“Une oeuvre dramatique doit toujours être écrite comme si elle ne devait être que lue. La représentation n’est qu’une lecture à plusieurs personnes.”
Alexandre Dumas fils, préface de la pièce Un père prodigue (1859)
Le genre théâtral est un genre contradictoire. A la fois texte littéraire et représentation, le théâtre occupe une place particulière dans la littérature. Le genre dramatique, destiné à être joué incarne cette dualité esthétique et technique en mélangeant la beauté des mots et les instructions pratiques. Le texte, en tant que trame de la représentation, est beaucoup plus qu’un mode d’emploi du spectacle.
Auteur dramatique et romancier, Alexandre Dumas Fils introduit sa comédie publié en 1859 “le père prodigue” avec une préface exigeant un style, une manière particulière d’écrire un texte théâtral. En parlant de la composition dramatique, il recommande que celle-ci nécessite une écriture destinée à la lecture, une écriture littéraire, et définit l’achèvement, le spectacle, en tant que lecture, une interprétation multiple du texte. Ainsi il dit : “Une oeuvre dramatique doit toujours être écrite comme si elle ne devait être que lue. La représentation n’est qu’une lecture à plusieurs personnes.”
Mais une pièce de théâtre est-elle destinée à n’être que lue ? Et la beauté d’une œuvre théâtrale est-elle valorisée par la lecture et moins par la mise en scène ? Ou le texte est-il en symbiose avec la mise en scène ?
En essayant de répondre à ces questions, nous allons voir dans une première partie si une oeuvre dramatique se diffère de la littérature romanesque et n’est achevée qu’avec la représentation. Puis, il faut se demander si le texte doit être lisible pour le mettre en scène et s’il s’approche des éléments romanesques en ce qui concerne l’écriture.
Finalement, nous allons voir que chaque mise en scène est un décodage du texte et un moment de création et que le texte et la représentation sont deux éléments complémentaires.
Que ce soit en tant que verbe ou en tant qu’attribut du sujet le terme lire associe spontanément le domaine des livres, le registre épique, les textes romanesques.
Même si Alexandre Dumas Fils n’exprime pas explicitement que le texte théâtral ressemble à un texte romanesque, il exclue la destination d’un texte théâtral d’être joué sur scène en marquant une restriction du verbe, de l’action de lire.
Dissertation
“Une oeuvre dramatique doit toujours être écrite comme si elle ne devait être que lue. La représentation n’est qu’une lectureàplusieurs personnes.”
Alexandre Dumas fils, préface de la pièce Un père prodigue (1859)
Le genre théâtral est un genre contradictoire. A la fois texte littéraire et représentation, le théâtre occupe une place particulière dans la littérature. Le genre dramatique, destinéàêtre joué incarne cette dualité esthétique et technique en mélangeant la beauté des mots et les instructions pratiques. Le texte, en tant que trame de la représentation, est beaucoup plus qu’un mode d’emploi du spectacle.
Auteur dramatique et romancier, Alexandre Dumas Fils introduit sa comédie publié en 1859 “le père prodigue” avec une préface exigeant un style, une manière particulière d’écrire un texte théâtral. En parlant de la composition dramatique, il recommande que celle-ci nécessite une écriture destinéeàla lecture, une écriture littéraire, et définit l’achèvement, le spectacle, en tant que lecture, une interprétation multiple du texte. Ainsi il dit : “Une oeuvre dramatique doit toujours être écrite comme si elle ne devait être que lue. La représentation n’est qu’une lectureàplusieurs personnes.” Mais une pièce de théâtre est-elle destinéeàn’être que lue ? Et la beauté d’une œuvre théâtrale est- elle valorisée par la lecture et moins par la mise en scène ? Ou le texte est-il en symbiose avec la mise en scène ?
En essayant de répondreàces questions, nous allons voir dans une première partie si une oeuvre dramatique se diffère de la littérature romanesque et n’est achevée qu’avec la représentation. Puis, il faut se demander si le texte doit être lisible pour le mettre en scène et s’il s’approche des éléments romanesques en ce qui concerne l’écriture.
Finalement, nous allons voir que chaque mise en scène est un décodage du texte et un moment de création et que le texte et la représentation sont deux éléments complémentaires.
Que ce soit en tant que verbe ou en tant qu’attribut du sujet le terme lire associe spontanément le domaine des livres, le registre épique, les textes romanesques.
Même si Alexandre Dumas Fils n’exprime pas explicitement que le texte théâtral ressembleàun texte romanesque, il exclue la destination d’un texte théâtral d’être joué sur scène en marquant une restriction du verbe, de l’action de lire. Ainsi, il évoque le but d’une pièce dramatique, en effet, d’être lue comme le genre romanesque qui raconte en narrant une idée. Dumas rapproche ainsi le genre dramatique du genre romanesque.
Cependant, la nature du genre dramatique se distingue particulièrement des autres genres. Déjà Platon et Aristote font l'opposition fondamentale entre la poésie dramatique et la poésie narrative. Ainsi Aristote définit le terme dramatique comme une mise en action du texte. Molière aussi, écrit dans la critique de l’Ecole des femmes “(…) le nom de poème dramatique vient d'un mot grec qui signifie agir, pour montrer que la nature de ce poème consiste dans l'action (…)” et montre clairement qu’une oeuvre dramatique contient un autre domaine de signes que le roman, le domaine qui demande la présence, l’activité coordonnée, des mouvements. Pendant que le domaine romanesque se caractérisant par la narration fictionnelle qui exige que l’imagination du lecteur se repose sur un système de signes chronologique de description.
Or, le contraste peut même aller plus loin en opposant l’oeuvre dramatique et la littérature qui se définit en tant que “œuvres écrites, dans la mesure où elles portent la marque de préoccupations esthétiques reconnues pour telles dans le milieu social où elles circulent”.
Certes, l’oeuvre dramatique est souvent écrite mais comme l’esthétique des vers se dévoile avec la mise en scène, le texte n’est qu’une partie de l’oeuvre pendant que le roman ne reste que du texte. Le texte dramatique n’est pas destinéàn’être que lu.
Le vingtième siècle marque en plus le début de la mise en scène, l’épanouissement de l’art de la représentation. Mettre en scène est aussi un acte de création qui demande au metteur en scène d’employer son imagination et sa créativité. Ce n’est pas simplement de mettre en haute voix le texte, c’est un art qui diffère de la création littéraire. Ionesco écrit : « Je ne fais pas de littérature. Je fais une chose toutàfait différente ; je fais du théâtre. » Le théâtre est un jeu et pas un récit. Orgon se cache sous la table dans la comédie Tartuffe, il bouge et il est en action, Jean qui se transforme dans la pièce Rhinocéros de Ionesco en courant d’un muràl’autre ou le mur dans le songe d’une nuit d’été de Shakespeare qui joue et bouge. C’est un jeu des personnages, une action vivante.
La musicalité des vers, des mots, et le rythme des répliques sont mis en valeur au théâtre, le texte ne le révèle pas.
Les vers de Cid de Corneille essentiellement en alexandrins ont besoin d’oralité, de prendre corps avec une voix d’acteur pour dévoiler la beauté, la musicalité qui s’éclate en récitant et qui échappeàla simple lecture. Le timbre de la voix éclate dans toute sa splendide beauté grâceàdes interprètes qui expriment la fluidité du rythme de ces vers. Dans un monologue du premier acte scène VI, les célèbres « stances du Cid »le grand dilemme tragique de Don Rodrigue se révèle avec des sentiments traduit par la voix de l’acteur, par le gestuelle et la mimique. Le langage théâtrale se distingue donc du langage romanesque par le langage paraverbal et non verbal. L’intonation de la voix donneàl’énoncé du sens et de la musicalité ce qui la lecture ne peut pas réaliser car le texte n’est qu’une composante du langage dramatique.
L’oeuvre dramatique comporte parfois aussi des danses qu’on ne peut pas non plus découvrir en lisant une pièce. Molière qui mélange le ballet et la comédie dans “le malade imaginaire ” n’écrit pas son oeuvre pour qu’elle soit lue mais pour la mise en scène qui se sert des différents moyens pour exprimer l’action. Ainsi, la pièce incarne une cohésion du dialogue et de la danse afin de représenter une cérémonie burlesque d’Argan qui devient médecin. La danse et le chant sont des éléments qu’on voit mais qu’on ne lit pas. Le lecteur ne peut que lire des instructions “des tapissiers viennent en dansant” qui sont traduit par la représentation.
Les didascalies apportent donc une information qui est purement technique et qui délimitent un domaine de la signification. Dans Dom Juan Molière signale avec l’indication “DON JUAN, faisant l’hypocrite” comment l’acteur doit incarner ce personnage, comment il doit jouer cette scène. Ainsi l’acteur traduit cette indication d’être hypocrite par la tonalité de sa voix, par sa mimique et son comportement que le texte ne dévoile pas. De même le personnage Tartuffe n’incarne l’hypocrisie qu’avec son attitude en relation avec les mots. Pendant que les mots masquent le vrai objectif de Tartuffe, ses gestes le montrent dans l’Acte III quand il essayeàséduire Elmire. Sans des didascalies, indiquant les attitudes, les gestes et les mimiques des personnages, le comique de gestes, l’une des composantes essentielles du spectacle comique serait inexistant. Beaumarchais par exemple donne de très nombreuses didascalies qui détaillent le décor et les gestes dans le Mariage du Figaro. Figaro mimant les gestes de Bazile qui ne produit que le comique, des jeux de cache-cache autour du fauteuil, sa présence physique ne sont pas lisibleàpartir du texte. Ces éléments gestuels ont besoin des corps, une autre dimension que l’imagination du lecteur. Et le mimodrame de Beckett Acte sans paroles est une pièce sans paroles écrite pour le mime, la beauté est dans la représentation. L’œuvre de Samuel Beckett dispose une physique très détaillée, des didascalies décrivant des gestes des personnages occupent une grande place de son oeuvre. Le théâtre est donc autant visuel qu'auditif, un spectacle total. On ne lit donc pas un texte théâtral comme on lirait un roman. Le style est différent. Le terme théâtreàqui appartient l’adjectif dramatique incarne cette dimension visuelle. Comme le mot de l’origine grecque signalisait “regarder” le théâtre a été d’abord conçu pour être vu qui s’opposeàla citation de Dumas. Toutes les substances théâtrales comme le lieu théâtral, les costumes, les coulisses, le décor sont visuelles et elles ne sont pas vraiment lisibles dans le texte. Ainsi, l’objet sur scène devient un support de l’intrigue comme dans Les chaises de Ionesco, l’objet est pour être vu, on ne peut pas le lire. En plus, l’oeuvre dramatique n’est achevée qu’avec sa mise en scène par rapportàun roman, une oeuvre achevée avec sa lecture. La valeur d’une oeuvre dramatique ne se dévoile qu'à la réalisation scénique. L’intrigue se complète avec le décor, les mouvements, les bruits et les personnages commencentàvivre sur scène. D’après Anne Ubersfeld, le texte de théâtre est un texte «àtrous » en ce qui concerne sa destination scénique sous-entendue. Il est donc destinéàêtre joué sur scène par des acteurs. La lecture d’une pièce ne peut pas tout révéler. Ainsi, une pièce dramatique n’est pas être composée pour la simple lecture.
L’interaction du théâtre est aussi particulière et se déroule sur plusieurs niveaux. D’abord l’auteur qui s’adresse aux spectateurs pour transmettre un message, puis il existe aussi la communication entre l’acteur et le spectateur. D’après l’énoncé de Dumas, le spectateur serait misàl’écart et remplacé par le lecteur. Le rôle du spectateur serait donc négligé, les processus d’entendre et de voir ne seraient pas d’importance.
Cependant, le rôle du spectateur est important. Selon la réception du spectacle par le spectateur l'action sur scène est différente ou adaptée. L’interaction entre le public et les acteurs aideàla représentation. La communication entre l’auteur et le spectateur existe aussi. L’auteur en s’imaginant la réception du spectateur traduit son idée en indications, en signes destinésàla mise en scène pour que le public puisse comprendre l’idée. Si l’auteur s’adresse plutôtàun lecteur qu’à un spectateur, il n’aurait plus besoin de traduire son idée dans un langage théâtral car la communication reste dans la même dimension, la dimension littéraire où le message est le texte. Mais, en général, un auteur dramatique écrit pour un public est transmet un message de l’origine textuelàun message visuel et auditif.
Si l’oeuvre dramatique devait être composée pour être lue, certaines représentations ne seraient plus réalisables. Le drame de Cromwell, qui met en scène 60 personnages dans une action de 6000 vers, est très peu jouée car le contenu est trop étendu, les personnages sont trop nombreux pour les présenter sur scène. En plus, il faut penser que le temps d’un spectacle ne correspond pas au temps dont dispose le lecteur pendant une lecture personnelle.
Le roman n’a pas des telles limitations et peut ainsi se permettre d’exposer un grand nombre des personnages et des peintures de la ville comme Balzac le faisait dans sa Comédie humaine. En plus, dans deux heures de représentation ne peut pas être tout expliqué. Le drame romantique Lorenzaccio de Musset est caractérisé par l'abondance des personnages, des lieux et des péripéties et n’a jamais été complètement joué.
Il faudrait aussi se demander si le théâtre a toujours besoin d’être écrit. Vitez qui affirme qu’on peut faire théâtre de tout, n’a pas besoin de la totalité du texte car ce n’est qu’un matériel qu’on peut modifier. Le texte n’est pas important.
Le succès de la Commedia dell’arte montre l’intérêt pour un théâtre sans texte où le jeu est basé sur l’improvisation, le mouvement et le corps. Né en Italie, ce genre se repose généralement sur un simple scénario. Le texte n’est pas destinéàêtre lu mais représente le fondement de la représentation qui privilégie la gestuelle.
Antonin Artaud juge que le texte n’est pas indispensable, il le rejette. Il diminuait le rôle centrale du texte et mettait en avant le spectacle. La mise en scène serait négligée en mettant l’aspect essentiel sur le texte.
Une oeuvre dramatique n’est pas que lue. Le public voit et entend et lit le texte modifié par le metteur en scène et des acteurs.
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- Jeanne Dest (Author), 2010, Le théâtre - lecture ou spectacle, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/167186
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