Ceci est un commentaire composé sure un extrait (page 16) du livre "Demain je meurs" par Christian Prigent, paru aux éditions P.O.L à Paris en 2007.
Le livre présente une œuvre très personnelle et illustre la vie du père de l’auteur par des mots, transcrivant une séparation qui s’avère difficile et angoissante, et lui rendant ainsi un dernier hommage. Cependant Prigent ne veut en aucun cas relater la vie de son père comme une suite d’évènements qui aurait construit sa vie, sa personne même et donc à travers celle-ci, l’auteur. Pour cela, le récit du fils ne se fixera pas sur ces différents évènements ou encore sur la progression du sens. Il va en quelque sorte sortir le récit du cadre conventionnel en utilisant notamment différents points de vue, des parodies et entre autre la versification.
L’extrait à analyser dans le travail présenté se situe à la fin du première chapitre « en route, mauvaise troupe » et se prête à montrer l’omniprésence de la mort dans l’œuvre. Pour prouver cette hypothèse et montrer l’importance de l’extrait de la page seize, il serait donc nécessaire de se pencher sur les détails. Pour cela, dans une première partie, nous nous intéresserons au contenu du récit. Dans cette partie nous allons traiter le contenu en détail en analysant les objets importants et parfois interpréter l’idée d’auteur. Puis dans une seconde partie, nous allons nous focaliser sur l’aspect linguistique. Et pour finir dans un troisième temps, nous nous pencherons sur l’interprétation et la synthèse de points qui ont été analysés dans la partie précédente.
Commentaire composé sur :
Christian Prigent : Demain je meurs, P.O.L Paris, 2007, p. 16
L’intégralité de la page 16 est disponible en ligne aux éditions P.O.L sur ce lien : https://flipbook.cantook.net/?d=%2F%2Fwww.edenlivres.fr%2Fflipbook%2Fpublications%2F7286.js&oid=16&c=&m=&l=fr&r=http://www.pol-editeur.com&f=pdf
Christian Prigent est un extrême contemporain et auteur français de 21ème siècle qui a publié la fiction « Demain je meurs » en 2007. Ce livre présente une œuvre très personnelle et illustre la vie du père de l’auteur par des mots, transcrivant une séparation qui s’avère difficile et angoissante, et lui rendant ainsi un dernier hommage. Cependant Prigent ne veut en aucun cas relater la vie de son père comme une suite d’évènements qui aurait construit sa vie, sa personne même et donc à travers celle-ci, l’auteur. Pour cela, le récit du fils ne se fixera pas sur ces différents évènements ou encore sur la progression du sens. Il va en quelque sorte sortir le récit du cadre conventionnel en utilisant notamment différents points de vue, des parodies et entre autre la versification.
L’extrait à analyser dans le travail présenté se situe à la fin du première chapitre « en route, mauvaise troupe » et se prête à montrer l’omniprésence de la mort dans l’œuvre. Pour éprouver cette hypothèse et montrer l’importance de l’extrait de la page seize, il serait donc nécessaire de se pencher sur les détails. Pour cela, dans une première partie, nous nous intéresserons au contenu du récit. Dans cette partie nous allons traiter le contenu en détail en analysant les objets importants et parfois interpréter l’idée d’auteur. Puis dans une seconde partie, nous allons nous focaliser sur l’aspect linguistique. Et pour finir dans un troisième temps, nous nous pencherons sur l’interprétation et la synthèse de points qui ont été analysés dans la partie précédente.
A travers le premier chapitre, le narrateur raconte son voyage avec la perspective d’un enfant, alors qu’il rend visite à son père à l’hôpital. Connaissant le début de l’œuvre, la description de son chemin dans l’extrait marque la fin, car il arrive enfin à son lieu de destination. En y arrivant, la description prend un tournant : « Au bout de la côte » se fixant sur la description d’un bâtiment : l’hôpital, dans lequel son père est soigné. En commençant par la description des lieux, il rapporte l’existence d’objets tels que le plafond, la fenêtre et l’étage, ce qui donne au lecteur l’impression qu’il s’agit d’une grande salle. Mais au contraire, il s’agit d’une « cage à connins surdimensionnée ». Son père est enfermé dans ce bâtiment froid, dans une chambre qui présente des mauvaises conditions. Il rajoute que « c’est la Thébaïde où reclut papa » ce qui désigne un désert de Haute-Égypte où aurait vécu Antoine le Grand, premier ermite chrétien. Avec cette image, le lecteur a l’impression qu’il s’agit d’un lieu sauvage, isolé et paisible, où l'on mène une vie retirée et calme. Mais l’auteur se reprend : «Mais le mot va pas » et insiste sur le contraste « Pas plus qu’Éden, Folie, Eldorado. » Avec l’exclusion d’Éden, qui est un nom biblique du Paradis où la Genèse place l'histoire dans la religion d'Adam et Ève ; et Eldorado, la contrée mythique d'Amérique du Sud supposée regorger d'or, Prigent enlève au lecteur l’image positive qu’il avait pu véhiculer avec la désignation du lieu par Thébaïde. Pour augmenter l’image de la souffrance, le narrateur fait une liaison du sujet avec la religion, chose qui est constatée dès la première phase, construite notamment par ces mots : « Croix-du-Calvaire » et « Golgotha ». Calvaire vient du latin calvarius, petite bute sur laquelle fut crucifié Jésus Christ. Le lecteur ne sait pas à quelle croix du calvaire l’écrivain fait référence, car il y avait trois croix au Calvaire: celle du mauvais larron, celle du larron converti, et celle de Jésus-Christ.[1] Il faut prendre en compte, que toutes les trois rappellent une disposition triangulaire en rapport avec la peine spirituelle qui se rattachent à la croix. Tous les calvaires sont ouvragés et ornementés et représentent le lieu sur lequel Jésus Christ a laissé sa vie.[2] En plus, Prigent parle de la Golgotha, la colline située dans l'Antiquité à l'extérieur de Jérusalem, sur laquelle les Romains crucifiaient les condamnés.[3] Ces deux allusions à la religion servent à imager la situation dans laquelle son père malade et souffrant se trouve, proche de la mort.
En plus de la description de bâtiment, dans lequel son père est forcé de séjourner, l’écrivain joue avec la visualité pour souligner la souffrance. Après l’anaphore « Rigole, rigole » il rajoute la couleur jaune, qui, avec l’image du soleil donne une première impression d’être chaleureuse et stimulante. Comme le soleil qui diffuse ses rayons rassurants, porteurs de vie sur terre et en allusion à la création. Pourtant, derrière cet aspect joyeux, le jaune peut parfois avoir un sens négatif, ce qui est le cas ici. Associé aux traîtres, à l'adultère et au mensonge, le jaune est une couleur qui mêle les contrastes. Le jaune pâle, contrairement au jaune vif, s'écarte de ce chemin régénérateur pour pointer plutôt la maladie, la morosité et la tristesse. Le fait que jaune est le parfait du noir, la couleur de la mort souligne d’un côté le mauvais état médical de son père et d’un autre sa tristesse en rapport avec sa maladie, qui va bientôt lui ôter la vie. La mention de la couleur permet d’aller plus loin car en français il y a une expression rire jaune, qui veut dire de se forcer à rire. En fait, la situation et l’état de santé de son père sont graves « Pas de quoi de sourire… », mais il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur et sourire pour que la douleur, liée à la maladie du père, ne se voit pas. Puis, il y a une mention du tapis de couleur verte. La couleur vert représente la nature et la vie, et s’adresse à un lecteur intellectuel et attentif, car au contraire de la culture occidentalle il ne faut pas toujours l'associer à l'espoir et à la chance. Dans ce passage, le vert est porteur d'échec et d'infortune, seconde signification que revêt cette couleur. Pour aller plus loin, on peut constater que le vert est également associé aux hôpitaux et aux pharmacies qui l'ont repris pour leurs enseignes. Après s’être intéressé au sens visuel, l’auteur s’intéresse aussi au son, notamment en utilisant des termes comme « bruit », lorsqu’on précise que « c’est le bruit qui court urbi comme orbi ».
Ce qui est très intéressant dans cet extrait, sont les deux perspectives d’écrivain. Nous pouvons constater deux perspectives, d’un côté le « je », qui apparait une fois dans le récit et le tu qui apparait deux fois. La difficulté est qu’il est difficile de situer le narrateur dans cet extrait. La progression du récit se déroule toujours à travers son propre personnage, mais enfant: «Au bout de la côte qui fait les mollets, c’est Croix-du-Calvaire. ». Ensuite, il y a encore deux parties où on peut remarquer la narration faite de la perspective d’un enfant : ligne 3 à 5 et 16 à 28. Le reste du texte, c’est-à-dire ligne 2 : « Notez, ça nourrit l’idée : addenda de Golgotha. » et lignes 5 à 16 ainsi que 28 à 31 sont attribuées à la narration de l’écrivain, donc de la perspective d’un adulte. En tant qu'écrivain, Christian Prigent a le moyen d’écrire son passé et en changeant les perspectives il semble raisonner à la manière de l’enfant.
Sur le thème de la maladie et de la mort de son père, Christian Prigent aborde un sujet difficile, en écrivant de façon très différente ce qui rend le texte difficile à lire et à comprendre. Son style d`écriture est inhabituel et peut-être déjà extraordinaire. Sa langue hybride prend des tonalités d'ancien français en utilisant de vieux termes comme p.ex. connin, le vieux nom français pour un lapin. Ce qui est paradoxal est le mélange de style. D’un côté, il complique la langue, en utilisant p.ex. des calenbours, qui sont typiques pour le style de Prigent. Et d’un autre côté, il simplifie la langue en évitant la forme complète et correcte d’une négation, ce qui est plutôt typique de la langue orale : « Mais le mot va pas. », « On dit pas ce mot ». Prigent change le registre de langue en utilisant des mots issus du langage courant ou familier, comme : flotte pour l’eau et râler pour se fâcher contre quelque chose ou quelqu’un. D’autre mots proviennent d’un registre soutenu, comme par ex. connins, martingales, nonobstant et calamcher. Ce qui frappe toujours par rapport à sa langue, c’est la richesse des images qui s’en dégagent et qui sont bien souvent symboliques. Pour illustrer un lieu, il utilisera par exemple : « tout plat du plafond, kyrielle de fenêtres et beaucoup d’étages. », l’apparence « en tenue de poil avec les oreilles façon Bugs Bunny et pompon au cul » ou des situations comme « c’est le bruit qui court urbi comme orbi, nonobstant sourdine de mezza-voce parmi du reniflé surindiqué ». Il utilise la peinture du sujet pour souligner la situation grave, liée directement à l’état de santé de son père, quand il nomme le lit une couche d’agonie ou lit d’horreur. C’est aussi cette symbolique du mot qui rend l’histoire et le récit beaucoup plus vivant mais aussi douloureux. En parlant de la mort qui se rapproche, on constate une accumulation de mots la désignant. Commençant par des mots légers tels que quitter, partir, disparaitre, Prigent utilisera ensuite des mots beaucoup plus lourds de sens, comme par exemple : clamser, crampecer, claboter, calancher, casser la pipe qui peuvent marquer un champ lexical du décès. En mettant de côté les verbes, l’extrait contient beaucoup d’autres allusions à la mort, telles que jonche en lit d’horreur, putréfaction ou couche d’agonie. Le champ lexical de la religion, comme entre autre : Golgotha, Croix-du-Calvaire, Eden, Eldorado et rémission. Pour compléter la richesse de vocabulaire dans différents domaines, il faut mentionner encore la médicine car Prigent en utilise certains termes, comme : médication, greffe, pontage et Faculté et quelques termes techniques comme p.ex. : réparable et conduits bouchés. La liaison de ces domaines complètement différents que le narrateur construit pendant cet extrait mène à une impression de désespoir omniprésent. Ce n’est ni la religion, ni la médecine ou la science qui pourront aider à soulager son père malade. Par rapport à la métrique, nous pouvons constater qu’il s’agit d’une métrique régulière. Il y a deux pentasyllabes, un vers de cinq syllabes comme par exemple « Mais le mot va pas ». Il y a même des phrases avec une dizaine de pentasyllabes, comme par exemple : « car papa là-haut », « comme feuille d’automne », « sur grille de regard ». Le texte contient en plus des décasyllabes, un vers de dix syllabes, comme « Pas plus qu’Éden, Folie, Eldorado. » avec l’allitération en p et en d et en alexandrins, comme par exemple «Même pas nous quitter, passer, partir, disparaître. » avec une allitération en p et en r. Ainsi que des heptasyllabes comme « Notez, ça nourrit l’idée : addenda de Golgotha. », avec une allitération en d, g et t. Comme déjà abordé au début de commentaire, l’œuvre « Demain je meurs », récit de la vie du père, précise la difficulté de mettre un terme est plus particulièrement commandée par l’angoisse que suscite l’image du père sur son lit de mort. Pour écrire ce récit, Prigent utilise de nombreuses images figuratives. Ces images touchent le lecteur à un niveau sentimental, il ressent cette douleur, que le père avait avec sa maladie et Christian Prigent a pu ressentir, aussi bien l’enfant que l’écrivain, pendant l’écriture de l’ouvrage. On a même l’impression que c’est la souffrance qui lui a donné une impulsion pour écrire ce texte, notamment car elle joue ici un rôle très important. C’est la douleur qui est au centre du récit, et celle-ci va permettre à Prigent de jouer aussi avec les sentiments des lecteurs, notamment pour accentuer ce sentiment de pitié pour le père ou Prigent lui-même. En sachant que la maladie va gagner et que la mort va bientôt frapper à sa porte, le sentiment de désarroi et d’impuissance est très fort. L’entourage quant à lui, continue à vivre normalement en gardant par exemple le rythme de boire et manger « …, motus-bouche consue et le cul-de-poule en continu. ». La mort est un sujet tabou, qu’on ne doit surtout pas évoquer, même si tout le monde sait que le père va bientôt mourir. L’extrait représente fortement la mélancolie et les sentiments négatifs, évoqués par le fait que le narrateur sait qu’il va bientôt perdre son père. Avec la situation qui s’aggrave, l’image s’aggrave aussi. Le lit de son père est une couche d’agonie, c’est le lieu où il passe ses derniers jours en souffrant de sa maladie. Il n’y a plus d’espoir, car la mort n’est plus qu’une question du temps. On ne peut rien faire pour éviter la mort. En même temps il faut se préparer pour le fait que c’est un Adieu définitif, c’est one way-ticket. Avec la religion abandonnée par l’écrivain, le lecteur s’imagine avec « Billet pour là-bas » le ciel, où le père va arriver après sa mort. La mélancolie, le pessimisme de ceux qui restent après la disparition du défunt, continue avec les phrases suivantes. La situation et l’état de santé de son père sont graves « Pas de quoi de sourire… ». L’image suivante « …papa là-haut jonche en lit d’horreur comme feuille d’automne confite en son rhum de putréfaction… » est si forte, que le lecteur peut ressentir du dégout en lisant ces mots. Tout ensemble, la lecture ainsi que la compréhension d’extrait demande un certain tact et état d’intelligence, peut-être aussi une certaine expérience dans la vie, pour comprendre le sens derrière les phrases et les mots. C’est le lecteur intelligent, qui arrive à regarder au-delà cette description négative, qui prend en compte que ce n’est pas le bâtiment et l’intérieur eux-mêmes qui lui posent problème, mais plutôt le fait qu’ils rendent possible de commencer de parler de la situation qui est difficile à gérer, son père est hospitalisé et est à la dernière extrémité, et lui en tant fils ne peut rien faire d’autre que lui rendre visite à l’hôpital. Un autre exemple montre l’importance d’avoir une idée sur les motivations de l’auteur d’écrire un tel récit : « Pas plus que vision de papa Aimé en tenue de poil avec les oreilles façon Bugs Bunny et pompon au cul. » En citant la figure Bugs Bunny et la comparaison de son père avec ce personnage d’un dessin animé, le lecteur a premièrement l’impression qu’il ridiculise l’apparence du son père en nous donnant une image comique ou même grotesque. Mais en sachant que c’est l’enfant qui parle, Bugs Bunny obtient un sens et une certaine importance. Un enfant ne sait pas encore comment on appelle la tenue portée à l’hôpital. La vision avec le connu s’est arrêtée sur la comparaison avec Bugs Bunny, on suppose que c’est une figure aimée par l’enfant, montrant ainsi même l’amour qu’il avait pour son père, il l’appelle câlin papa.
Pour résumer nous pouvons dire que la partie analysée prouve que l’idée supposée au début de commentaire, est correcte. La mort présente un rôle important car elle est omniprésente à travers le récit, notamment dans l’extrait analysé. Prigent est certes difficile à lire, mais il faut admettre que c’est son style particulier qui lui permet de décrire ce destin douloureux, qu’il a vécu lors de sa jeunesse, avec la maladie et la mort de son père. Les œuvres de Prigent ne sont pas construites de manière à faciliter la lecture, mais bien à faire réfléchir le lecteur sur ce qu’il lit. Il essaie plutôt de produire une œuvre à part entière. C’est la raison pour laquelle la langue devient toujours l’objet du contenu des ouvrages et devrait toujours obtenir une place notable dans l’analyse d’une œuvre.
[...]
[1] http://www.calvairescroixoise.fr/
[2] http://deojuvante.forumactif.org/t683-les-trois-croix-du-calvaire
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Golgotha_%28Calvaire%29
- Citation du texte
- Christine Wolf (Auteur), 2014, Commentaire composé sur un extrait de "Demain je meurs" de Christian Prigent, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/377213