie vise à reprendre de nouveau les travaux de Trier afin de les apprécier d’une façon critique. En guise de conclusion, la dernière partie résumera les résultats du présent travail.

2 Évolution de la conception des champs lexicaux jusqu’à Trier

Wilhelm von Humboldt: Humboldt était convaincu qu’une langue naturelle reflète la culture et le caractère de ses locuteurs et que, par conséquent, elle devait être examinée dans son contexte historique et anthropologique. Il considère la langue elle-même non pas comme une œuvre (ergon) mais comme une activité (energeia). Considérée comme telle, elle est également non seulement un moyen d’expression ou de communication de contenus de pensée mais constitue au moment d’être parlée une unité indivisible avec la pensée. Comme la langue et la pensée, la langue et le monde également forment un ensemble, si bien que l’acte de langage révèle une vision spécifique du monde. L’homme vit avec les choses en fonction de la manière dont le filet de la langue les lui amène. Selon Humboldt, l’acte par lequel l’homme sort la langue de son filet intérieur est aussi l’acte qui l’immobilise dans ce même filet, si bien que chaque langue pose aussi des limites à celui qui la parle.

Ferdinand de Saussure: L’un des précurseurs les plus importants de la théorie des champs sémantiques au sens strict fut Saussure lequel exerça une influence durable sur la linguistique structurelle du 20e siècle. En intégrant les idées de l’unité psychologique de Humboldt, ses thèses sur la nature systématique du langage ont donné une impulsion importante au développement de la théorie des champs sémantiques. Saussure défendait une linguistique synchronique qui examine les rapports au sein d’une seule langue à un moment précis de son évolution et dont la base de travail se situe au niveau de l’expression. Les structures sémantiques, les relations entre forme et signification et les structures synchroniques du lexique occupent ainsi le premier plan de son analyse. Il considère la langue comme un système de signes linguistiques qui est actualisée dans la parole.

Dans son ‘Cours de linguistique générale’, Saussure différencie le langage (l’aptitude à parler chez l’homme), la langue (le système de signes) et la parole (l’acte individuelle d’élocution). Par langue, il entend ici également un système dans lequel tous les niveaux linguistiques sont liés entre eux. Ce fut avant tout son analyse de langue et parole qui contribua à une meilleure compréhension de la polysémie, de la synonymie ainsi que du lien paradigmatique et syntagmatique des unités lexicales. Grâce à son concept, Saussure est également en mesure de structurer la signification lexicale et d’expliquer la position des unités dans le système. Peu après Saussure déjà, l’idée fondamentale du système devait susciter l’analyse intensive des rapports sémantiques au sein des champs lexicaux en tant que sous-systèmes linguistiques (Schwaika: 2002). Pour Saussure, le système-langue est aussi et avant tout un lien entre les pensées et les sons. D’après ses théories, le mélange entre aspects relatifs aux sons et aspects relatifs aux contenus repose sur des principes psychologiques. Avec l’idée que les termes porteurs de signification résultent de l’acte d’élocution et des idées de chaque individu, sa conception se démarquera plus tard de la théorie des champs fondée quant à elle sur des critères de contenu (Saussure: 1967, Schwaika: 2002).

À travers ses recherches, Saussure définit néanmoins la terminologie fondamentale de l’étude des signes linguistiques. Elle comprend le signe qui à son tour est composé d’un élément d’expression qui comprend l’image acoustique et graphique (signifiant) et d’un élément de contenu (signifié), ainsi que la réalité extra-linguistique (chose). Cette terminologie fut ensuite approuvée et reprise par les représentants de la théorie des champs sémantiques. Cependant, Saussure distingua également la valeur propre visée par l’image acoustique (signification) et la position dans le système (valeur). De ce fait, le signe linguistique a non seulement un contenu mais aussi une valeur qui est déterminée par la position du signe dans le système linguistique. Cette valeur est selon Saussure non seulement un élément constituant de la signification mais elle peut aussi influer sur cette signification. Cependant, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un simple lien entre un son et une représentation mentale, chaque élément du système doit être observé par rapport à cette valeur (Saussure: 1967).

Selon Saussure, le lexique de l’homme est organisé selon des syntagmes et des associations.[6] Le terme syntagmes désigne ici des groupes constitués de deux ou plusieurs unités dont la valeur est déterminée en opposant chaque unité à l’ensemble du groupe. Des rapports d’association résultant des points communs existent également en dehors de la phrase énoncée. Les rapports à l’intérieur de tels groupes peuvent néanmoins être de nature différente comme le démontrent des associations qui peuvent soit se présenter sous forme d’analogie soit reposer sur les seuls points communs de leurs images acoustiques.[7] De ce fait, d’un point de vue formelle, les syntagmes sont des unités dans un ordre et une suite précis, dont le nombre et les éléments constituants sont définis, alors que les associations ne présentent ni nombre ni ordre précis (Schwaika: 2002).

À travers ses recherches sur l’association et la définition des valeurs, le concept de champ sémantique fut déjà ébauché par Saussure de façon implicite. Cependant, bien qu’il différencie déjà le signe de la valeur du signe, il n’entreprit pas encore d’analyse structurelle portant sur l’élément de contenu. Selon Scheerer, l’impact de la conception de Saussure repose avant tout dans le fait que celle-ci transposait pour la première fois les concepts de valeur et de système au niveau des contenus linguistiques.[8]

Gunther Ipsen. Dans un contexte de recherche linguistique, le terme champ fut pour la première fois utilisé et son contenu analysé par Ipsen (1924). Afin de désigner l’ordre dans la langue, il utilisa les termes champ sémantique, monde et forme linguistique intérieure.[9] Ce fut également Ipsen, repris plus tard par Trier, qui introduisit pour la première fois l’image de la mosaïque lexicale dans l’analyse structurelle. Selon cette image, les mots d’un champ recouvrent parfaitement un secteur conceptuel de façon à ce qu’il n’y ait pas de case vides (thèse de la complétude d’un champ sémantique). De plus, Ipsen pense que les mots du lexique sont intégrés à des groupes sémantiques dont le contenu sémantique est relié au contenu d’autres groupes.[10] Il souligne que ces liens ne doivent pas être interprétés comme chaîne d’associations linéaire mais comme un champ sémantique pluridimensionnel qui a sa propre structure interne et dans lequel les mots se joignent les uns aux autres comme dans une mosaïque. Chaque mot du champ possède certes des contours spécifiques, néanmoins les contours des différents mots se rejoignent parfaitement, sans laisser de vide, et les mots deviennent des porteurs de signification au sein d’une signification d’un ordre supérieure (Schwaika: 2002). Selon Ipsen, les formes lexicales sont liées à l’ensemble du lexique comme à un univers de formes parce qu’elles renvoient aux bases et aux formations de mots qui constituent le corps lexical général. Cependant, ce lien se réalise également lorsque les formes lexicales se mettent à germer elles-mêmes pour former de nouveaux mots par dérivation ou composition. La méthode d’Ipsen est une méthode fondamentalement onomasiologique. Elle représente une vision qui a dû être rejetée plus tard en raison de ses critères formels tels que les similitudes formelles et sémantiques car elle tend plutôt à restreindre la formation d’un champ.

André Jolles. En analogie avec les structures d’Ipsen, celles de Jolles sont appelées champs sémantiques, cependant, elles sont constituées seulement de deux éléments (contradictoires), tels que Mère/Fille, léger/lourd ou en haut/en bas. Jolles juge également pertinent le modèle de la mosaïque, qui se trouve cependant chez lui limité à respectivement deux composants. L’un des inconvénients de ses champs est qu’il est impossible de les élargir à plus de deux composants et que, à partir de cette base, il est impossible de parvenir à une structuration suffisante du lexique.[11] Jolles croyait cependant que son concept du champ satisferait aux revendications d’Ipsen. En particulier, il considère le principe de la complétude[12] comme satisfait. D’un point de vue formelle, on peut lui donner raison ici car, en raison de la simplicité de son modèle, il aborde en effet le problème de la délimitation de façon plus concluante. Reste le mérite de Jolles d’avoir démontré qu’Ipsen n’a pas clairement délimité les contours sémantiques dans le champ lexical.

[...]


[1] La signification de signification constitue évidemment un problème très complexe; dans le cadre de ce travail, les différentes solutions proposées à ce problème peuvent seulement être indiquées, elles ne peuvent cependant pas être abordées dans le détail.

[2] La nature et l’étendue de ce travail ne permettent pas de délimiter suffisamment l’espace de discussion et les conditions fondamentales et de clarifier les concepts de façon univoque.

[3] Le terme de théorie des champs sémantique est problématique du fait qu’il «s’agit là de la traduction française de l’allemand Bedeutungsfeld, terme employé pour la première fois par Günther IPSEN.» Or, «TRIER, déjà, condamnait le terme [...]» (PEETERS: 1991, p. 51). La Wortfeldthéorie de Trier étant établie dans la littérature francophone comme la théorie des champs sémantiques, nous en tenons compte dans le présent travail. Cependant, en dehors de cette expression, nous revenons, dans la mesure du possible, vers des termes français plus respectueux des termes allemands correspondants. Ainsi, champ lexical renvoie au terme allemand Wortfeld et champ sémantique à Bedeutungsfeld.

[4] À raison, on présume ici la proximité de la théorie des Idées de Platon.

[5] VATER : 1994, p.170

[6] SAUSSURE : 1967, p. 147

[7] idem, p. 150

[8] SCHEERER : 1980, p. 40

[9] IPSEN : 1932, p. 14

[10] IPSEN : 1924, p. 225

[11] KÜHLWEIN : 1967, p. 40

[12] JOLLES : 1934 p. 103

Fin de l'extrait de 23 pages

Résumé des informations

Titre
À propos de la théorie des champs sémantiques de Jost Trier
Université
Université Toulouse II - Le Mirail
Auteur
Année
2010
Pages
23
N° de catalogue
V143731
ISBN (ebook)
9783640517145
ISBN (Livre)
9783640516964
Taille d'un fichier
539 KB
Langue
français
Mots clés
Jost, Trier
Citation du texte
Christina Herzog (Auteur), 2010, À propos de la théorie des champs sémantiques de Jost Trier, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/143731

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