Cette thèse cherche une explication du fait qu′un genre littéraire si vieux que l′épopée est toujours un genre littéraire très répandu en Afrique. L′épopée mandingue sert comme exemple d′un genre littéraire qui raconte l′histoire d′un personnage célèbre, mais, pour certaines raisons, ce qui est raconté dans cette épopée, dévie quelquefois de ce qui s′est passé vraiment. Pour comprendre mieux le processus complexe de la déformation de la réalité dans la littérature et la raison pour laquelle celle-ci a lieu, la thèse examine quelques éléments essentiels concernant la tradition orale de l′histoire africaine, les particularités du genre de l′épopée et le contenu de la légende de Soundjata qui raconte comment s′est établi le royaume du Mali. En passant toutes ces stations du développement de l′épopée mandingue, on découvra certaines relations entre les différents aspects de l′épopée et l′idéologie de la négritude.
TABLE DES MATIÈRES
1. Introduction
Entre réalité et fiction
2. Le griot et l’oralitÉ
2.1. La tradition orale
2.2. Le griot d’autrefois
2.3. Gardeur des secrets
2.4. Le griot aujourd’hui
3. LA LEGENDE DE SOUDJATA
3.1. La transcription d’une tradition orale
3.2. La région du Manding - Résumé de l’épopée mandingue
3.3. Éléments essentiels d’une épopée
4. REALITE ET IRREALITE DANS L’EPOPEE
4.1. Une société en crise 10
4.2. La nécessité de la fiction . 10
4.3. Le sens symbolique dans l’action héroïque . 11
5. CONCLUSION
Être vainqueur
6. ANNEXE
Carte du Soudan occidental
7. BIBLIOGRAPHIE
SOUNDJATA
OU L’EPOPEE MANDINGUE
1. INTRODUCTION
Entre réalité et fiction
Dans cette thèse, nous essayerons de trouver une explication du fait qu’un genre littéraire si vieux que l’épopée est toujours un genre littéraire très répandu en Afrique et a survécu tant de siècles. Nous nous consacrerons aussi au problème que la réalité de l’histoire se retrouve souvent falsifiée et changée dans les œuvres littéraires comme l’épopée. L’épopée mandingue nous servira comme exemple d’un genre littéraire qui raconte l’histoire d’un personnage célèbre, mais, ce qui est raconté dans cette épopée, dévie quelquefois de ce qui s’est passé vraiment pour certaines raisons qu’on va encore essayer d’analyser plus tard.
Pour comprendre mieux le processus complexe de la déformation de la réalité dans la littérature et la raison pour laquelle celle-ci a lieu, il sera nécessaire de parler d’abord de quelques éléments essentiels concernant la tradition orale de l’histoire africaine, il nous faudra regarder les particularités du genre de l’épopée et, évidemment, il faut connaître le contenu de la légende de Soundjata qui nous raconte comment s’est établi le royaume du Mali.
En passant toutes ces stations du développement de l’épopée mandingue, nous trouverons certaines relations entre les différents aspects de l’épopée et l’idéologie de la négritude. C’est cela qui nous intéresse le plus ici, c’est cela qui représente le but central dans cette thèse. Alors, prenons le départ.
2. LE GRIOT ET L’ORALITE
2.1. La tradition orale
En Afrique, il n’y existent pas de livres d’histoire dans lesquels on pourrait apprendre plus du passé du continent. L’histoire africaine était toujours raconté et léguée oralement – sans être jamais transcrite – par une caste de musiciens professionnels: les griots. Ceux-ci gardaient le savoir de tous leurs ancêtres dans leurs têtes et le faisaient savoir au peuple en chantant les épopées. De telle manière, le savoir était transmis d’une génération à l’autre. Chaque village en Afrique avait (et en général, c’est encore le cas aujourd’hui, bien que la situation des griots ait changée depuis la colonisation) son propre griot qui connaissait – à part les faits historiques célèbres qui étaient connus dans toute l’Afrique – tous les éléments importants et les détails historiques de sa propre région.
2.2. Le griot d’autrefois
Dans l’Afrique antique, le griot était donc un des membres les plus importants de la société. Il y avait beaucoup de fonctions importantes dont le griot s’acquittait. Le griot d’autrefois n’était pas seulement le gardeur de la mémoire et le conservateur de la tradition et des coutumes. Il était aussi le précepteur des princes. Tous les princes étaient enseignés par un ou plusieurs griots car ceux-ci connaissaient non seulement l’histoire de leur pays, mais ils avaient encore un grand nombre d’autres capacités importants pour un futur roi. Les griots étaient les intellectuels de l’Afrique antique, ils étaient les maîtres de l’art de la parole.[1]
De plus, le conseil d’un griot à l’égard de toutes sortes de problèmes était toujours un cadeau respecté et désirable parmi les rois africains. Quand il y avait un problème politique et le roi avait besoin du savoir du passé et d’un conseil intelligent, il consultait son griot. Les rois africains respectaient toujours le passé comme facteur important qui leur servait comme exemple pour le présent et pour l’avenir. C’est aussi à cause de cela que le griot est appelé «détenteur des constitutions»[2].
2.3. Gardeur des secrets
L’affirmation d’un griot «Toute science véritable doit être un secret»[3] nous fait savoir que le griot est aussi un gardeur des secrets. Les histoires qu’il raconte, les légendes et les contes amusantes, ont – à part leur sens normal et ordinaire – presque toujours un sens symbolique et secret qui n’est souvent même pas compris par les Africains eux-mêmes.
Mais, peut-être, cette affirmation nous fait-elle aussi voir qu’il est tellement difficile pour les étrangers et les non-initiés (comme les Européens, par exemple) de connaître plus de l’histoire africaine et de comprendre mieux le savoir et les idéologies des Africains. Les griots normalement ne parlent pas à des personnes qui viennent d’autres cultures. De toute façon, ils n’acceptent pas du tout qu’on les enregistre quand ils racontent les épopées. Ils sont d’avis que leur savoir doit rester un secret pour avoir le sens d’une science véritable. Et puisqu’il n’y a pas de livres d’histoire où on pourrait relire ce qu’on veut savoir, il nous reste, pour en apprendre plus, seulement le moyen de chercher un griot qui veut bien nous raconter ses mythes et légendes.
[...]
[1] cf. Niane (1960), pp. 7 – 13.
[2] cf. Niane (1960), pp. 7 – 8.
[3] Niane (1960), p. 9.