Figure de l’étrangère dans "Agar" d’Albert Memmi et "À l’ombre de Jugurtha" de Nadia Chafik


Mémoire (de fin d'études), 2018

77 Pages, Note: 14/20


Extrait


Remerciements

L ’occasion m’est donnée ici d’adresser a Madame le Professeur, AFAF ZAID, mes plus sincères remerciements, pour avoir accepté de diriger mon travail. Ses conseils avisés et ses remarques m’auront été indispensables pour mener a bien mon projet de fin d’études.

Je profite également de l’occasion pour dire a mes parents que sans eux, sans leur soutien, sans leur aide, sans leur contribution, je n’y serais parvenu.

Mes vifs remerciements vont aussi a mes professeurs. A tous ceux qui ont contribué a l’émergence de ce travail, je leur témoigne ici ma gratitude et ma profonde reconnaissance.

Introduction

« Quel impératif oblige a arreter ici le travail du sens, sauf a invoquer un vouloir-dire (indépassable) de l’auteur ? »

- Jean Bellemin-Noel

Les rapports interculturels, y compris le mariage biculturel, ne peuvent pas refluer dans une époque de l’extreme modernité pendant laquelle la coalition des cultures et des civilisations devient un acte conflictuel, parce qu’aujourd’hui plus que jamais la distance, l’incommunicabilité, favorisées par le développement des sciences et des technologies mettent le chercheur dans l’obligation d’interpréter cette crise a travers le recours aux traces littéraires qui ont percuté ce genre de phénomènes traversant le fictionnel dans différentes époques. L’imaginaire et ses impulsions se trouvent ainsi en contact avec les phénomènes d’acculturation et de non-acculturation, devenu une réalité présente avec laquelle tout le monde doit s’adapter.

Le choix d’étudier la problématique du couple mixte dans la littérature maghrébine, a travers une étude comparative des deux récits : Agar1 2 d’Albert Memmi et A l ’ombre de Jugurtha de Nadia Chafik n’est pas gratuit. Il s’agit d’un intéret personnel a découvrir ce qui peut ressortir du comparatisme entre la littérature tunisienne et la littérature marocaine, de l’ancienne et de la nouvelle génération, d’autant plus qu’il s’agit de l’un des grands ténors littéraires en Tunisie et qui a marqué l’arène littéraire maghrébine des années 50.

De l’autre coté, le choix d’aborder un texte marocain contemporain écrit par une femme s’intègre dans l’exploration des nuances entre deux écritures différentes, deux temps d’écriture différents, deux formations génériques différentes mais d’une meme thématique, ce qui va nous permettre d’assurer un travail comparatif qui vacille entre deux époques et deux horizons différents. L’interprétation des deux récits nécessite une agilité au niveau des outils d’approches que nous allons utiliser dans cette étude, dans la mesure ou la fonction de chaque approche doit etre configurée a la fois dans un univers textuel et extratextuel vu que tout texte est un contexte, un univers social, politique, idéologique... va nous amener a repérer ce que les récits n’assument pas au niveau de la littérarité, mais dans la phase intelligible, dans l’arrière-plan des textes.

La notion de l’étrangère en question se trouve au creur d’une large théorie sur l’identité et l’altérité, le choix d’étudier cette problématique est justifié par la place qu’elle occupe dans l’imaginaire maghrébin, ce dernier qui est le centre de toute recherche qui touche la littérature maghrébine.

Ainsi, notre recherche a pour point de départ la problématique suivante : quelle est la nature de l’image de l’étrangère dans la fiction et dans l’imaginaire maghrébin ? Au cours de ce travail, nous avons l’objectif de montrer que la figure de l’étrangère proclame, au sein du mariage biculturel, un discours critique sur la formation psychosociale de la société marocaine et tunisienne a cette époque, il s’agit de la dimension interculturelle qui cadre pleinement le rapport d’identité et d’altérité. L’approche interculturelle des récits est justifiée par la présence de plusieurs cultures et appartenances dans les textes du corpus.

Nous nous appuierons dans cette approche sur les théories qui ont expliqué le concept de l’autre telle que la théorie de Julia Kristeva et de Lévi-Strauss. Ensuite, l’approche psychanalytique nous permettra d’accéder aux relations des codes psychosociaux qui se tissent a l’intérieur des récits puisque notre étude se base sur l’analyse des causes d’une crise d’intégration chez l’étrangère dans une destination complexée. Finalement, dans un cadre rhétorique, nous nous intéresserons a la dimension esthétique a travers une large focalisation sur l’interaction entre la poétique et la sémantique.

Puisque notre problématique s’inscrit dans la littérature maghrébine de langue frangaise, il nous conviendra de donner un apercu historique sur cette littérature que nous essayerons d’aborder dans le premier chapitre de ce travail. Les thèmes a explorer dans ce projet de recherche sur la notion de l’étrangère vont etre traités suivant un ordre analytique bien déterminé afin de répondre a la problématique générale.

La question de l’autre comme premier axe de recherche converge vers des questions ontologiques et sociologiques sous forme d’une mise en situation de l’etre comme pivot du discours humanitaire approprié aux nouvelles questions face a un nouveau monde matériel, a la nouvelle culture. Ensuite, nous allons procéder un discours psychanalytique afin d’entourer la problématique par des concepts, des approches permettant un développement plus varié et approfondi du sujet, dans cette deuxième partie nous allons entamer la problématique du désir comme instrument incontournable pour déflorer la crise psychique des personnages, ensuite, nous essayerons de décrypter un ensemble de troubles psychopathologiques qui ont éclaté la crise d’identité au sein de l’union mixte.

Dans la troisième partie, la crise identitaire en question sera traitée selon deux notions : « le stéréotype » et la « domination » qui se projettent dans la notion de « l’éclatement identitaire », cet éclatement s’étalera vers un éclatement textuel au sein d’une problématique générique. Cette dernière partie met en place la problématique de l’étrangère dans un contexte de déchirement qui se déroule entre ce qui est déchirement identitaire et déchirement formel des récits.

Enfin, nous signalons que les concepts et les outils de réflexion appliqués dans ce projet seront présentés au fur et a mesure des chapitres, en donnant leurs explications et en justifiant l'usage et l’emploi des termes de réflexion dans cette étude comparative. Ces matériaux et outils d’interprétation seront empruntés aux approches adoptées : l’approche interculturelle et l’approche psychanalytique dans les deux récits.

Partie I : La littérature francophone au Maghreb et la question de l’Autre

Chapitre 1 : Le roman maghrébin de langue fran^aise : éléments de définition

Découvrir un horizon géographique tel que le Maghreb, c’est découvrir d’abord un contexte historique, social, culturel et politique. De ce fait, la littérature maghrébine s’est incrustée dans ce contexte vu certaines conditions qui ont déclenché sa naissance, notamment, selon Jean Déjeux, le milieu indigène et le phénomène colonial ; deux éléments sur lesquels repose le souci fonctionnel de cette littérature qui était consacrée au départ a la mise en évidence des sujets patrimoniaux endossés dans la culture et la langue du colonisateur. Ces dernières sont considérées comme un élément de prestige social incrusté dans la dichotomie du dominant/dominé, précisément en Algérie francaise3, ensuite dans le grand Maghreb.

Ainsi, pour comprendre cette littérature, il faut s’intéresser a son parcours durant trois grandes époques : l’époque coloniale, l’époque postcoloniale et l’époque moderne, sur le territoire des trois pays : l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, vu qu’ils appartiennent au meme vécu historique, au meme horizon géopolitique, en rapport notamment avec la colonisation fran^aise depuis 1830 en Algérie, 1881 en Tunisie et depuis 1912 au Maroc.

Le fait historique est un motif dominant dans tous les cycles d’évolution de cette littérature, chaque contexte chronologique est un espace thématique qui se configure systématiquement dans le passé, en trois concepts magistraux : la rétrospection, la nostalgie, la mémoire; parachutés dans des horizons extra- textuels différents, vu les particularités de chaque pays et la dimension sociale transfigurée dans les textes, et qui s’impose dans le substrat du fictionnel et du fonctionnel.

Avant la quatrième décennie du XXe siècle, le territoire maghrébin n’avait que des bribes de traces dans la littérature d’expression fran^aise, considérées parfois inclassables, vocation de l’absence d’une structure intellectuelle qui pourrait exprimer le tragique social a l’époque colonial. Alors que les premières tentatives d’une écriture purement maghrébine, c'est-a-dire qui appartiennent aux autochtones, étaient enclavées dans un climat d’ambiguité entre des écrits mineurs en termes d’exaucer le colonisateur et des écrits qui expriment le sentiment d’aliénation, du déchirement, etc.

Le contexte socio-historique:

Dans ce cadre, la littérature maghrébine s’intercale entre plusieurs transitions, dans différents contextes, face au climat d’instabilité qui a régné le territoire de cette littérature durant une longue période. De ce fait, la formation thématique de cette littérature va trouver sa délivrance vers la moitié du XXe siècle. Néanmoins, avant cette période, c'est-a-dire au sein de la colonisation, une littérature de voyage, de découverte, va combler ce vide, dans la mesure oü l’Algérie était ciblée comme « une terre de conquete et de sensation nouvelle »4, a travers des récits, des témoignages, des mémoires écrits par des militaires, d’autres par des simples voyageurs. Il s’agit meme des grands écrivains francais qui ont participé a chambouler la direction du monde, a travers cette nouvelle tendance de sud-sud, le cas de Flaubert et de Guy de Maupassant dans Au soleil (1884).

Au début du XXe siècle, un nouvel horizon d’attente se propulse en Algérie, a l’instar d’une émancipation imaginaire, littéraire, qui va éclater l’esthétique de la réception dans son sens vertical. En effet, la première revendication testimoniale, c’était celle de ROBERT RANDAU : « il a dénoncé la littérature d’escale et a milité pour l’Algérianisme, bref une autonomie littéraire de l’Algérie ».5

Subséquemment, le concept de « l’Algérianisme » s’implique comme un leitmotiv optimisant toute sorte de productions culturelles, dans le but d’instaurer une Littérature maghrébine des Maghrébins, ainsi pour immerger ce nouveau souffle purement maghrébin, il a fallu attendre une réforme au niveau des enjeux, et dépasser le souci d’écrire pour un seul but, qui est de refléter les traumatismes du passé. Cet acte est justifié par les initiatives de certains intellectuels, a travers des colloques et des publications collectives, l’exemple de la revue AFRIQUE a partir de 1924, dirigée par l’Association des écrivains Algériens, ensuite LA KAHENA en Tunisie a partir de 1929, etc.

Un autre passage structurel se concretise dans cette période, c’est le passage d’une littérature des sentiments a une littérature de combat, au détriment du contexte politique des guerres de libération dans les trois pays du Maghreb, c’est la oü « l’école nord-africaine des lettres »6 commence a amorcer d’autres motifs sur le plan thématique et ouvrir des horizons larges, avant d’entamer une autre transition envers un palier des formes hybrides, des sujets politico-sociaux, le cas des textes comme : Khadra Danseuse Ouled nail de Sliman Ben Ibrahim (1926), Ahmed Ben Mostapha, Goumier de Mohammed Bencherif (1920), Zohra La Femme Du Mineur de Abdelkader Hadj Hamou (1925).

Ensuite, vers les années 45-50, l’acte littéraire s’extirpe de l’ambiguité a l’abri de la tendance locale infligée a cette époque, c’est la tendance du roman réaliste ancré dans le terroir, le cas de Mouloud Feraoun dans Le Fils Du Pauvre (1950), La BOite A Merveilles de Ahmed Sefrioui (1954) au Maroc, et La Statue De Sel d’Albert Memmi (1953) en Tunisie.

Le contexte socio-historique cautionne la progression des enjeux stylistiques et thématiques dans la littérature maghrébine aux alentours de l’indépendance, pour exprimer l’attachement a la patrie et le sacrifice des militants, ensuite après l’indépendance, pour parler du retour d’un certain traumatisme existentiel, ressassé par les régimes politiques despotiques dans le grand Maghreb.

Après la génération des écrivains de 1952, le texte littéraire maghrébin s’articule autour du mouvement de libération qui va consolider le sentiment patriotique des écrivains, symbole d’un rejet du drame de la colonisation, de la guerre, a savoir 1,5 million de martyrs de la revolution algérienne. Par conséquent, l’acte littéraire se trouve dans l’obligation d’agir et de s’orienter vers des sujets d’actualité dans le cadre d’une appartenance organique a la société, au peuple, en vue de réformer la société sur un socle concret. Mostefa Lachref critique, dans sa communication au colloque d’HAMMAMET en 1968, la stagnation thématique dans les textes des écrivains de la première génération : « il n’est pas possible d’envisager pour le roman maghrébin une sorte de révolution interne sans la rattacher a tout un ensemble culturel qui lui-mème est étroitement lié aux conditions sociales, économiques et politiques au Maghreb ». 7 Par contre, Abdallah Mazouni refuse l’approche de Lechref, en disant que : « l’écrivain n’est pas un journaliste, accroché a une multitude d’événements mouvants, au jour le jour »8, c’est l’occasion pour marquer la part du conflit idéologique en tant que source d’alimentation du drame de l’écrivain.

Le processus d’évolution de cette littérature s’autoproclame, au niveau thématique, devant des nouvelles situations a l’intérieur d’un horizon plus sombre, dans lequel le souci des écrivains vers les années 70 s’inscrira dans le réflexe contre l’avortement des revolutions ; c’est le contexte des années de plomb au Maroc, le retour des harkis au pouvoir en Algérie, le despotisme éclairé de Bourguiba en Tunisie. Idéologiquement parlant, une guerre froide s’impose entre les militants marxistes et les héritiers du pouvoir, ce drame va aboutir a un climat d’horreur, qui va infecter le climat culturel et littéraire puisque des écrivains se positionnaient contre l’ordre établi.

Vers les années 90, une écriture de la violence et de l’horreur s’impose lors de la décennie noire en Algérie, après la révolution de 1988 contre le régime de Chadli Bendjedid, ensuite l’assassinat du president Mohamed Boudiaf en 1992, et de l’autre coté, la guerre civile entre les islamistes du FIS contre le pouvoir militaire était déja en marche, c’est une période oü l’Algérie va prendre un recul morbide sur le plan culturel, c’est dire que la plupart des écrits ont relaté cette crise politique, par exemple, Mohammed Moulessehoul, a écrit, sous le pseudonyme de Yasmina Khadra, Les Agneaux du Seigneur(1998) et A quoi rèvent les loups(1999).

Le climat d’instabilité au Maghreb contraste une écriture de l’urgence en mesure d’exprimer le désordre qui s’affiche continuellement en Algérie de la décennie noire, au Maroc de plomb, et finalement en Tunisie après la révolution du jasmin.

Le roman marocain:

Dès sa naissance aux années 50-60, le genre romanesque au Maroc se positionnait comme un carrefour polyphonique sur le plan thématique et sur le plan formel, manifestant une richesse au niveau de l’usage de la langue, dans une macrostructure culturelle, politique, historique et ethnique.7 8

Néanmoins, le recours a cette diversité prouve un socle fonctionnel commun relaté par l’esprit de consolidation, qui a dirigé les grands écrivains vers une écriture engagée non seulement au niveau du roman, mais aussi sur le plan théorique, l’exemple de l’expérience de « la revue Souffles » comme étant un espace critique audacieux, ou les écrivains ont miroité les problématiques majeurs sur le plan culturel, sociétal et politique. Un déclic qui va offrir une mise a niveau thématique dans le roman marocain, qui se trouve lier organiquement aux contextes dans lesquels se situe l’écrivain, ce qui signifie que le roman marocain transporte aussi un mécanisme idéologique.

Le roman marocain se manifeste, dans un premier temps, dans deux textes fondateurs publiés dans la meme année 1954 ; La boite a merveilles d’Ahmed Sefrioui, et Le Passé simple de Driss Chraibi ; le premier est un roman autobiographique qui a mis en relief le coté rituel archaique de la société marocaine conservatrice, sujet d’intimité pour l’écrivain, a travers une histoire racontée qui a écarté les grandes questions du contexte sociopolitique des années 50. Si le roman de Sefrioui raconte un simple passé dans sa vie ; de l’autre coté Le Passé simple de Driss Chraibi « fait l’objet d’une véritable levée de boucliers au Maroc »». Le texte a pu tracer un chemin de réflexion opposé au modèle patriotique, dans la mesure ou le texte se focalise sur un désordre social vacillant entre la modernité et l’archaisme mental a travers un conflit entre un fils francophone de formation et un père seigneurial. Dans ce texte, Chraibi a tracé des nouvelles limites, par le procédé d’une structure thématique et formelle violente après avoir défié des tabous, avec un usage idiomatique et vernaculaire inédit dans le cadre d’une langue confusionnelle.

Un nouveau souffle apparait après l’indépendance, « de 1960 a 1966 on note un certain marasme dans le domaine de la littérature de langue frangaise »9 10. C’est la période de la création de « la revue Souffles » a Rabat en mars 1966, une revue culturelle d'avant-garde dirigée par Abdellatif Laâbi, ses principaux roles étaient de réanimer l’écriture romanesque, qui est restée fidèle a des normes classiques incapables de traduire la vision imaginaire de l’écrivain, par conséquent les dirigeants de Souffles ont cherché surtout a déconstruire une littérature de pret-a-porter, et de construire un horizon d’attente pour une écriture porte-parole de « la pensée biculturelle de l’auteur »11 12 13. De cette facon, la revue a forgé un arrangement intellectuel des écrivains pour exprimer de nouvelles visions en dépit des fatalités politiques, cependant, a travers des articles publiés, les écrivains ont prouvé le cloisonnement entre leurs : « aspirations intellectuelles exprimées en particulier dans les articles de Souffles et les réalités individuelles et sociales dans lesquelles elle se trouve » .

L’aventure de la revue Souffles s’arretera involontairement en 1973 dans des conditions politiques fascistes ; la disparition de la revue, considérée jusqu'a ce moment comme un pivot central dans la scène intellectuelle au Maroc, principalement dans le panorama littéraire, va configurer l’écriture romanesque dans plusieurs objectifs, plusieurs formes d’écriture, dans la mesure oü plusieurs reuvres sont melées aux divers courants philosophiques, idéologiques, esthétiques, a titre d’exemple, La mémoire tatouée (1979) d'Abdelkébir Khatibi, La Réclusion solitaire (1976) de Tahar Ben Jelloun, Le chemin des ordalies (1982) d'Abdellatif Laâbi.

Après l’expérience de Souffles, l’écriture romanesque se trouve sur le chemin d’une nouvelle tentation de réforme, «Le roman marocain est formellement redéfini », notamment sur le plan thématique par le procédé d’un acte de « Schizo- glossie »14, du démantèlement dans l’écriture, un acte basé essentiellement sur le rejet systématique de la langue, le rejet de l’ordre linguistique, optant pour un « bilinguisme diglossique »15. En effet, le roman portera sur la création d’un nouveau territoire oü « Le langage devient ésotérique par le recours a la démesure (Khair-Eddine), a l’allusion (Laabi), au paradoxe (khatibi); il veut aussi traduire l’infra-verbal (le cri, l’émotionforte) »16.

Le recours du roman marocain a une certaine hybridité, au niveau thématique et formel, se prolonge par la suite dans une métamorphose des horizons, au moment oü les écrivains ont quitté le territoire marocain, la raison pour laquelle le discours littéraire marocain manifestera une double focalisation, une sorte d’une co- énonciation, qui s’ouvre sur un public double, celui de l’étranger et celui du Maroc. Ainsi, l’écrivain marocain s’oriente vers l’universalisme thématique a l’instar de la tendance du Nouveau Roman et s’intéressera, par conséquent, a des sujets modernes tels que l’identité et l’altérité, donnant naissance a une écriture de la pensée, a une écriture réflexive, Abdallah Mdarhri-Alaoui affirme, dans ce sens, que : « Le devoir de l’écrivain c’est de poser le Maghreb comme horizon de pensée » .

Le roman tunisien:

En Tunisie, comme au grand Maghreb, la littérature s’infiltre dans le contexte général du pays en filiation de grandes péripéties dotées de l’expérience coloniale, mais aussi dans l’histoire de Beys Husseinites, ce duel historique se dissipe dans une transition directe fluide vers la modernité, vocation d’un changement radical dans la structure culturelle, voire archaique. Donc l’infrastructure d’une littérature tunisienne s’accroche a cet ordre qui va rassembler plusieurs perspectives sur le plan littéraire, principalement en matière du roman. Tahar bekri affirme : « De manière générale, la problématique tradition/modernité constitue le souci esthétique et formel qui semble caractériser la littérature tunisienne par rapport aux deux autres littératures du Maghreb. »17 18

Albert Memmi vient pour tisser les liens de la dissemblance ethnique, communautaire, vu son origine berbère et juive a la fois, c’est une autre facon pour lui d’exprimer la Tunisie, hors question du racisme et du chauvinisme, a travers des textes consacrés, entre autres, a analyser la situation d’un pays qui vivait dans le métissage communautaire et culturel : La Statue de sel (1953), Agar (1955), Portrait d'un Juif (1962). Ensuite, l’écrivain Hachemi Baccouche tendra sa main, a son tour, pour créer un horizon thématique qui dépasse les rapports idéologiques des écrivains vers une littérature de reconciliation, insistant sur l’anti-fracture devant les phénomènes du passé tel que le phénomène colonial, notamment dans son roman : La Dame de Carthage paru en 1961.

Aux années 70, Mustapha Tlili fait preuve d’une littérature intelligible dans ses deux textes : La rage aux tripes (1975) et Le bruit dort (1978), la ou le roman tunisien va quitter le tiers-monde des destinations thématiques universelles. De meme, Abdelwahab Meddeb annoncera, par la suite, une autre couleur thématique, ancrée dans des références philosophiques, en tant que source d’inspiration ; notamment dans ses deux textes Talismano (1979) et Phantasia (1986). D’autres horizons thématiques ont traversé le roman tunisien dans le cadre d’une mise en évidence de la laicité comme système de pensée et l’ouverture sur le monde, surtout a l’abri d’une écriture migratoire, et ce, a travers des écrivains forcés de quitter la Tunisie soit pour des raisons personnelles, ou bien pour éviter les conflits avec le pouvoir en place, sinon avec les islamistes extrémistes.

Le désordre de la modernité s’articule aussi au niveau générique, par le fait de rapprocher deux fonctions dans une meme formule textuelle, le cas de Hélé Beji et Fawzi Mellah, des écrivains a double facette, romanciers et essayistes a la fois, l’occasion pour transporter des critiques sur le sujet de la fausse modernité, comme pour Beji dans L’wil du jour (1985) et pour Mellah dans La conclave des pleureuses (1987) ; un texte qui met en question le décalage identitaire entre celui de l’état et celui de la patrie.

En somme, la littérature maghrébine manifeste un passage fluide entre les différents espaces, sur le plan culturel, politique, historique...au milieu d’un territoire en commun, témoin d’une proximité organique. L’apport de l’écrivain fut considérable, il a pu traverser tous les paramètres au niveau thématique et surmonter la censure, ce qui offre un champ large pour des comparaisons fructueuses au sein d’une meme littérature. Ainsi, faut-il détecter les points de différences entre les écrivains du meme sexe, sinon entre les deux sexes, dans le but de découvrir les différentes approches analytiques, les différents styles d’écriture, et les différentes dimensions envisagées ?

La mixité, thème sempiternel:

La mixité, comme thème qui remonte aux débuts de la littérature maghrébine, ne cesse d’apparaitre dans les textes maghrébins jusqu’a aujourd’hui, vocation de la place qu’il constitue dans l’identité géographique, sociale et ethnique des sociétés maghrébines. En effet, les romans adoptent cette thématique dans un contexte des relations d’amour, de mariage mixte. entre des identités opposées au niveau culturel, religieux et idéologique, par exemple, dans Moi Mireille lorsque j’étais Yasmina (1995) de Fadéla Sebti et Ce que le jour doit a la nuit de Yasmina Khadra (2008). Deux textes qui font partie de la meme structure.

La question du couple mixte, dans les romans maghrébins, dépasse le sens de la littérarité, vers une mise en scène d’autres dimensions, relatant la double appartenance comme élément de conflit existentiel, vu les différences des cultures, d’habitus. Ce mélange s’inscrit machinalement dans une suprématie du statut car : « Il s’agit également et nécessairement de deux sociétés : une société regardante et une société regardée, perceptrice et percue »19, ce qui fait que le contexte de la mixité génère une grille de lecture idéologique et politique dans le cadre d’un rapport de force entre les personnages et entre les appartenances au sens large du terme. Des thèmes majeurs rendent compte de la question de la mixité, comme la notion du rejet, de la menace contre le corps social, de la « mixophobie », comme une situation pathologique de crainte et rejet du métissage. C’est ce que nous allons découvrir dans un cadre comparatif entre deux textes : Agar d’Albert Memmi et A l’ombre de Jugurtha de Nadia Chafik, il s’agit d’une comparaison entre deux époques différentes, deux thèmes rapprochés, et deux styles variés. 19 Namvar Bahman MOTLAGH, « Les stéréotypes â travers le prisme de l’imagologie », in Recherche en Langue et Littérature Francaiscs. Revue de la Faculté des Lettres, Université de Shahid Beheshti, Année 5, N°7, p.71.

Chapitre 2 : Le couple mixte face â la nouvelle culture

Dans un cadre étymologique, le mot « étranger » converge vers des réflexions anthropologiques et philosophiques, vu qu’il s’agit d’un concept colossal qui dépasse sa valeur adjectivale. La littérature représente un terrain fertile pour décrypter sa complexité étymologique.

Les deux textes que nous allons aborder par voie de comparatisme présentent deux structures différentes, deux horizons différents. Les deux textes s’inscrivent dans la mise en images de la crise du mariage biculturel, due a un certain décalage culturel, a un conflit des civilisations, et l’absence d’un socle commun des valeurs. Par conséquent, la notion de l’échec s’implante systématiquement dans les deux textes: 20 « Les romans qui traitent de l'union mixte se terminentpratiquementpar un échec.» et au-dela, un autre échec, celui du dialogue problématique entre l'Orient et l'Occident , entre le sud et le nord, entre le colonisé et le colonisateur.

Agar:

Dans Agar publié en 1955, Albert Memmi raconte l’histoire d’un jeune couple mixte ; un médecin tunisien d’origine juive et Marie une Francaise alsacienne. Un coup de foudre entre eux a l’université de Paris va se terminer par un mariage, puis un retour en Tunisie , « comment expliquer qu’elle me parut la seule issue a mon aventure ? Que, désormais, je ne pouvais rentrer dans mon pays et retrouver les miens qu’avec Marie ? » (Agar, p.42). La Tunisie deviendra sa nouvelle destination de choc ; choc des cultures, choc d’habitus notamment, c’est un espace de tiraillement entre un milieu juif trop chargé de coutumes ancestrales et d’instructions religieuses et de l’autre face, des actes de révolte et de refus de la part de l’étrangère Marie, installant un climat de fragilité, de doute et de défaillance : « Épouser Marie est un acte de révolte tel contre son milieu qu'il permettrait l'abandon a des concessions quotidiennes jugées sans importance, par rapport a cet acte. » De cette facon, l’union biculturelle au sein d’une exogamie se dirige vers un échec total, un divorce 20 Jean DEjEUX, Image de l'étrangère union mixte franco-maghrébine, Paris : La Boite a Documents, 1989, p.54. 21 Afifa MARZOUKI, Agar d'AlbertMemmi, Paris : L'Harmattan 2007, p.23. maléfique douloureux en fin de compte : « - Oui, je t’ai épousée. mais tu n’as jamais été ma femme. Elle sourit de douleur comme les suppliciées puis dit calmement : - lâche » (Agar, p.189).

Le texte expose pleinement une couleur sombre qui se dégage tout au long du récit par le procédé d’un macrocosme d’actes tragiques, impliquant dans un premier temps une non-conformité avec les règles de la société tunisienne, ensuite, un triple rejet de la religion, de la culture et de l’Autre, optimisant ainsi un duo déceptif qui vit dans le malaise et dans le silence infernal et explosif.

A l’ombre de Jugurtha :

A l’ombre de Jugurtha de Nadia Chafik publié en 2000, est un récit qui traite la problématique du mariage mixte. Il s’agit d’un mariage forcé aux années 20 entre une Fran^aise « Catherine Chalumeau » et « Yann », un guerrier marocain berbère, dans un contexte de guerre de libération contre la colonisation francaise.

En 1925, Catherine décida de quitter la France et de s’aventurer au Maroc a la recherche de son amant Charles, légionnaire dans l’armée francaise au Moyen Atlas. Lors d’une ballade nocturne, Catherine tombera victime d’une embuscade de militants berbères, ensuite elle sera prise en otage et dirigée vers la tribu de Yann, le grand gaillard berbère : « Prise au piège et capturée comme un animal par ces sauvages, son reve se brisait. » (A.O.J., p.13) En captivité, elle sera appelée tantot Tarumit (la Roumaine) venue de l’occident, tantot « yzza », soumise aux ordres de Nanna Déhia, le pivot rigide de la grande famille. Un mariage dans des conditions ardues sera effectué avec Yann, par la suite, un processus de ruses aboutira ce mariage a l’échec et au divorce.

Le récit s’accentue vers la fin sur une défaillance de valeurs humaines, lors d’une déclaration raciste de la part de Jean Chauvin, le fils de Catherine Chalumeau ; lors de sa compagnie électorale a Paris en tant qu’homme de politique : « Sauf, bien sur, pour les Métèques, les Bougnouls, les Nègres et les Chintoques... La France aux Franqais !...» (A.O.J, p.153). Pourtant, une lettre posthume va chambouler ses convictions, écrite par sa mère Catherine, qui a terminé sa vie, délaissée dans une maison de repos : « C'était dans le Moyen-Atlas, mon fils!... Ton père était un Berbère, un rebelle, un homme ! » (A.O.J,p.155).

Le récit expose plusieurs problématiques, plusieurs thématiques incrustées dans un cadre de la poétique du fait historique, du fait social, une poétique installée avec un registre nostalgique. Il faut signaler que dans ce récit, le fictionnel se nourrit d’une reconstruction subjective du fait historique : « De la guerre, donc du fait historique, a sa fictionalisation, l'écrivaine recourt a un style parodique qui évacue le récit engagé '2'2 au profit d'une reconstruction historique subjective. »

La question de l’autre:

La question de l’autre se projette dans un macrocosme de concepts philosophiques et sociologiques. L’autre est d’abord une description ontologique de l’Étre, c’est le simulacre dont il justifie son existence, c’est le motif principal de la conscience de soi par rapport a l’autre. Ensuite, l’autre se détermine sociologiquement par rapport a une identité sociale, c’est dire que l’autre est une appartenance a un groupe social, a une unité sociale basée sur des valeurs tribales, puis des limites psychosociales liées organiquement au processus des croyances, des mythes, dans un moule historique et religieux.

Par ailleurs, cette formation de l’autre se transfigure d’un contexte a un autre, d’un horizon a un autre, l’Autre perd sa valeur comme élément agitateur dans un horizon étrange, c'est la condition sine qua non des automatismes qui vont provoquer le sentiment d’appartenance, ainsi l’identité raciale et sociale est remise en question, c’est le moment oü l’Autre met en place sa profonde fonction d’ethnographe : « Tout homme peut se transformer en ethnographe et aller partager sur place l’existence d’une société qui l’intéresse » , c’est dire que l’Autre manifeste une identité subalterne culturelle, religieuse...optimisant son super ego devant un horizon étrange qui relate une source de marasme a combattre, ainsi mettre en place un stratagème intérieur sous forme d’un refuge perpétuel contre la fatalité du sentiment d’étrangeté : « Peut-on ètre étranger et heureux? L'étranger suscite une idée neuve du bonheur Entre fugue et origine: une limite fragile, une homéostasie provisoire [...]. Le 22 Lahsen BOUGDAL, Voix et plumes du Maghreb, Paris : L'Harmattan 2010, p. 110. 23 Claude LEVI-STRAUSS, Race et histoire, Denoël, 1987, p.13. bonheur étrange de l'étranger est de maintenir cette éternité en fuite ou ce transitoire perpétuel. »19 20

Le contexte de mariage mixte constitue un vrai champ de bataille pour questionner le concept de l’altérité, vocation de la présence de tous les raccourcis qui font de l’Autre un bouc émissaire, premièrement devant le rapport du dominant/ dominé, traversé par le contexte de la colonisation dans les deux récits, ensuite, le complexe de la femme dans l’imaginaire maghrébin, les traumatismes de l’espace et traumatisme du discours. Il s’agit d’un horizon vital des codes sociaux qui s’interpose dans un mariage mixte entre deux appartenances certes, mais aussi un mariage avec une structure sociale stricte.

Traumatisme de l’espace étranger:

Les contextes que nous allons étudier dans les deux récits manifestent une complexité impliquée par excellence dans la notion du traumatisme, traumatisme de l’espace dans un premier plan. La première rencontre avec un espace étranger relate un certain ostracisme qui fait de l’etre un organe exclu par nature : « L’altérité se cristallise alors en pur ostracisme : l’étranger exclut avant d’ètre exclu, davantage mème qu’on ne l’exclut. » Dans Agar, l’espace traumatique résulte d’un discours de doute fantasmagorique propulsé depuis la première ligne : « Dès l’entrée du canal je fus incapable de cacher mon anxiété » (Agar, p.23), le doute provient du précon^u de l’auteur, par le procédé de l’impact de son expérience casé dans la couleur fresque que porte cette focalisation théâtralisée sur l’espace, c’est dire aussi que cette anxiété qui domine l’espace s’infiltre dans l’image d'Alexandre Benillouche dans La Statue Du Sel, son premier texte, or, dans Agar, cette image se cache derrière l’omniprésence de l’auteur par voie d’un «je » a fonction de pseudonyme : « le «je » n’était qu'un procédé littéraire entre autres. Cependant, ayant lui-mème réalisé un tel mariage, il est bien parti dans ce récit de son expérience personnelle ; cette expérience vécue est « le meilleur point de départ, dit-il, pour la compréhension d’une condition ».21 Il s’agit d’une mise en place d’un traumatisme intégré par une force intertextuelle: « Cessant d'etre, a l'image d'Alexandre Benillouche, un assoiffé de la révolte, le Juif tunisien d'Agar muri par l'âge et l'expérience du séjour parisien, se heurte a ses propres rigueurs. »22 23

Le doute s’affiche continuellement en crescendo afin d’amorcer une aventure ambiguë condamnée par l’échec dans le précon^u de l’auteur : «Je sentais quelquefois m’envahir le doute, le soupqon d’une défaite» (Agar, p.44). Le traumatisme s’infiltre ultérieurement dans les détails, dans les symboles : « J’étais décu. Mais était-il bien grave de ne pas aimer le jasmin ? » (Agar, p. 48), le jasmin ici, c’est le symbole de la Tunisie, terre d’accueil, « le jasmin » déclenche une guerre des symboles. De ce fait, le traumatisme spatial se traduit dans le « je » comme centre de l’espace, déflorant petit a petit l’image de la Tunisie aux yeux de l’auteur qui cherche a reconfigurer son expérience dans une certaine clairvoyance apocryphe.

Dans le récit de Nadia Chafik, le traumatisme de l’espace se métamorphose en espace traumatique exploré par un rejet de l’espace de destination, symbole d’un désastre intégré dans l’imaginaire de l’étrangère Catherine Chalumeau : « Dans ce cimetière ou la mort cötoyait familièrement la vie » (A.O.J, p.17). Le discours du désastre est fondamentalement lié avec le précon^u de l’étrangère qui se réfère au rapport de supériorité / infériorité, notamment dans l’image stéréotypée sur le Maroc dilaté dans la formation de l’étrangère : « J'ai lu Dumas, Loti, Delacroix » (A.O.J, p 81), par ailleurs, le traumatisme se dessine clairement dans l’indication directe de lieu : le Maroc, pour confirmer le désastre spatial qui s’affiche fréquemment dans le récit : « AuMaroc? Cepays de malheur ou Arthur a disparu!» (A.O.J, p.30)

Le traumatisme spatial se déclenche dans un démantèlement de la situation, le « je » se détourne en « Nous » infligé dans le contexte de la prise en otage, ainsi le « je » de Tarumit s’identifie dans le nous qui mène aux memes fins: « «Nous» est au bord des chemins qui mènent aux memes fins. » . Le rejet de l’autre au pluriel favorise, en effet, la crise d’acculturation au sein d’un mariage de deux civilisations, comme le confirme Albert Memmi dans ses entretiens avec Victor Malka : « En faisant un mariage mixte, je n'épousais pas seulement cette jeune et jolie femme, j'épousais l'Occident ».

La Contre-acculturation:

Le discours de contre acculturation s’implique impérativement dans la crise du couple mixte. La non-acculturation est un acte conscient, sujet des troubles au niveau de la conformité, complicité, mise en accord avec l’autre, le Maghrébin qui est nourri par des fantasmes des femmes conquises.

La métamorphose s’accentue sur le choc d’habitus, stimulateur de violence, de rejet de tout ce qui symbolise l’autre, a l’intérieur de son espace symbolique culturel et religieux : « la jeune femme ne retrouva aucun charme des vieux contes orientaux, aucune couleur locale que les passionnés d'exotisme ne se lassaient pas de décrire ou de peindre » (A.O.J, p.14), relatant ainsi le processus de la défaillance, jusqu'a la déculturation, le stade supreme de Contre-acculturation. La mise en abime se propulse pratiquement dans l’absence des supports en commun permettant l’instauration d’un esprit de cohabitation, ainsi, se mettre en coalition avec la culture de l’autre comme règle majeur d’acculturation : « Aucune culture n’est seule ; elle est toujours donnée en coalition avec d’autres cultures, et c’est cela qui lui permet d’édifier des séries cumulatives.» 2

De meme, la cadence de la religion dans l’habitus stimule un conflit intérieur entre le Soi et la foi, a titre d’exemple, la place gigantesque que monopole la religion juive dans Agar, la cause d’une psychose sociale, d’aliénation pour Marie : «je n’ai pas quitté les préjugés et les superstitions de chez moi pour tomber dans cette.barbarie ! » (Agar, p.54). En effet, la religion s’impose comme frontière interne au détriment du role d’équilibriste joué par le mari, nonobstant, la religion, le rituel incorporé dans le communautarisme juif tel que : la nuit d’opaque, la soirée de pascale, la circoncision, le mariage religieux ; proclamant une structure infranchissable : « -La communauté, mon cher, la communauté c’est notre mère ! » (Agar, p.134). Dans cette impossibilité de surmonter le rituel religieux, un effet bipolaire de victimisation se24 25 départage entre eux : « nous eumes ce jour la la scène la plus sérieuse depuis notre arrivée.» (Agar, p. 95) 26 27 28 29

Par ailleurs, sentir cette frontière interne se prolonge dans une inflation de soi qui dépasse l’homéostasie de l’auteur vers le paradoxe du comédien que propage l’étrangère : « multipliant les masques et les "faux-selfs" il n'est jamais tout a fait vrai ni tout a fait faux, sachant adapter aux amours et aux détestations les antennes superficielles d'un caur de basalte », ce qui donne, selon Kristeva, une transformation des malaises en socle de resistance : « En passant une frontière (... ou deux), l'étranger a transformé ses malaises en socle de résistance, en citadelle de vie.» 30 31 32

L’impact du rituel religieux dans le récit de Nadia Chafik se présente comme une microstructure qui ne creuse pas fréquemment dans la nature des actes humains, car ce récit s’intéresse plus a la poétique du social : «Il relève de ce que certains critiques appellent une poétique du social. », des indices religieux s’entrecroisent avec cette poétique du social, formant ainsi une structure mentale conservatrice a caractère tribal, de ce fait, la presence des références religieuses telles que « le jeune » proclame une mise en place rudimentaire du fait religieux : « Le climat rigoureux des montagnes, auquel elle n'était pas tout a fait habituée, et le jeune qu'on lui imposait de l'aurore au crépuscule, depuis près de trois semaines, l'épuisaient. » (A.O.J, p.94).

La frontière interne se nourrit par les discordances dans le quotidien et dans le relationnel, ainsi, le monopole de la religion laisse des séquelles enregistrées fondamentalement dans les sociétés maghrébines, subséquemment la notion du compromis dans l’union mixte se fragilise, se sédimente et se dégrade, donc plusieurs systèmes de coalition sont en conflit dans les deux récits a cause de la complexité dont fait partie le rituel religieux : « Je n’ai pas le droit de ne pas pratiquer ! Mème si je ne suispas croyant, mème si... » (Agar, p. 122)

Le passage du simple au complexe se fait aussi sur le plan rhétorique via un plan d’adjectivation qui se focalise sur le doute qui domine le discours dans Agar. De l'autre coté, le discours du sarcasme est mis en exergue perpétuellement dans A l’ombre de Jugurtha comme dans cette scène : «Les paroles de Dehia accompagnaient des gesticulations exacerbées et des déhanchements ridicules qui caricaturaient la démarche dandinante de Catherine, provoquant le rire moqueur des femmes. — Qu'as-tu a me regarder ainsi ? Je ne fais pas danser les singes a la foire!» (A.O.J, p.95). Le discours forge ainsi une autre voix de traumatisme, c’est le traumatisme du langage en question.

Le traumatisme dans le discours:

Le discours en question manifeste une structure complexe, codée, a travers l’interaction verbale et infra-verbale, vu que le discours ne dépend pas uniquement de la langue comme outil d’inter-change ; mais il dépend aussi d’une structure dynamique variable au niveau des codes culturels, sociaux, intelligibles. Le discours, dans les deux récits, ne fonctionne pas de la meme manière ni de la meme nature, non seulement par rapport au motif de la différence des contextes (berbère, juif), mais c’est au creur de cette différence que le langage décrypte les complexes.

Il s’agit d’un contexte de prise en otage dans le réel et de l’autre coté de prise en otage dans l’imaginaire, du fait, le discours se métamorphose en frontière interne qui brule tout ce qui peut déterminer le compromis et le consensuel dans un apanage de communication : « La présence d'une telle frontière interne a tout ce qui se montre réveille nos sens les plus archaiques par un gout de brulure ».33 Le gout de brulure se projette dans la couleur dramatique, tragique, affichée dans les dialogues, dans les monologues, pour exprimer le désordre, le rejet, l’amertume, l’échec : « -Ah ! je t’en prie ! S’affola Marie, enfin scandalisée, tu veux me dégouter tout a fait! Tout a fait! Elle l’était donc suffisamment, elle l’avouait! Me voici amer; tricheur qui, patiemment, a cultivé l’amertume ! » (Agar, p. 67)

Dans le contexte du mariage mixte, la langue s’impose comme obstacle traumatique qui s’implique dans trois niveaux : le langage du corps, le langage du langage, le langage du silence, et chaque langage détermine l’autre, vu qu’ils synthétisent une macrostructure des symboles, mettant en cause dans un premier temps le langage du corps.

Langage du corps:

C’est le tabou du sexe dans sa dimension libidinale, il s’agit d’un terrain fertile pour mater l’étrangère, symbole d’un corps décomplexé par nature d’appartenance. Le corps devient une carte a jouer dans le processus de soumission de l’étrangère, a travers un discours direct dans Agar: « - votre mari a droit a plusieurs femmes ! La loi l’y autorise ! », « -méfiez vous, madame, vous ètes trop mince et nous aimons les femmes fortes ! » (Agar, p. 58). Le corps sujet d’un espace d’ exclusion oü la femme se revendique dans l’imaginaire maghrébin pour justifier une performance libidinale, optimisant la chance pour un accès a l’institution matriarcale, procédant ainsi a l’image du harem, appréhendée dans l’imaginaire maghrébin.

Le langage corporel se traduit en acte dans A l’ombre de Jugurtha, a l’abri d’une mise en alerte du corps qui va intriguer toute l’histoire. Le secret de la virginité de Catherine chalumeau avise l’essence d’une contrepartie dans le conflit matriarcal avec Nana Dehia : « Devant eux, elle affichait ouvertement l'amertume de n'avoir pu exhiber le sang du saroual, comme elle aimait a le faire en de pareilles circonstances pour vérifier elle-mème la pureté de la jeune mariée. » (A.O.J, p.104), vérifier la pureté, c’est creuser dans les fantasmes imaginaires musulmans, pour ainsi exprimer que la femme n’existe que par sa virginité et par sa fonction principale, machine a enfanter.

Le corps, dans ce récit, scandalise toutes les péripéties de l’action principale qui est de donner essence a une métamorphose de femme en captivité a une femme seigneuriale au sein d’une société berbère, dans un cadre de l’infra-langage. Il s’agit ici d’un arrière-plan politique qui se dégage au fond, détectant ce mariage mixte en sorte de recul devant l’adversaire, le colonisateur, meme si le critique Bougdal Lahsen, dans son analyse, prouve une perte de sens politique dans ce récit : « L'importance de ce roman est d'introduire une rupture; une perte de sens politique pour une refondation de l'Histoire sur des valeurs plus humaines. »34. Or, la perte du sens politique ici s’autoproclame dans un anti-discours, en effet, le sens politique émane pleinement sans aucune trace dans le texte, afin de laisser place a cette poétique du social, traitant ainsi les valeurs sociales en question sans indices politiques concrets.

Par conséquent, le langage du corps installe une tension générale dans le récit de Nadia Chafik, il détermine toutes les convulsions des personnages dans le récit.

- Langage du langage:

Le langage du langage, c’est en général une problématique qui s’infiltre dans le métadiscours oü la langue est mise en question, or, en l’occurrence la langue va troubler les codes socioculturels, dans la mesure oü le discours s’identifie a des phases transitoires entre les langues, le francais, langue de l’étrangère, le patois tunisien comme langue de l’espace de destination et la langue berbère au Maroc. De cette facon, l’absence d’une conformité idiomatique pose problème dans l’union mixte. Le discours prolifère une intransigeance, une intolérance avec une langue étrangère, alors que la fréquence du discours direct sera endommagée par un fatalisme enraciné, qui est le détecteur d’un certain danger envers la langue de l’autre : « La langue affiche sa marque de fabrique, laisse affleurer l'ancrage d'une société dans un fatalisme quasi endogène perceptible jusque dans ses réflexes quotidiens, jusque dans ses tics langagiers » . Dans Agar, la langue fait partie du traumatisme d’habitus en général, le patois se confronte avec le francais dans ces deux scènes, par exemple : « Je demandai a mes parents qu’ils cessent de parler patois devant Marie », « Ma mère comprenait a peine le franqais, fallait- il l’exclure de la conservation pour que Marie se sentit moins perdue ? » (Agar, p. 69). L’auteur exprime une autoanalyse de la situation a travers une clairvoyance envers la discordance langagière ; il cherche a se dégager de la chape liberticide, oü le langage s’impose irrévocablement dans le processus d’intégration de l’autre.

La métamorphose au niveau du discours se dilate par excellence dans la détérioration de certains codes éthiques. Sur le plan onomastique, par exemple, Marie se transforme en pronom « elle », il s’agit d’un réflexe indécis au niveau du discours, la frequence du discours direct s’oriente vers une violence au niveau du langage depuis que l’auteur délaisse son role d’équilibriste : « J’étais comme un équilibriste avec son balancier que le moindre souffle d’air faisaitpencher dangereusement d’un cöté ou de35 l’autre. » (Agar, p.102), par ailleurs le langage sans assise onomastique se conjugue dans un désarroi infernal oü la présence égale l’absence.

De meme, le chevauchement onomastique dans A l’Ombre du jugurtha explose des troubles patriotiques au niveau du discours, le nom Catherine se réduit forcément en Tarumit, Yzza, et chaque nom se prolonge dans un contexte patriotique ou le nom représente un code social tribal. Le nom Tarumit (la Romaine) altère l’existence d’une étrangère de race et de culture et de foi surtout, un nom équivalent la mécréante, symbole d’un danger suspect contre la foi : « Une Tarumit restera toujours une Tarumit. Que dirai-je a Moulana quand il me rappellera auprès de lui ? » (A.O.J, p.107). Tarumit c’est une construction fantasmée chargée des traumatismes historiques : « Or le pire qui puisse exister dans le dialogue des civilisations est l’ignorance de soi et la construction fantasmée d’une « identité de civilisation », fermée et ghettoisée, craintive et traversée de traumatismes et de blessures historiques. »36. Du coup, Tarumit décroche un nom berbère « Yzza » après son mariage avec Yann, cette métamorphose est dans l’obligation de gommer les traces d’appartenance de cette étrangère : « Elle devrait alors choisir un prénom berbère pour l'impie. Il était déja trouvé; elle s'appellerait désormais Yzza. » (A.O.J, p 92).

Ensuite, la langue berbère fonctionne comme un élément catalyseur, une assise forte sur laquelle repose le conflit réel et imaginaire. A l’encontre de ce qui se passe dans Agar, ici c’est le paradoxe du profil langagier de Marie, qui a imposé sa langue, le francais, et meme elle a essayé d’apprendre a son mari et a son enfant l’allemand qui fait partie de sa culture alsacienne franco-allemande. Alors que Tarumit était dans l’obligation de délaisser sa langue et apprendre la langue berbère : « En berbère, elle avait appris quelques mots simples mais utiles comme aghrom (le pain), aman (l'eau), aghu (le lait), imchli (le dejeuner), tafunast (la vache). » (A.O.J, p. 53).

- Langage du silence:

La notion du silence se ponctue de violentes crises sur lesquelles la langue se dégrade en outil parasitaire, ce qui fait que le recours au silence est un recours a la fragmentation, a l’absence du signal entre les horizons, entre les enjeux, ou les rapports verbaux se disséminent : « dissémination qui reconduirait le discours au silence »37.

Le langage du silence se configure, par excellence, dans le silence du langage, le silence se dessine clairement dans Agar lors d’une absence du fil conducteur au niveau du discours par le procédé de la défaillance des outils de communication entre le couple, et dans l’imperméabilité des substances infra-verbales pour un dialogue régulier. En ce moment, la loi du silence s’impose comme discours dans l’absence du discours : « nous étions entrés, a nouveau, dans cette zone de silence a l’aire rare. Nous gagnions le mème lit mais pour un embarquement sur deux vaisseaux différents. » (Agar, p. 179) Dans cette ambiguité relationnelle oü le silence devient une loi qui cache les blessures, les traumatismes, le silence langagier se projette dans le silence d’altérité qui installe un désordre psychique, une rupture créatrices des fragments : « les conditions d'une continuité de second degré, telle que l'estime de soi » 38 .

Dans A l’ombre de Jugurtha, le silence comme langage se projette dans un registre de douleur, formant un indice du déchirement, de la mort comme dans cet exemple oü le silence traine la douleur vers un stade supreme qui est la mort : « Toujours cette douleur au corps, cette trouille aux tripes, toujours ce silence mortel» (A.O.J, p. 91). Le silence, dans ce récit, se flaire dans l’annonce des actes tragiques voire la prise en otage, la violence conjugale, la lettre posthume. Le silence se présente comme une prise en otage de la conscience, vu que le choc psychosomatique acquis dans des conditions de captivité se prolonge en sentiment durable, en silence qui va etre adopté par une thérapie de l’écriture dans le journal intime, ensuite, une lettre manuscrite qui va dévoiler un silence réprobateur, oppressant, afin de dénoncer la violence du langage raciste vers la fin.

Partie II: De la psychanalyse dans le texte littéraire

Chapitre 1 : La problématique du désir chez l’étrangère

Le rapport entre la psychanalyse et la littérature se justifie par la parfaite adéquation entre les composantes qui les constituent, la psychanalyse creuse dans la partie profonde du texte littéraire afin de dévoiler ses troubles. Ainsi, l’interprétation psychanalytique du texte est une interprétation d’un état pathologique du a la construction psychologique des personnages, a la formation infrapsychique de l’auteur, et meme a la construction de l’univers psychosocial du lecteur, ce qui fait que le texte littéraire se situe dans une double appartenance. Il appartient a la fiction narrative qu’il expose réellement et une appartenance a l’inconscient du texte, ordonnant le texte tout d’abord en tant que reve, ou bien en tant que « folie », c'est-a-dire rendre le texte comme un cas malade a opérer, et parfois meme le reve devient une folie : « En littérature, « oser voir », c’est risquer lafolie. »39

Dans un cadre interdisciplinaire et en corrélation avec la littérature, la psychanalyse remonte aux premiers essais d’interprétation des textes, des reuvres d’art, etc., a titre d'exemple : Le Moise de Michel-Ange (1914) de Sigmund Freud, de ce fait, l’interprétation psychanalytique d’un texte littéraire passe par deux structures analytiques instaurées principalement par Freud : « Le reve » et « l’inconscient », ce qui fait que le texte doit etre lu comme étant un reve : « On traite le texte comme un rève dont on veut dégager les syntaxes virtuelles »40. Le reve du texte est a la fois une formule consciente et inconsciente dans l’imaginaire de l’auteur, il ne peut jamais controler l’interprétation du discours exposé dans le texte, car la lecture du texte se fait a la fois dans l’espace virtuel de la textualité et hors la réalité du texte en question. L’inconscient du texte se justifie majoritairement dans le reve, cette relation au sein du texte littéraire exige une mise en scène des concepts et des références psychanalytiques dont le reve et l’inconscient font partie : « Le « rève littéraire » fonctionne comme une sorte de discours symbolique ou allégorique dont le sens doit ètre explicitement et instantanément décrypté par des références plus ou moins nettes a une table de traduction sommaire, une clef des songes. » 41.

Appliquer la psychanalyse sur un texte maghrébin, c’est creuser dans ses limites infranchissables, c’est activer une option psychopathologique et dévoiler ce que l’auteur n’assume pas dans sa représentation fictionnelle du fait social, du fait historique. : « Option psychopathologique donc de l’écriture, qui accomplit et prend en charge ce que la société n’assumepas »42, c'est-a-dire une interpretation au-dela de mimer ce que le texte raconte dans son espace narratif, mais il s’agit d’une issue vers le non-dit dans le texte. Dans sa structure narrative, le texte maghrébin admet cette manifestation du non-dit, c’est la face muette du texte qu’on doit examiner, relatant la psyché dominante dans l’horizon maghrébin, cristallisant un discours psychanalytique invisible sous effets de la formule de Genette : « Ce n’est pas lui qui pense son langage, mais son langage qui le pense etpense hors de lui »43. En effet, l’inter-impact discursif entre les deux disciplines existe vivement dans l’horizon littéraire maghrébin : « Discours psychanalytique et discours romanesque sont donc cousins au Maghreb. »44 .

L’univers du texte maghrébin s’alimente par la force de l’impact psychologique de l’intrigue qui se détermine souvent selon les critiques, par un système mythico- rituel dominant, par une guerre matrimoniale dont la notion du corps a une forte présence, et par ce qu’appelle Jean Bellemin-Noel « une fonction prophétique du reve», c'est-a-dire, une sorte de sacralisation du reve textuel comme remède pour soulager les traumatismes des intrigues tragiques.

Sur le plan psychanalytique, nous pouvons classer le texte maghrébin sous trois caractères, il est a la fois : anarchique, fantasmagorique, névralgique. De ce fait, la psychanalyse intervient pour dévoiler la nature et les manifestations de ce trio miroité dans les textes maghrébins: « La psychanalyse est un savoir de recours a la hauteur des manifestations de crise qui affectent les sujets, conscients qu’ils sont de leur double statut de destinateur et de destinataire de ces manifestations de crise, de ce savoir qu’est lapsychanalyse s’intéressant a la littérature, et dupouvoir de ce savoir de la psychanalyse dans la littérature. »45

Appliquer la psychanalyse sur nos deux textes, c’est détourner la crise d’altérité en crise des psychés, vu que le contexte de la mixité multiplie les structures mentales, les origines du pathos, les différentes natures des actes psychiques... S’intéresser au contenu psychanalytique des textes, c’est quasiment revisiter l’intelligibilité des auteurs en matière d’écriture afin que l’analyse se réfère d’un coté a une expérience personnelle de l’auteur qu’il transporte surtout lors d’une narration auto-diégétique comme le cas d’Albert Memmi : «Albert Memmi dit, par exemple, qu'il a mèlé l'imaginaire et le vécu pour mieux faire saisir le réel. Il précise mème que Agar est le condense de centaines d'histoires, ramenées a l'essentiel et dramatisées pour en faire une auvre unique, cohérente et qui s’impose a l’attention du lecteur. »46 ; Et de l’autre coté, a une mise en alerte de l’expérience narrative dans ce genre de problématique configuré dans la dimension plus ou moins psychanalytique.

Ainsi, par voie de retrospection, nous allons découvrir que Nadia Chafik possède la matière nécessaire dans ce genre d’écriture a travers son premier texte Filles du Vent (1995), dont le personnage principal « Faiza » est caractérisé fondamentalement par un état psychique bien déterminé, et le style d’écriture dans l’ensemble du texte s’inscrit dans le credo psychanalytique.

L’interprétation psychanalytique des deux textes s’accroche au contexte maghrébin comme destination fertile de toute sorte de chevauchements psychiques causés par les grandes séquelles du traumatisme historique en commun dans le deux récits, traumatisme de la domination masculine disloquée dans l’union mixte, traumatisme de l’intimité interdite. Par ailleurs, les deux textes proclament une descente en enfer des psychés vers un échec total qui caractérise les deux récits.

Nadia Chafik prend en charge la mise en structure des profils psychologiques dans un moule des caractères psychorigides relatant la nervosité, la haine... C’est Catherine Chalumeau et Nanna Dehia, deux personnages conflictuels, deux sources du climat pathologique dominant l’habitus et le fantasmagorique, ainsi, le récit dégage une psychose qui domine tout l’horizon narratif et thématique du texte.

Albert Memmi relate des éléments naturels dans le contexte tunisien, teinté par l’impact de son appartenance a deux modèles mentaux : une structure mentale imposée par les codes de la société, la religion, la culture, et de l’autre coté un modèle mental casé dans une appartenance idéologique qu’il représente au sein d’un mariage avec une étrangère, une universitaire a esprit ouvert, par conséquent la psyché dominante dans l’reuvre se prolonge dans un « trouble dissociatif de l'identité » de l’auteur.

Le reve du texte:

Les caractéristiques phénoménales d’un texte qui reve s’ingénient par excellence dans la notion du désir : « A quel titre la psychanalyse intervient-elle pour traiter a divers niveaux avec ces diverses réalités phénoménales ? C’est en tant que celles- ci mettent en jeu le désir.», la notion du désir s’implique dans la double fonction du reve : la première fonction, c’est le plaisir du reve, c’est lorsque le texte dégage une linéarité affective, une formation psychologique déja imaginée, et une unité psychologique des personnages inculquée dans une bienséance théâtrale : « Le désir est la tendance a se procurer une émotion déja éprouvée ou imaginée, c’est la volonté naturelle d’un plaisir. »47 48 49 La deuxième fonction du reve se dilate lorsque le texte se revetit d’un caractère cauchemardesque, relatant le choc, la terreur, la violence par le biais de la métamorphose des troubles narratifs en troubles psychologiques, c’est le cas des textes abordés.

Le désir est un élément psychomoteur qui conduit les grandes questions dans l’interprétation psychanalytique. Si l’interprétation freudienne considère le reve comme un désir réalisé, notre interprétation prouve que dans Agar, le reve est un désir non réalisé, de meme dans A l’Ombre de Jugurtha, c’est un désir violenté, alors, les deux textes sont subjugués sous la domination de la deuxième fonction du reve, la notion du cauchemar : « le cauchemar est souvent une réalisation non voilée d’un désir, mais d’un désir qui, loin d’ètre le bienvenu, est un désir refoulé, repoussé. » 50. Ce qui nous intéresse ici, c’est de détecter la nature de ce désir refoulé dans son état brut, ainsi, étudier sa fonction dans l’ensemble des destinations physiques, symboliques, fantasmagoriques dans les deux récits.

Le désir d’auto-proclamation:

La naissance psychologique de l’étrangère dans Agar est a double nature psychologique, une naissance anachronique caractérisée par la fragilité, puis une renaissance graduelle vers un caractère de suprématie. Marie manifeste dans un premier lieu un profil de victimaire qui marque une appartenance a un territoire traumatique, l’Alsace en question ; il signifie une charge psychique composée des blessures historiques a cette époque de guerre mondiale : « Il me plut qu’elle ait été, comme moi, victime des Nazis. »(Agar, p.36), le caractère victimaire ici explose dans l’incipit du texte un climat pathologique d’angoisse interprété comme un symptome, un signal : « L ’angoisse est un signal. Si tant est que le désir doit se produire a la mème place. »51. Ce climat est départagé entre des références psychiques, chaotiques en rapport avec l’état d’âme de Marie, victime des Nazis, et celui de l’auteur, victime du fait colonial en question par l’interférence de l’expression : « Comme moi », indiquée dans la citation précédente. Donc, la fragilité devient une structure fondamentale dans la formation psychique des héros, d’ici l’air d’angoisse installé dans l’ensemble du texte s’inscrira dans ce que nous pouvons nommer un ‘discours d’une exilé’, un registre de déchirement cadre pleinement le texte.

Le réflexe d’auto-proclamation ne s’accroche pas dans la phase intime du couple mixte oü la fragilité est réciproque, mais le déclic se fait lorsque l’horizon d’intimité s’élargit dans une destination psychosociale étrange, provocant ainsi la Psyché primitive de l’étrangère a cause des fardeaux patriotiques, rituels qu’elle doit subir dans une destination étrange, un contexte maghrébin complexe. Ceci va faire renaitre des blessures enregistrées dans l’inconscient de Marie sous la puissance des signaux stimulateurs des réactions psychiques, sous formes de symboles naturels tels que : la langue, la religion, l’habitus, en confrontation avec des symboles culturels. A ce propos, C.GJung affirme : « Les premiers viennent des contenus inconscients de la psyché, et représentent par conséquent un nombre considérable de variations des images archétypales fondamentales. » . La guerre des symboles naturels et culturels, dans une destination archétypale étrange, suscite des fragments patriotiques au niveau de l’arrière-psyché de Marie qui est en train de revivre une deuxième intégration psychosociale forcée, bien évidemment sur le point de revivre douloureusement sa première ingurgitation forcée avec les allemands en Alsace : « les Alsaciens lorrains furent considérés comme des allemands » (Agar, p 36). Par conséquent, accepter une deuxième intégration forcée pour elle, c’est vivre avec une double fracture dans le présent et dans le passé mémorial .

Le discours en crise d'hystérie:

Le discours du refoulement s’impose systématiquement a chaque fois que la psyché de l’étrangère est mise en confrontation avec des éléments qui révèlent ses blessures primitives, le registre du refoulement marque l’état hypocondriaque de son intérieur : « ici, je dois faire un effort constant... tout cela me parait absurde !... anachronique... » (Agar, p.54). La mise en reuvre de l’étude du comportement dans le récit s’inscrit dans une enquete sur l’origine du pathos, l’origine de cet état absurde. Il s’agit de remettre en question le comportement de Marie dans des scènes bien ciblées afin de détecter les actes manqués distanciés entre deux univers psycho sociaux et découvrir par la suite la nature de ce refoulement systématique, a titre d’exemple, dans cette scène : « elle choisit une guisada, le gâteau qui lui parut le moins sucré. » (Agar, p 30), ce comportement indicateur d’un gout extreme de l’étrangère, est un signal qui nourrit le processus du réflexe inconscient : « tout ce qui est refoulé doit demeurer inconscient » . Le processus du refoulement se justifie aussi dans un stade symbolique a travers un comportement de dégout qui s’infiltre pratiquement dans toutes les scènes dialoguées : « Mais était-il bien grave de ne pas aimer le jasmin ? » (Agar, p.48), ne pas aimer le jasmin est aussi un réflexe contradictoire inconscient et bien préparé, dans la mesure ou cette réaction se transfigure en source de plaisir dans le cadre d’un concept psychologique qui est le « processus de séparation-52 53 individuation». C’est un processus naturel qui se produit chez l’etre lorsqu’il se sent saturer de tout ce qui signifie pour lui une symbiose intimidable : « ce processus normal de séparation-individuation se déroule dans le contexte d’un fonctionnement autonome bien préparé et source de plaisir »54.

En effet, dans ce contexte, le degré de refoulement dépasse le sens d’un dégout vers un refoulement stratégique qui s’effrite dans l’inconscient du sujet, c’est dire refouler avec plaisir ce qu’aime profondément l’autre, du fait, ce refoulement va s’éclater dans cette scène : -«pourquoi, lui demandai-je, pourquoi recherches-tu toujours le plus difficile pour nous ? - parce que j’existe ! répondit-elle amèrement. » (Agar, p 97).

Le désir d’auto-proclamation s’annonce clairement ici, l’étrangère proclame son désir égocentrique dans une destination de domination masculine, domination du rituel, domination des symboles culturels, aboutissant a une repression au niveau de l’évolution des affects face a la psyché dominante de l’autre : « La répression de l’évolution des affects constitue le véritable objectif du refoulement »55. L’état de répression ici s’articule dans la fonction du fantasme dessinant une crise d’acclimatation dans l’inconscient de l’étrangère, ce qui révèle pour elle un désordre fragmentaire entre un état psychique primitif traumatique et un état psychique réactivé dans des nouvelles blessures de soumission : «je lui rappelai, rapidement, qu’ici les femmes n’égalaient pas les hommes » (Agar, p.137), en l’occurrence, ce désordre se manifeste dans des psychoses ultérieures.

L’expérience traumatique manifeste doublement son effet sur le sujet refoulé, une première expérience dans l’arrière psyché de l’étrangère, et une deuxième expérience chargée des blessures, des répressions au niveau de l’évolution naturelle des affects, infectant tout le processus de la mise en ordre des psychés, détruire ainsi une compromission naturelle avec l’autre.

Deux caractères fragiles traumatiques vont renverser a la base les automatismes psychiques jusqu’un stade oü la confrontation au niveau des caractères surpasse la répression affective vers une violence conjugale physique : « pour la première fois de notre vie commune nous avons utilisé la violence » (Agar, p.184). Il s’agit d’une guerre des affects inconscients dans des représentations conscientes. Le caractère de suprématie de l’étrangère se présente invisiblement tout d’abord dans le retour du discours d’un exilé, en d’autres termes dans la mise en abime des affects, premièrement a travers la destruction des liens biologiques affectifs d’intimidation, dans un état normal, l’enfant en question doit consolider les rapports affectifs entre le couple, or ici, c’est l’inverse : « L’enfant n’avait rien résolu. Au contraire, notre déchirement enfm admis, il incarna notre drame ; il en devient le symbole et l’enjeu. » (Agar, p.146), deuxièmement la destruction des liens sociaux, le cadre familial en question : « - Oui, je les hais, je les hais ! Ce sont des sauvages ! » (Agar, p.183), le registre de violence ici prouve un stade supreme de suprématie oü l’étrangère est hors controle de soi, c’est un réflexe hystérique indiquant l’hostilité conjugale affective : «je suis pour toi une étrangère hostile ! » (Agar, p.181).

Le miroir brouillé:

Dans A l’ombre de Jugurtha, Nadia Chafik instaure un climat d’horreur naturellement a travers l’évocation d’un registre de guerre depuis la première scène : « Les balles claquèrent dans un tourbillon de poussière et de chevaux. Le vieux 'Assou Ou'Haddou tirait avec rage sur les légionnaires tombes dans son embuscade alors qu'ils convoyaient Catherine Chalumeau vers son destin. » (A.O.J., p.11). Un horizon d’attente spécifique s’établit chez le lecteur depuis l’incipit, il s’agit d’une théâtralisation des émotions, des comportements victimaires d’un personnage a un autre, de Catherine Chalumeau, victime d’amour et de captivité, ensuite, Yann victime d’amour, de la ruse, et par la suite Nanna Dehia, victime de son caractère seigneurial. La mise en évidence de la notion de la victime, dans un ordre équilibré, engendre une esthétique de réception, ainsi le texte restera ouvert sur plusieurs probabilités concernant la source du tragique dans le récit : « Lorsque le miroir se brouille et que la reconnaissance ne se fait plus, le vraisemblable se transforme en fantasmagorie.»56

Le désir d’auto-proclamation s’inscrit dans la confrontation des psychés, la confrontation des stratagèmes de domination, cette confrontation se trouve bien tracée dans l’imaginaire de l’auteure a travers une sculpture détaillée des profils en sorte d’une recherche profonde au niveau des blessures, des traumatismes... Il faut signaler encore une fois que Nadia Chafik s’est inspirée involontairement de son premier récit Filles du Vent, dans la mesure ou nous pouvons détecter quelques indices au niveau du registre et de la mise en exergue des portraits, a titre d’exemple, dans cette description d’un état psychopathologique du personnage « Faiza » : « État statique de ses jours mobiles, Chronologie insensée, d’une autobiographie, document historique sans histoire, glissement du je muet au nous ventriloque conjugué au féminin », nous détectons ici un socle commun des caractères, dont la construction des deux personnages « Faiza » et «Catherine » dans les deux récits. Ils découlent de la meme formule psychologique, les deux figures sont condamnées a vivre avec une seule issue : la mémoire en question, et vivre dans un temps perdu qui symbolise la prise en otage du reve au féminin.

Le corps, facteur fondamental dans le désir:

Le désir se manifeste comme un processus dérapant au milieu de la phase intrapsychique des personnages, dans le sillage de la domination de la notion du corps, une domination incorporée dans deux réalités psychosociales du corps, celui de Catherine et celui de Tarumit dans une seule réalité physique : « le corps perqu est doublement déterminé socialement. D’une part, il est jusque dans ce qu’il a de plus naturel en apparence (son volume, sa taille, son poids, sa musculature, etc.), un produit social qui dépend de ses conditions sociales de production a travers diverses médiations »57 58.

Le rapport entre la psyché de l’étrangère et son corps se configure dans l’image mystique du corps féminin dans le récit, ici le corps se manifeste comme une arme, comme porte-parole, comme carte d’identité : « Catherine était de ces femmes qui n'appartenaient a aucun homme, mais a tous ; particularité qui l'émoustillaitparfois.» (A.O.J, p.42). L’errance de la notion du corps se projette dans un tiraillement cornélien devant un corps social largué par le système éthique dans la société d’origine : « Les murs du « Mont Venus » que j'ai balayés du regard m'ont cruellement rappelé ce que j'étais : une file de joie. » (A.O.J., p.29), et un deuxième corps physique accepté brutalement par les hommes, de ce fait, le corps de l’étrangère s’incorpore dans une fonction de remémoration durant toutes ses aventures d’amour. A chaque fois, elle se rappelle par son corps en tant que prostituée, elle se définit par son corps ; et de l’autre coté, Tarumit se définit par l’absence du corps, cet état schizophrénique instaure une détresse du corps sujet : « Dans la présence primitive du désir de l’Autre comme obscure et opaque, le sujet est sans recours, hilflos. L’Hilflosigkeit - j’emploie le terme de Freud - cela s’appelle en franqais la détresse du sujet.»59. Autrement dit, le corps de Catherine se transforme en sujet sans recours dans la psyché de Tarumit. Un corps féminin captif se métamorphose en traquenard affectif, le moment oü la mémoire remplace le corps, et le processus de séduction s’entrecroise avec une rage de vaincre, un désir de vengeance contre la prise en otage du corps et ses aboutissements : « Plus Catherine secouait l'outre, plus l'idée du crime bouillonnait dans son esprit. » (A.O.J., p.86). Tarumit se trouve tiraillée encore une fois entre un complexe d’ffidipe et un stratagème de Schéhérazade dans Les mille et une nuits: « Les mille et une nuits présententpour nous un intérët d’autantplus grand qu’ellesparticipent, dans cette relation transitoire, a la remise en cause dufondement unitaire de la pensée dans l’aire culturelle arabe en général, maghrébine en particulier »60. Le corps est la seule référence dans la psyché de l’étrangère, c’est le ferment essentiel qui alimente ses actes.

Le contexte de la prise en otage dans une tribu berbère remettra son corps en question, il s’agit d’une autre dimension sociale du corps oü la langue des organes est réservée aux hommes. Le féminin berbère se réduit en image fantasmagorique : « (Le féminin en berbère, se marque par la forme de diminutif), les femmes restent enfermées dans une sorte d’enclos invisible (dont le voile n’est que la manifestation visible) »61, limitant le territoire du corps de Tarumit, c’est un aveu d’échec, c’est une phase transitoire qui va installer une nouvelle structure psychique basée sur la soumission et l’identification dans la structure mentale dominante, l’étrangère captive s’identifie complètement dans un profil imposé, ce qui brouille son caractère psychique primitif, cette métamorphose récurrente génère une stabilité relative dans le récit vers la fin, en manière d’un armistice conditionné : «Il était satisfait d'avoir soumis Catherine, comme Mricha et les autres, aux règles de la raison masculine. » (A.O.J., p.94)

[...]


1 Albert MEMMI, Agar, Paris, Editions Gallimard, 1984.

2 Nadia CHAFIK, A l’ombre de Jugurtha, Editions Paris-Méditerranée, 2000. Nous opterons pour l’abréviation suivante : A.O.J.

3 Algérie francaise : appellation employée comme slogan politique pour faire allusion â la longue durée de la colonisation francaise en Algérie.

4 Jean DEJEUX, Littérature maghrébine de langue frangaise, Sherbrooke Canada, Naaman, 1978, p. 16.

5 Ibid. p.16.

6 C’est une expression utilisée par Albert Camus pour situer la génération des écrivains des années 50 en Algérie.

7 Mostefa LACHREF, cité dans Littérature maghrébine de langue francaise, Op.-cit., p.66.

8 Abdallah MAZOUNI, cité dans Littérature maghrébine de langue frangaise, Op.-cit., p. 67.

9 Charles BONN, Naget KHADDA & Abdallah MDARHRI-ALAOUI, Littérature maghrébine de langue frangaise Paris : EDICEF-AUPELF, 1996, p.146.

10 Marc GONTARD, La violence du texte: Etudes sur la littérature marocaine d'expression frangaise, Paris : L'Harmattan, 2000, p.18.

11 Charles BONN, et al. , Littérature maghrébine de languefrangaise, Op.-cit . p.143.

12 Ibid.

13 Charles BONN, et al. , Littérature maghrébine de langue frangaise, Op.-cit ., p.144.

14 C’est un concept utilisé par Abdallah Mdarhri Alaoui, c’est une situation pour exprimer le territoire double de la langue.

15 C’est un terme utilisé par Marc Gontard, pour exprimer le pouvoir d’acculturation entre deux langues.

16 Charles BONN, et al. , Littérature maghrébine de langue frangaise, Op.cit ., p. 145.

17 Ibid. p.211.

18 Ibid., p 211.

19 Julia KRISTEVA, Étranger a nous-mèmes, France : Librairie Arthème Fayard, 1988, p. 13.

20 Ibid. p. 39.

21 Jean DEjEUX, Image de l'étrangère unions mixtes franco-maghrébines, Op.-cit .p. 167.

22 Afifa MARZOUKI, Agar d’AlbertMemmi, Op.-cit .p.35.

23 Tariq RAMADAN, L’autre en nous. Pour une philosophie du pluralisme, Paris : Presses du Châtelet, 2009, p.250.

24 Claude LÉVI-STRAUSS, Race et histoire, Op.-cit . p.70.

25 Image de l'étrangère unions mixtes franco-maghrébines, Op.-cit .p. 167.

26 Jean DÉJEUX, Image de l'étrangère unions mixtes franco-maghrébines, Op.-cit .p.167.

27 Afifa MARZOUKI, Agar d'Albert Memmi, Op.-cit .p.35.

28 Tariq RAMADAN, L'autre en nous. Pour une philosophie du pluralisme, Paris : Presses du Châtelet, 2009, p.250.

29 Claude LÉVI-STRAUSS, Race et histoire, Op.-cit. p.70.

30 Julia KRISTEVA, Étrangers â nous-memes, Op.-cit ., p.18.

31 Ibid.

32 Lahsen BOUGDAL, Voix etplumes du Maghreb, Op.-cit ., p.109.

33 Julia KRISTEVA, Étrangers a nous-mèmes, Op.-cit., p.12.

34 Lahsen BOUGDAL, Voix etplumes du Maghreb Op.-cit ., p.111.

35 Afifa MARZOUKI, Agar d’AlbertMemmi Op.-cit., p.35.

36 Tariq RAMADAN, L’autre en nous. Pour unephilosophie dupluralisme, Op.-cit., p.269.

37 Paul RICOEUR, Soi-mème comme un autre, Paris, Seuil, mars 1990, p31.

38 Ibid., p.212.

39 Bei'da CHIKHI, Maghreb en Textes : Écriture, histoire, savoirs et symbolisme, Paris, L'Harmattan, 1996, p.161.

40 Jean BELLEMIN-NOEL, Psychanalyse et littérature, Presses Universitaires de France, Édition Que sais-je ?, 1978, p.105.

41 Jean BELLEMIN-NOEL, Vers l'Inconscient du Texte, paris, PUF, coll. Presses Universitaires de France, 1979, p.29.

42 Beida CHIKHI, Maghreb en Textes : Écriture, histoire, savoirs et symbolisme, Op. cit. p. 161.

43 Gérard GENETTE, Figures 2, Paris, Le Seuil, 1969, p.22.

44 Charles BONN, Yves Baumstimler, Psychanalyse et Texte Littéraire au Maghreb, Paris, L'Harmattan, 1992, p.12.

45 Beida CHIKHI, Maghreb en Textes : Écriture, histoire, savoirs et symbolisme, Op. cit. p.162.

46 Jean dEjEUX, Image de l'Étrangère UnionsMixtes Franco-Maghrébines, Op. cit. p. 64.

47 Trouble dissociatif de l'identité : concept psychologique qui signifie un trouble de la personnalité multiple.

48 Jacques-Alain MILLER , Jacques Lacan Le Séminaire livre VI Le Désir et Son Interprétation, Éditions de La Matinière et Le Champ Freudien Éditeur, juin 2013, p. 11.

49 Ibid., p.18.

50 Sigmund FREUD, Introduction a La Psychanalyse, Bierut. Liban, Editions La Symphonie, p.292.

51 Jacques- Alain MILLER , Jacques Lacan Le Séminaire livre VILe Désir et Son Interprétation, Op. cit, p. 28.

52 Carl Gustav JUNG, Essai d'Exploration de l'Inconscient, Éditions Robert Laffont, 1964, p.159.

53 Sigmund FREUD , L’Inconscient, Paris, Éditions Payot & Rivages, 2013, p. 45.

54 Margaret S. MAHLER, Fred PINE, Anni BERGMAN, La Naissance Psychologique de l’Étre Humain, Paris, Éditions Payot & Rivages, 2010, p. 20.

55 Sigmund FREUD , L ’inconscient, Op. cit, p.70.

56 Bei'da CHIKHI, Maghreb en Textes : Écriture, histoire, savoirs et symbolisme, Op. cit., p. 9.

57 Nadia CHAFIK, Filles du Vent, Éditions L'Harmattan, 1995, p. 87.

58 Pierre BOURDIEU, La Domination Masculine, Éditions du Seuil, 1998, p. 91.

59 Jacques- Alain MILLER , Jacques Lacan Le Séminaire livre VILe Désir et Son Interprétation, Op. cit., p. 28.

60 Bei'da CHIKHI, Maghreb en Textes : Écriture, histoire, savoirs et symbolisme, Op. cit., p. 123.

61 Pierre BOURDIEU, La Domination Masculine, Op. cit., p.47.

Fin de l'extrait de 77 pages

Résumé des informations

Titre
Figure de l’étrangère dans "Agar" d’Albert Memmi et "À l’ombre de Jugurtha" de Nadia Chafik
Note
14/20
Auteur
Année
2018
Pages
77
N° de catalogue
V474969
ISBN (ebook)
9783668957862
ISBN (Livre)
9783668957879
Langue
français
Mots clés
figure, agar, memmi, jugurtha, nadia, chafik
Citation du texte
Ahmed Lahyani (Auteur), 2018, Figure de l’étrangère dans "Agar" d’Albert Memmi et "À l’ombre de Jugurtha" de Nadia Chafik, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/474969

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