Les responsabilités de l'avocat. En République du Congo


Diploma Thesis, 2018

115 Pages, Grade: 18


Excerpt


INTRODUCTION

L’avocat est un auxiliaire de justice qui a pour missions principales d’assister, de représenter et de défendre ses clients : les justiciables. A ce titre, il est garant de leurs intérêts devant les juridictions. Ses fonctions de conseil et de représentation du justiciable devant les autorités judiciaires et administratives ne sont pas sans encombres. Autrefois, l’avocat connaissait des limites dans les missions que lui confiait la loi. De nos jours, il peut désormais accomplir autant les missions juridiques que les missions judiciaires. Il en est ainsi depuis le 1er Janvier 1990 en France comme dans la plupart des Etats européens et francophones d’Afrique. C’est depuis qu’il y’eut unification des professions d’Avocat et de conseils juridiques. Dès lors l’avocat n’est plus simplement défenseur des justiciables devant les juridictions mais il est aussi conseil de ces derniers. Il conserve le monopole dans ses missions de représentation, d’assistance et de plaidoirie, en plus de pouvoir faire de la rédaction d’actes juridiques et de la consultation au sein de son cabinet. Tout de même, les conseils juridiques accomplissent toujours les actes juridiques telle la rédaction de contrats à la seule différence que les avocats, dans l’exercice de leurs missions, ont un régime de responsabilité spécifique prévu par la loi. C’est en réalité ce qui les distingue de tous les autres professionnels en matière de prestation juridique : la responsabilité qu’ils engagent dans la réalisation de leurs missions. Par conséquent, tout justiciable détient la garantie qu’il peut engager la responsabilité de son avocat lorsque celui-ci faillit dans l’une de ses missions. Pour une meilleure compréhension de ce thème il convient d’en définir les différentes notions.

Premièrement, dans le cadre de cette étude, il faut comprendre la notion de responsabilité dans son sens le plus large. De ce fait, la définition retenue est la suivante : «la responsabilité est l’obligation de répondre de ses actes. Elle peut être morale ou juridique»[1]; «le mal s’étant produit, une voix interroge les hommes : qui l’a fait? Qu’as-tu fait ? Un homme doit répondre ; dans sa conscience, c’est la responsabilité morale ; devant le droit, c’est la responsabilité juridique»[2].

Deuxièmement, la définition retenue de l’avocat est tirée du Dictionnaire de la Justice publié sous la direction de LOIC CADIET dans sa première édition d’Octobre 2004 : «L’avocat est un professionnel assuré qui conseille des clients en droit et/ou les représente et plaide devant les Cours et Tribunaux…».

C’est au regard de ces deux définitions qu’il est soutenu que l’avocat puisse voir sa responsabilité engagée dans l’exercice de ses différentes missions de conseil, représentation et assistance. Du fait de sa qualité d’auxiliaire de justice, la responsabilité de l’avocat peut être soit morale soit juridique. Evoquer le thème des responsabilités de l’avocat revient à concevoir ces notions comme étant pour la première, l’obligation morale ou juridique de répondre des actes posés durant l’exercice de sa profession. Et pour la seconde, toute personne ayant le pouvoir d’assister ou de représenter un justiciable devant les tribunaux avec pour monopole la plaidoirie. Par ailleurs, il est important de faire un point historique des notions qui fondent cette étude.

D’un point de vue historique, si la responsabilité de l’avocat trouve son origine dans son serment :«Je jure, comme Avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité»[3],il faut toutefois préciser que la profession d’avocat est née avant même la qualification de la personne qui l’exerçait en qualité d’avocat.

En France, c’est depuis 1274 que les textes qui régissent la profession d’avocat voient le jour. Depuis ce premier texte, l’avocat est tenu de prêter un serment professionnel, lequel fixe ses obligations et donc sa conduite dans l’exercice de ses missions. La responsabilité de l’avocat nait donc de la conduite que lui impose son serment. Sa responsabilité est également liée à la naissance de la profession avec quelques protections et obligations formalisées dans des textes précédant les grandes réformes de la profession. Ainsi, c’est au regard des différentes missions qui lui sont confiées au fil des réformes que la responsabilité de l’avocat est définie. Aux USA, par exemple, c’est dans les années 1930 que de grandes sociétés d’avocats sont créées, en France c’est dès 1810 que les ordres d’avocats sont créés et les barreaux rétablis après avoir été précédemment supprimés. Ces ordres dès lors mis en place, ont eu pour rôle essentiel de garantir les intérêts de la profession d’avocat en veillant au respect du serment d’entrée dans ladite profession. C’est ensuite différents textes et réformes qui ont clarifié les droits et devoirs de l’avocat dans l’exercice de sa profession dont les plus importants en France sont : la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, le décret n° 91-1191 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat et le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat.

Au Congo, c’est sur le fondement de la Loi n° 026-92 du 20 aout 1992 portant organisation de la profession d’avocat, que la responsabilité de l’avocat sera envisagée. Auparavant, c’est l’arrêté du 08 aout 1933 qui instituait un corps d’avocat-défenseur près la Cour d’Appel et les tribunaux de l’Afrique Equatoriale Française. Ce texte d’avant 1992 posait déjà quelques principes sur lesquels la responsabilité de l’avocat trouvait son fondement. En effet il était interdit aux avocats défenseurs d’exercer une profession salariée ou toute espèce de négoce, de n’encaisser sans un mandat spécial de leur client aucune créance dont ils auront été chargés de poursuivre le recouvrement. Ces différentes obligations prévues par ce texte sont reprises dans la loi n° 026-92 du 20 aout 1992 portant organisation de la profession d’avocat. C’est grâce à la lutte menée par les avocats durant la période de la Conférence Nationale Souveraine au Congo que la loi organisant la profession d’avocat a pu être instaurée comme réforme au texte de 1933. Enfin en 2010 l’Ordre national a mis en place le RIN : règlement intérieur national, lequel regroupe dans le même esprit que la loi, les droits et devoirs de l’avocat. Cette volonté de consolider ces règles de la profession s’est répandue au sein des barreaux qui ont adopté chacun leur propre règlement intérieur. Le plus récent est celui du Barreau de Pointe Noire adopté en 2014 qui met en avant de façon plus précise et actualisée les obligations de l’avocat desquelles découle sa responsabilité. La responsabilité de l’avocat est donc évolutive comme on le constate en fonction des différentes missions qu’il exerce depuis la naissance de la profession jusqu’à ce jour. Ces missions sont encadrées par les termes du serment qu’il prête, et qui demeure le même depuis la réforme de 1992, dans l’esprit du serment consacré par la législation française.

Pour une bonne compréhension des dimensions développées dans notre étude, les limites des investigations menées a été circonscrite. C’est pourquoi, la responsabilité de l’avocat liée à l’exercice de ses fonctions sera évoquée au regard de son serment qui fait ressortir trois types de responsabilité : la responsabilité morale qui sera traduite dans cette étude comme la responsabilité disciplinaire, la responsabilité civile, et la responsabilité pénale. C’est le serment qui édicte les principes essentiels complétés par des devoirs impérieux issus des règles et usages de la profession. Ceux-ci, s’ils ne sont pas respectés, entraînent la mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat. Ce qui justifie que plus que des devoirs, il s’agit dans cette étude de véritables obligations dont le manquement est sanctionné par les textes. Le sujet porte ainsi bien son thème de «responsabilités» de l’Avocat car il est face à une responsabilité à trois déclinaisons. Cette étude se limite à rappeler les différentes responsabilités qui s’appliquent à l’avocat et leur mise en œuvre en application de la loi nationale mais aussi de textes internationaux ratifiés par le Congo.

Le choix de ce thème a été motivé par deux raisons essentielles. La première, est le constat amer suivant : dans l’environnement professionnel dans lequel évoluent les avocats, en particulier au Congo, nombreux sont ceux soumis à des procédures judiciaires de plus en plus fréquentes. Ce qui pose de façon récurrente la question du statut de l’avocat. La seconde, est d’ordre pratique et se conçoit dans le grand intérêt que porte la déontologie. Comme tout ordre professionnel, les avocats disposent d’une déontologie dont les contours doivent être clarifiés et rappelés en vue de garantir la sérénité dans laquelle l’avocat doit exercer ses fonctions. Plusieurs questions naissent ainsi dans l’esprit de toute personne qui veut arborer ce chemin noble de la profession d’avocat au Congo : est-on protégé dans l’exercice de la profession d’avocat ? Quelles sont les limites qui s’imposent à l’avocat dans l’exercice de sa profession ? Quelles sont ses obligations à l’égard de ses confrères, des tiers et autres auxiliaires de justice ? Et à quel moment peut-il voir sa responsabilité engagée ? Quelle est l’étendue de sa responsabilité ? Enfin comment peut-on engager la responsabilité d’un avocat ? Ce sont ces différents points qui ont motivé le choix de ce thème, et qui trouve réponse tout au long de cette étude.

Par ailleurs, c’est dans le souci de se conformer aux exigences de l’Ecole Nationale d’ Administration et de Magistrature (ENAM) que ce travail est réalisé. Car l’ENAM dans sa politique de formation prévoit que la fin d’études est sanctionnée par la production d’un mémoire quidoit être à la fois un travail de réflexion générale et dans la mesure du possible un travail directement utilisable. A cet effet, il doit être critique et il doit s’appuyer sur l’observation de la réalité par l’auteur lui-même, le mémoire est aussi un travail de réflexion générale sur un sujet intéressant directement lié à la vie publique du pays[4].

Cela explique notre volonté de relever dans la pratique la question de la responsabilité de l’avocat compte tenu de son actualité dans la vie judiciaire de ces derniers mois : détention, arrestation, plainte à l’encontre des avocats.

L’intérêt de cette étude ressort de l’état de la question à ce jour et reflète l’originalité de la recherche menée. En ce sens, il s’agit de mettre en exergue les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’avocat, peu importe sa nature, doit être engagée. Ainsi, que de souligner les failles de sa mise en œuvre tout en proposant des pistes de solutions en vue de modérer les différents effets sur la personne et la profession de l’avocat. Il suffit de faire le point des dernières affaires sur la question de la responsabilité de l’avocat au Congo pour se rendre compte qu’en réalité, d’une part il y’a une forte méconnaissance des différentes responsabilités de l’avocat et, d’autre part la procédure de mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat édictée par les différents textes n’est pas prise en compte.

D’où il en ressort premièrement, un double intérêt juridique : d’abord dans le rappel des différents textes sur la question de la responsabilité au sein de la profession d’avocat au Congo, ensuite, dans la suggestion de mettre en place une législation spécifique à la protection de l’avocat. Car, en tant qu’acteur de la Justice et de par la qualité de sa profession, l’avocat ne saurait voir sa responsabilité être mise en cause sans respect de certaines conditions et sans en avoir à modérer les effets. Deuxièmement, un intérêt social qui est celui de rehausser l’estime du rôle de l’avocat dans l’esprit du justiciable, en rappelant à tous l’importance du respect de la déontologie. Il ne sera jamais dit assez que la profession d’avocat est une profession noble et il en va de son avenir de rétablir son caractère de noblesse à la fois aux yeux des avocats qu’à ceux du justiciable.

L’intérêt général de cette étude se situe donc dans la connaissance et l’appropriation des règles de responsabilité de l’avocat qui sont une question de sécurité juridique autant pour lui-même que pour le justiciable.

Concernant l’état de la question, c’est à l’issue de quelques entretiens avec les avocats des Barreaux de Pointe-Noire et de Brazzaville, suite aux récentes poursuites judiciaires à l’encontre des avocats au cours des deux derniers trimestres de l’année 2016, que la problématique s’est soulevée. Ensuite les recherches menées à la bibliothèque del‘ENAM,ont révélé que le thème sur«les responsabilités de l’Avocat»n’a pas encore été abordé. Du moins pas en ce sens car si la responsabilité pénale de l’avocat a été abordée dans un précédent mémoire il y’a plusieurs années déjà, l’ensemble des responsabilités n’a fait l’objet d’aucune étude à ce jour.

La présente étude représentera donc le point de départ de la recherche qui va parcourir les législations étrangère et nationale en vigueur sur cette question et aboutir à une proposition d’adaptation concernant le cas particulier de la protection de l’avocat au Congo. Cela en présentant les différentes responsabilités auxquelles l’avocat doit faire face dans l’exercice de sa profession, et les conditions de mise en oeuvre de celle-ci. Si en France[5]et en Afrique, particulièrement dans la zone UEMOA[6]et en RDC[7], la question de la responsabilité de l’avocat a fait l’objet de plusieurs textes et ouvrages, ce n’est pas le cas au Congo où certes d’actualité, il existe un certain vide que cette étude souhaite combler.

La problématique à laquelle ce travail répond est celle de savoir quelle est l’étendue et quelles sont les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat ?

En rappel, qu’il s’agit là de la responsabilité dans son sens large. Car, s’il est évident que dans ses missions l’avocat engage sa responsabilité, il est clair que sa mise en œuvre doit respecter certaines conditions. A défaut, celle-ci serait en violation de ses droits en tant qu’acteur incontournable et protégé de la justice. Comme l’écrit le Bâtonnier Eugène Reumont «un auxiliaire est utile mais non indispensable...l’avocat est tellement nécessaire à la manifestation de la vérité que ceux qui l’écartent des débats, se sentent coupables ; ce qu’ils sont en effet, en voulant donner aux justiciables l’illusion de l’assistance[8]». L’avocat est l’un des piliers d’une bonne administration et distribution de la justice. Il est le garant des intérêts du justiciable devant les tribunaux. Plus qu’un simple auxiliaire de justice, à en croire le Bâtonnier Reumont, il est donc plus que primordial de garantir la mise en œuvre de sa responsabilité en vue d’un exercice serein de sa profession.

L’hypothèse de travail qui répond à la problématique posée ci-dessus est la suivante : il y’a une forte méconnaissance de l’étendue et des conditions de la responsabilité de l’avocat, laquelle entraine des procédures judiciaires irrégulières à son encontre. Le constat en pratique est tel que la responsabilité de l’avocat est mise en cause sans respect des règles prévues par la loi et les règlements susvisés à cet effet. De plus, en poussant l’étude plus loin, il y’a aussi le constat d’une fragilité des textes sur la profession qui favorise de telles procédures. En deux temps il est question de démontrer l’hypothèse soutenue par cette étude: la fragilité et la méconnaissance des règles en matière de responsabilité de l’avocat au Congo premièrement et deuxièmement la nécessité de renforcer les règles et procédures de mise en oeuvre de la responsabilité de l’avocat.

Ce qui explique le choix d’une méthode de travail qui consiste d’abord, à passer en revue les différentes responsabilités au regard des missions actuelles de l’avocat au Congo. En d’autres termes, chacune des responsabilités va être explicitée pour une meilleure compréhension des enjeux en substance. Ensuite, la méthode de travail consiste à évoquer la mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat une fois engagée, selon les textes applicables et les cas d’espèce propres à l’environnement professionnel de l’avocat au Congo, dans le but de pallier à une mise en oeuvre arbitraire et injustifiée. Sans oublier de faire état des législations internationales qui inspirent le législateur congolais ainsi que les rédacteurs des règlements intérieurs des barreaux. Ce qui va conduire à la proposition de réformes pouvant inspirer ces différents intervenants dans la garantie d’un exercice sain de la profession d’avocat au Congo.

La rédaction de ce travail s’est heurtée à certaines difficultés en particulier celle de rassembler les informations et les cas d’espèces concernant le Congo. L’absence de doctrine, de lois ou règlements portant sur la responsabilité de l’avocat et de jurisprudence conséquente a également, été un frein à la réalisation de cette étude. Ce qui n’a du moins pas empêché son aboutissement.

En résumé, la présente étude est divisée en deux grandes parties. La première partie traite des différents types de responsabilités de l’avocat en trois chapitres prévoyant la responsabilité civile, disciplinaire et pénale. La seconde partie traite de la mise en œuvre des responsabilités de l’avocat en évoquant la procédure concernant chacune de ces responsabilités et ses failles. Enfin pour conclure avec des hypothèses de solution pour une meilleure appréhension de la responsabilité de l’avocat dans l’exercice de sa profession au Congo.

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L’avocat est tenu par certaines obligations aussi bien à l’égard de ses confrères, des clients, des magistrats, que des autres professionnels du droit et des tiers. Il doit en effet mettre tout en œuvre pour garantir les intérêts de ses clients. Il répond à une obligation de moyens dont le manquement ou la violation entraine sa responsabilité qui peut être civile (Chapitre I), disciplinaire (Chapitre II) ou pénale (Chapitre III).

CHAPITRE I : LA RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE DE L'AVOCAT

La responsabilité civile professionnelle de l’avocat est sa principale responsabilité à l’égard de son client. Elle trouve son fondement dans la mauvaise exécution ou l’inexécution des contrats qui le lient à ce dernier (Section I). Ses conditions relèvent de la faute commise dans la réalisation des prestations issues de ces contrats (Section II).

Section I : Le fondement de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat

L’avocat est lié à son client par un contrat général de prestation juridique qui couvre ses différentes missions de représentation, d’assistance et de conseil. Pour la représentation il existe un contrat spécifique dit mandat ad litem (Paragraphe 1) cependant les autres missions se basent sur le contrat de prestation juridique (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le mandat ad litem

La compréhension de cette notion nécessite qu’elle soit définie dans son principe (A) avant d’en analyser la violation (B) au regard des missions de l'avocat.

A- Le principe du mandat ad litem

Le mandat ad litem est défini comme l’accord écrit, d’un client à son avocat pour le représenter en justice. C’est le fondement de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat. Le principe veut que le mandat ad litem ne soit pas pour autant exigé ou avéré en droit positif. L’exception que connait ce principe se manifeste dans certaines missions de l’avocat et devant des juridictions précises au regard du nombre important des intervenants en la matière et des enjeux en instance.

Dans l’exercice de la profession, le mandat ad litem n’est pas obligatoirement écrit et n’a pas à être demandé ni par le Juge ni par la partie adverse. Il se manifeste devant les instances judiciaires lorsque l’avocat se constitue dans un dossier pour le compte de l’une des parties, ou par une convention d’honoraires faisant foi de mandat entre lui et son client. Ce mandat se manifeste également par la production d’une lettre de constitution de ce dernier lorsque la procédure est en cours.

L’Avocat ne peut agir pour le compte de son client sans mandat de ce dernier, et sans pour autant que celui-ci soit écrit ou qu’il en ait à en apporter la preuve. L’avocat est donc présumé avoir un mandat et est dispensé de le présenter lorsqu’il représente ou assiste son client, comme le prévoit l’article 5 du CPC Congo : «le mandataire doit s’il n’est avocat être muni d’un pouvoir spécial…». Exception faite de cette représentation en justice, l’avocat a besoin d’un mandat pour agir au nom et pour le compte de son client. Comme cela se constate à la lecture des articles 57 et 60 du RIN qui prévoient que dans ses missions d’assistance et de représentation l’avocat ne peut agir sans un accord écrit de son client, qu’il s’agisse de «transiger, régulariser un désistement, faire ou accepter des offres réelles à la barre[9]».

Et de même devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ou la Cour de Justice CEMAC (auparavant chambre judiciaire de la CEMAC) le mandat est obligatoire pour un avocat et il doit en apporter la preuve comme le précise les articles 23 du règlement de procédure devant la CCJA et 9 de l’Acte additionnel n°4/00CEMAC portant règles de procédure de la chambre judiciaire CEMAC.

L’article 150 du RIPNR renforce cette conception du mandat ad litem en précisant qu’il se présume pour l’avocat sauf exception légale et règlementaire en ces dispositions : «Il assiste et représente ses clients en justice, et à l’égard de toute administration ou personne chargée d’une délégation de service public, sans avoir à justifier d’un mandat écrit, sous réserve des exceptions prévues par les textes légaux et réglementaires.».

En résumé, les textes congolais précisent qu’il faut un mandat pour que l’avocat puisse exercer ses fonctions d’assistance et de représentation. Aussi l’avocat doit-il pouvoir justifier de ce mandat toutes les fois où celui-ci lui est demandé sauf les cas de dispense prévus par la loi ou le règlement.

B- La violation du mandat ad litem

En règle générale les obligations qui découlent de ce mandat permettent au Juge de vérifier un quelconque manquement qui entrainerait la responsabilité civile professionnelle de l’avocat, lorsqu’il est saisi.

Cela se reflète bel et bien dans les cas où sur le fondement de son mandat l’avocat refuse de poursuivre son engagement à l’égard de son client. Le Juge retient dans cette situation que le mandat est violé dès lors que l’avocat n’informe pas le client de son refus de poursuivre ou non la procédure en appel.

En d’autres termes, le mandat ad litem conclu entre l’avocat et son client permet à celui-ci de le poursuivre en cas de manquement aux obligations prévues par ledit mandat. Il faut cependant noter qu’il y’a deux théories sur la considération du mandat comme fondement de la responsabilité de l’avocat. La première écarte le mandat comme fondement de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat, laquelle serait en particulier à l’égard du client une responsabilité contractuelle. Cela peut se justifier mais il n’est pas question dans cette étude de se pencher sur ce mouvement. Et la deuxième soutient la thèse du mandat ad litem comme fondement de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat. Car s’il est vrai que la responsabilité civile professionnelle de l’avocat est plus contractuelle que délictuelle à l’égard de son client, il est indéniable que c’est sur la base des dispositions des règlements intérieurs régissant la profession d’avocat au Congo, que le mandat est le fondement premier de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat. En effet ces différents textes prévoient un mandat de représentation de l’avocat sans lequel il ne peut se prévaloir de garantir les intérêts d’un client.

En outre le code de procédure civile français[10]dans le même esprit que les textes nationaux prévoient que l’avocat ne peut mettre fin à son mandat avec son client sans l’en informer à peine d’engager sa responsabilité. Ce qui démontre à suffisance que le mandat ad litem est bien un fondement de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat.

Dans la pratique il faut retenir cependant qu’il est recommandé de disposer d’un mandat écrit peu importe sa forme, en général s’agira d’un contrat d’abonnement, d’une convention d’honoraire ou d’une lettre de mission. Par exemple, la lettre de mission, est le document qui fixe les termes convenus avec le client, la durée de la mission et le cas échéant le cout de celle-ci. Cette lettre de mission peut être suivie d’une convention d’honoraire qui tout en rappelant la mission déterminera les modalités de rémunération de l’avocat.

Si le mandat ad litem dispense l’avocat de l’obligation de justifier d’un mandat à l’égard des tiers et des juridictions, celui-ci va se révéler indispensable dans les relations avec son client notamment pour établir l’étendue des obligations réciproques entre les parties.

Un manquement quelconque à ces obligations est constitutif d’une violation dudit mandat par l’avocat. Et cette violation entraine inéluctablement la responsabilité civile professionnelle de l’avocat dans les conditions prévues par le droit commun.

Paragraphe 2 : Le contrat de prestation juridique

Le contrat de prestation juridique est un contrat établit entre un avocat et son client qui détermine les conditions dans lesquelles l’avocat doit mener la mission qui lui est confiée par son client. Ce contrat contient les obligations auxquelles l’avocat s’engage et est présenté sous forme de conditions générales de prestations juridiques auxquelles le client adhère.

Plus qu'un mandat de représentation c’est un véritable condensé des conditions dans lesquelles les missions confiées par le client à son avocat seront réalisées.

La responsabilité de l’avocat peut donc être mise en jeu sur le fondement des différentes obligations qui découlent de ce contrat à savoir : l’obligation de conseil, reconnue par la doctrine comme un véritable contrat professionnel entre le client et son avocat[11].

Une telle obligation est consacrée par les textes organisant la profession d’avocat au Congo qui prévoient que sa violation entraine la responsabilité de l’avocat[12]. Le contrat de prestation juridique étant celui qui consacre les missions de conseil et de consultation de l’avocat, prévoit les conditions dans lesquelles il va pleinement remplir lesdites missions. Dès lors que le client peut démontrer que son avocat n’a pas respecté les clauses de ce contrat, celui-ci devra en répondre sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil. Lorsque ces conventions existent et sont écrites, la responsabilité de l’avocat trouve son fondement direct sur le plan contractuel.

Dans la pratique, la plupart des cabinets d’avocat ne prévoient pas explicitement ce type de contrat. Ce qui est un constat amer lorsqu’il apparait nécessaire d’en disposer un, afin de circonscrire les obligations de l’avocat envers ses clients et ainsi de limiter les cas où sa responsabilité professionnelle peut être mise en cause. En France les garants de l’exercice de la profession d’avocat, en vue d’assurer la protection de leurs droits, ont prévu que si le contrat de prestation juridique entre un client et son avocat est plutôt implicite, il est nécessaire que l’avocat mette en place une convention écrite avec son client. Ainsi, il existe des Barreaux qui imposent à tout avocat en vue de se protéger mais aussi de rassurer le client sur la garantie de ses intérêts de signer des conventions de conseil, d’assistance et de représentation[13]. Ce qui devait inspirer les Barreaux congolais en vue d’une meilleure garantie de l’exercice de la profession d’avocat en toute sérénité.

Ladite convention contient les obligations précises de l’avocat envers son client dans le cadre de ses différentes missions telles : «Dans le cas où l’avocat reçoit de son client une mission dépassant le cadre de la simple consultation en cabinet, il accuse réception de sa mission soit par une correspondance, soit au moyen de la convention écrite éventuellement souscrite avec son client, soit par tout autre moyen utile[14]». Ainsi ce qu’il faut retenir c’est que la responsabilité civile professionnelle de l’avocat peut être retenue sur le plan contractuel pour manquement aux obligations prises par lui à l’égard de son client en particulier dans sa mission de conseil. L’avocat a un devoir de conseil consacré par la jurisprudence[15]et la doctrine[16].

Ce devoir de conseil est aussi consacré par l’article 412 du Code de Procédure Civile français en ces termes : «la mission d’assistance en justice emporte le pouvoir et le devoir de conseiller la partie…». Il est aussi implicitement consacré dans les fonctions juridiques confiées à l’avocat dès la loi française du 31 décembre 1990, repris par la Loi n° 026-92 du 20 aout 1992 portant organisation de la profession d’avocat.

Ces lois, comme le souligne l’auteur Yves Avril, concernant la loi française en particulier : «n’a pu que renforcer la prédominance du conseil, conseil juridique et avocat n’étant qu’une même personne»[17]. Le devoir de conseil au Congo ressort de l’article 62 du Règlement Intérieur National en vigueur à ce jour (RIN), lequel dispose «L’avocat doit veiller avec une particulière attention à recueillir tous les éléments nécessaires, préalablement à toute consultationou à tout avis qu’il donne, sous quelque forme que ce soit». Il ressort de cette disposition que l’avocat est tenu de conseiller au mieux son client en vérifiant en amont la validité et la véracité des informations qu’il va porter à la connaissance de ce dernier.

Par ailleurs, le devoir de conseil est encore plus explicite dans le cas où il est prévu que l’avocat qui a donné une consultation à une partie, ne peut dans la même affaire plaider pour la partie adverse ni donner à celle-ci des conseils, et à chaque étape de la procédure il ne pourrait, après avoir été constitué dans une première instance, défendre les intérêts de la partie adverse à tous les stades de la procédure[18].

Cependant, il faut noter que sur la base d’un tel contrat l’avocat est lié au client dans les termes dudit contrat et pour l’entière durée de celui-ci. L’avocat qui rompt un tel accord verra sa responsabilité engagée par le client qui a subi un préjudice de ce fait. Un tel contrat est une limite à la liberté de l’avocat dans ses relations contractuelles avec le client, mais aussi une limite qui s’impose au client qui ne pourra pas attaquer son avocat en responsabilité au-delà des clauses prévues dans le contrat.

Tous ces éléments caractérisent la responsabilité civile professionnelle de l’Avocat sous l’aspect contractuel.

En d’autres termes, en cas de manquement à l’une des obligations qui découlent de ce contrat l’Avocat voit sa responsabilité civile professionnelle engagée par le client lésé. A contrario, le client qui a accepté les termes du contrat de prestation juridique ne peut engager la responsabilité civile professionnelle de son avocat au-delà des termes prévus dans ledit contrat.

Si le mandat et le contrat de prestation juridique sont le fondement de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat, seule l’existence d’une faute et d’un préjudice constitue les conditions de la responsabilité civile professionnelle.

Section II : Les conditions de la responsabilité civile

professionnelle de l’avocat

La responsabilité civile professionnelle de l’avocat n’échappe pas aux règles de droit commun. Ainsi, il faut que soient constatés une faute (Paragraphe 1) et un préjudice (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La faute ou le manquement de l’avocat

La faute de l’avocat se manifeste dans la réalisation de ses missions juridiques (A) et de ses missions judiciaires (B).

A- La faute dans les missions juridiques de l’avocat

Sur le plan civil, la responsabilité est définie comme l’obligation de réparer le préjudice résultant soit de l’inexécution d’un contrat soit de la violation du devoir général de ne causer aucun dommage à autrui par son fait personnel, ou du fait des choses dont on a la garde ou du fait des personnes dont on répond. C’est cette responsabilité civile de droit commun qui est transposée en matière professionnelle chez l’Avocat.

La faute de l’avocat se manifeste dans la réalisation de ses missions juridiques de conseil et de rédaction d’actes, lesquelles impliquent une obligation de résultat qui s’impose à l’avocat. Le fondement légal de la faute de l’avocat se trouve dans les textes suivants : Article 8, 9 11 et 13 du décret de 2005 ,412 du code de procédure civile français, article 3 de la Loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions règlementées, article 52 de la loi 026-92, et les articles 62,64, 65, 110, 111, 112, 114,115 du RIN. La notion de faute dans cette étude est envisagée dans son sens large car la négligence de l’Avocat voire la faute même légère suffit à engager sa responsabilité[19]. La faute peut aussi consister en une erreur de droit grossière[20].

Concernant le devoir de conseil, la faute ou le manquement se manifestera le plus souvent sous forme de conseil inexact ou de faux conseil donné à un client. Ce qui l’amènerait à se pencher sur une solution préjudiciable quant à ses intérêts. L’avocat est responsable lorsqu’il donne une indication fausse sur les conséquences fiscales d’une vente de bien immobilier qui constituait le local professionnel d’un médecin[21]. Et dans le cadre de sa mission d’assistance en justice, l’avocat doit informer son client sur l’existence et les formes de voies de recours possibles contre les décisions rendues à son encontre[22]. C’est sur le fondement des articles 1147 et suivants que la responsabilité de l’avocat est ainsi mise en jeu.

Concernant la mission de rédaction d’actes juridiques, la faute est déterminée dès que l’avocat rédige un acte en violation des règles que lui imposent les textes qui prévoient que «l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties. Il refuse de participer à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou frauduleux…[23]». C’est une obligation présumée lorsque l’avocat est rédacteur unique d’un acte. Il doit ainsi à la fois conseiller son client et toutes les parties liées par cet acte. Cette présomption a été légalisée par l’article 3 de la Loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions règlementées dans la loi française en ces termes : «en contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte».

Ainsi il y’a faute de l’avocat rédacteur d’actes notamment rédacteur de bail si celui-ci n’a pas vérifié si le bail avait été renouvelé et si les conditions de renouvellement étaient acquises[24]. Certains auteurs ont affirmé que ce texte de 2005, repris donc par le RIN au Congo, a marqué la lutte de ceux qui prônent la mise en jeu de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat pour faute dans l’exercice de sa mission de rédacteur[25].

B- La faute dans les missions judiciaires de l’avocat

Les missions judiciaires de l’avocat consistent en l’assistance et la représentation du client devant les instances judiciaires. Pour mener à bien ces missions l’avocat est soumis au devoir de diligence comme l’exige les règles de la profession[26]. Le devoir de diligence se traduit dans la manière dont l’avocat traite le dossier de son client. En effet, ce dernier, en lui donnant mandat de représenter ses intérêts, s’attend à ce qu’ils soient au mieux garantis.

Sa responsabilité s’étend donc à tout le déroulement de la procédure, y compris l’usage des voies de recours et des mesures destinées à l’exécution des décisions judiciaires obtenues. Cependant, ces obligations aussi lourdes soient elles n’en demeurent pas moins des obligations de moyens. C’est ce qui semble ressortir de la jurisprudence constante qui met de ce fait la charge de la preuve au professionnel qui doit démontrer qu’il a mis tous les moyens en œuvre en vue de garantir les intérêts de son client[27]. Le devoir de diligence sera vu en deux temps pour déterminer la faute de l’avocat : d’abord en matière de transaction, ensuite en matière de procédure judiciaire.

En matière de transaction, il est prévu que l’avocat doit en référer à son client, et surtout si cette transaction est intéressante, il doit l’inciter à l’accepter. A défaut de respect de cette exigence en matière de transaction, le client peut poursuivre son avocat. La faute de l’avocat concernant ce devoir de diligence peut également se manifester dans des cas de perte de pièces dans un dossier, de retard à les restituer comme le retient la jurisprudence[28].

En matière de procédure judiciaire, la faute de l’avocat se reflète dans le non-respect des délais d’introduction de procédure ou en application de la notion deperte de chancesreconnu par la jurisprudence française[29]. En ce sens, la Cour d’appel, qui retient que la faute commise par l’avocat a fait perdre à son client une chance, même minime, d’avoir gain de cause admet à bon droit la demande en indemnisation de ce dernier. Implicitement, cette faute est reconnue au Congo par l’exigence de la loi et du RIN pour un avocat de souscrire à une police d’assurance responsabilité civile en vue de couvrir les éventuels manquements et fautes dans ses missions judiciaires.

Il faut souligner que, même si l’avocat a une obligation de moyens de façon générale, il peut lui être reproché d’avoir manqué à une certaine obligation de résultat. Le client en matière de procédure judiciaire, attend un résultat précis de l’intervention de son avocat devant les Juges (dépôt d’un acte par exemple). Et si par son manque de prudence et de diligence l’avocat n’obtient pas le résultat escompté, il doit donc en répondre.

Outre ces différents éléments qui déterminent la faute de l’avocat, il faut souligner que la responsabilité de l’avocat mise en jeu ne sera pas forcément celle de l’avocat directement fautif. C’est l’application de la responsabilité pour autrui. Par conséquent, l’avocatpatronsera responsable des fautes commises par les avocats stagiaires ou collaborateurs. Parce que, la convention signée avec le client est au nom du cabinet qui le représente et non d’un avocat en particulier. C’est l’application de la théorie de la responsabilité selon le statut de l’avocat : «le statut de l’avocat ‘patron’ ou employeur, collaborateur ou salarié, produit des conséquences sur la responsabilité de celui-ci»[30].

Pour mettre en œuvre cette responsabilité il faut se fonder sur l’article 1384 du Code civil et vérifier que les conditions suivantes sont réunies : l’existence d’un lien de préposition, c’est à dire d’un rapport de subordination entre l’auteur matériel du dommage et celui qui doit en répondre ; que le préposé ait commis un fait dommageable; que le dommage soit survenu alors que le préposé se trouvait dans l’exercice de ses fonctions. Exception faite du cas où l’avocat stagiaire a agi délibérément en violation des règles de la profession ou hors l’exercice de ses fonctions ou sans autorisation de l’avocat principal.

Concernant le devoir de prudence, la responsabilité civile professionnelle de l’avocat peut être retenue sur un simple avocat postulant, laissé sans instructions par ledominus litis[31], mais qui n’a pas pris de conclusions conservatoires dans l’intérêt du client. A contrario, ledominus litisengage sa responsabilité lorsqu’il délaisse la procédure entièrement au profit de son confrère postulant[32].

Une fois que la faute est déterminée faudrait-il encore démontrer qu’elle a entrainé un préjudice au client.

Paragraphe 2 : Le préjudice découlant de la faute de l’avocat

Le préjudice subi par le client doit revêtir certains caractères (A) et doit être directement relié à la faute commise par l’avocat (B) afin que sa responsabilité soit retenue.

A- Les caractères du préjudice

Le préjudice est le dommage matériel, personnel, moral ou économique que subit une personne par le fait d’un tiers.[33]Il est matériel lorsqu’il y’a destruction ou endommagement d’un ou plusieurs biens de la victime. Il est corporel en cas d’atteinte à l’intégrité physique de la victime. Il est moral dans les cas de perte de chance par le client et il est économique lorsque le client, du fait de son avocat, perd un avantage pécuniaire.

Ce n’est donc que si la faute de l’avocat entraine un préjudice que celle-ci peut engager sa responsabilité. C’est le propre du principe de la responsabilité qui ne peut être actionnée que s’il existe un préjudice à réparer, l’existence d’un dommage étant la clef de toute action en responsabilité. En application des articles 1148 et suivants du Code civil, il est nécessaire que le préjudice revête certains caractères. Ainsi il doit être certain, direct, réel, constitué et réparable pour engager la responsabilité d’un avocat. Une pensée doctrinale qui soutient cette position a été largement reprise par la Cour de Cassation française en ces termes : «le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu[34].» Et c’est bien la position adoptée dans la pratique congolaise qui retient la responsabilité civile de l’avocat en présence d’une faute ayant causé un préjudice. Les critères précités sont recherchés par les Juges.[35].

La simple faute de l’avocat ne déclenche pas automatiquement sa responsabilité et encore moins la réparation d’un préjudice qu’il aurait causé de son fait. C’est au Juge qu’il revient d’apprécier le caractère certain du préjudice invoqué par le client. En général il sera plus facile de retenir le préjudice matériel. C’est le cas du client qui n’a pas pu obtenir réparation dans le cadre d’une garantie décennale, l’indemnisation va correspondre au coût des travaux nécessaires pour réparer les désordres ; ou encore dans le cas de recouvrement d’une créance qui n’est plus possible, les Juges vont examiner ce préjudice matériel[36]. Le plus important est que la responsabilité de l’avocat doit permettre de réparer l’atteinte à un droit et non de favoriser indirectement l’exercice d’un abus. La jurisprudence retient en ce sens que la réparation ne doit pas être égale à l’avantage perdu, à l’avantage qu’aurait procuré une chance si elle s’était réalisée[37].

En outre, les Juges doivent rechercher le critère de réparation du préjudice. En effet le préjudice n’enclenche l’action en responsabilité contre l’avocat que s’il est réparable : c’est la certitude du préjudice dans son montant. Il s’agit en réalité d’un préjudice réelné, actuel, direct et certainque le client Une fois que la faute est déterminée faudrait-il encore démontrer nd à se faire indemniser qu’une perte de chances dont il faut évaluer la réelle valeur[38]. C’est donc l’évaluation par le Juge qui détermine la nature du préjudice subi par le client : matériel, moral ou économique[39].

En plus de ce critère d’existence d’un préjudice certain et réparable, il y’a celui du lien de causalité entre la faute et le préjudice pour que la responsabilité d l’avocat soit engagée.

B- Le lien de causalité entre le préjudice et la faute

Le lien de causalité est défini comme un élément du préjudice direct et certain mais aussi comme une autre condition de mise en œuvre de la responsabilité civile. Lorsque la Cour constate que la faute commise a un rapport direct avec le préjudice subi, elle retient à bon droit la responsabilité civile de l’avocat mis en cause[40].

Autrement dit pour être réparable le préjudice doit également être la conséquence directe de la faute commise par l’avocat. Dans le cas par exemple où un avocat avait fait appel puis s’est désisté sans mandat, le préjudice consistait en la prononciation de condamnations des clients sur le fondement de leur engagement de caution. Les clients soutenaient avoir perdu la chance de faire constater leurs prétentions pour défaut de signification. La Cour ne retient pas ici le lien de causalité entre la faute et le préjudice car il ne peut être reproché à l’avocat en même temps de s’être désisté sans mandat et d’avoir perdu une chance devant la Cour d’Appel. De même la Cour retient qu’en cas d’absence évidente du lien de causalité, la faute même caractérisée de l’avocat ne peut entrainer sa responsabilité[41].

Il peut enfin arriver que le client sur évalue son préjudice. De ce fait si sa faute est caractérisée, si le préjudice existe bel et bien, la Cour peut soulever l’absence partielle du lien de causalité. A ce titre il ne sera retenu qu’un lien de causalité partiel, ce qui n’engagera la responsabilité de l’avocat qu’à hauteur du préjudice réel causé par sa faute, comme la Cour le retient dans un arrêt de principe dès 1996[42]. Cette responsabilité en France fait l’objet d’une assurance collective imposée à tout avocat en exercice, par souscription au barreau auquel il est rattaché. Dès lors que ces conditions sont réunies, la responsabilité civile professionnelle est mise en jeu. A ce stade il convient d’évaluer le préjudice réparable et de dédommager le client. Cela toujours en application des articles 1147, 1153-1 du Code Civil.

En résumé, en droit congolais comme en droit français, et sur des fondements similaires, la responsabilité civile professionnelle ne peut être mise en cause que lorsque l’avocat commet une faute ou un manquement constitué de certains actes précis dans la réalisation de ses différentes missions. Lesquelles missions ne peuvent exister que sur le fondement du mandat ad litem et du contrat de prestation juridique comme présenté au préalable. En plus de cette faute il est nécessaire qu’un préjudice existe et sois réparable en vue de voir toute action en responsabilité à son encontre prospérer. Tels sont le fondement et les conditions de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat mis en exergue en rappel pour que chacun reste sur ses gardes au sein de la profession et durant son exercice sur le territoire congolais, voire en France. L’intérêt de la maitrise de cette question est d’éviter tout abus dans la recherche de la responsabilité civile professionnelle de l’avocat sur tout autre fondement que ceux évoqués ci-dessus.

[...]


[1]Sebastien Bissardon, 2009, Guide du langage juridique, Litec, 3ème édition, p399

[2]Jean Carbonnier, 2000, Droit civil, Les obligations, 22ème édition PUF, collection Thémis, p361

[3]Serment de l’Avocat en France et au Congo (article 26 de la Loi N° 026-92 du 20 aout 1992 portant organisation de la profession d’avocat et l’article 3 de la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques)

[4]Exposé de Monsieur Loufoua Lemay dans son cours sur la méthodologie de la recherche

[5]La loi, la doctrine et la jurisprudence sont abondantes sur la question de la responsabilité de l’avocat

Règlement N°05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA

[6][7]https://www.barreaudelagombe.cd/index.php/2012-07-11-12-26-29/la-deontologiewww.barreaudelagombe.cd

[8]Eugène REUMONT, 2016 (Ed. 1874), Permanence et devoirs de la profession d’avocat, Hachette, pp. 42-43

[9]Article 60 du Règlement Intérieur National du Congo

[10]Article 412 et 413 du Code de procédure civile français

[11]Savetier, «les contrats de conseil en droit privé», D 1972. Chron. 137

[12]Article 113 Règlement Intérieur National

[13]Comme c’est le cas du Barreau de Bayonne en France

[14]Extrait de la convention d’assistance, de conseil et de représentation du Barreau de Bayonne

[15]Civ, 1ère, 29/04/1997, N° de pourvoi: 94-21217

[16]Yves Avril, 2008, Responsabilité des avocats, 2e Edition, Dalloz, page 49

[17]Yves Avril, op. cit. Page 49

[18]Article 113 du Règlement Intérieur National (RIN)

[19]Jean Jacques TAISNE, 2002, La déontologie de l’avocat, 3e édition, Dalloz, page 155

[20]Raymond Martin, 2002, Déontologie de l’avocat, 7e édition, Litec, page 219

[21]Yves Avril, 2008, Responsabilités de l’avocat, 2e édition, Dalloz, page 49

[22]Civ 1ère, 02/02/1994, Bull n°44 et 13/11/1997, Bull n° 303

[23]Article 9 du Décret n° 2005-790 du 12/07/2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat

[24]CA Paris, 1ère chambre, 04/06/1993 (confère Yves Avril, Les responsabilités de l’avocat, 2016, 3ème édition, Dalloz)

[25]Le Tourneau, 2005, Responsabilité Civile Professionnelle, 2e édition, Dalloz Référence

[26]Article 110 du Règlement Intérieur National du 09 Janvier 2010

[27]Cass Civ 1ère, 07/10/98, JCP éd. G. 1999, N° de pourvoi 97-10267

[28]CA Rennes, 1ère chambre, 13/02/2001, ‘Association Asindeco c/ Me X’

[29]Cass 1ère Civ, 12/10/2016, n° 15-23230

[30]Extrait du cours du Bâtonnier Me Mabassi (Barreau de Brazzaville) sur la Déontologie de l’avocat

[31]Littéralement «maître du procès» donc l’avocat titulaire du dossier, l’avocat plaidant au Congo

[32]Goudineau etal., 2001, Pratique professionnelle de l’avocat, 4e édition, Litec

[33]Montagnier et Guinchard, 2011, Lexique des termes juridiques, 18e édition, Dalloz, page 620

[34]Com 20 mai 2003, n° 99-20, 169, NP

[35]Civ, 1ère, 16/01/2003, n°11-24.250, NP

[36]Yves Avril, 2008, Responsabilité des avocats, 2e Edition, Dalloz, page 100

[37]Cass, 1ère Civ, 22/09/16, n° 14-29033

[38]Civ 1ère, 30 mai 2012, n°11-19.202, NP

[39]TGI, Lyon, 1ère ch. 4 février 2013, inédit

[40]Cass, 1ère Civ, 02/10/2013, n° 12-14457

[41]CA Paris, 1ère chambre civile, Section A, 05/05/98, JurisData, n° 022044

[42]Paris 1ère ch.A.16 avril 1996, Gaz.Pal 1996, p576.

Excerpt out of 115 pages

Details

Title
Les responsabilités de l'avocat. En République du Congo
Course
Ecole Nationale d' Administration et de Magistrature (ENAM) / BARREAU
Grade
18
Author
Year
2018
Pages
115
Catalog Number
V420435
ISBN (eBook)
9783668684539
ISBN (Book)
9783668684546
File size
932 KB
Language
French
Notes
Pour éditeur: J'ai envoyé un email pour modifier le fichier source et joindre les premières pages du mémoire (dédicace, remerciements, table des abréviations et sommaire). Prière d'en tenir compte. merci
Keywords
Mémoire, barreau, responsabilités, avocat, Congo
Quote paper
Mathilde Quenum (Author), 2018, Les responsabilités de l'avocat. En République du Congo, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/420435

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