Éthique et phénoménologie. Essai d'une approche éthique à partir de la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty


Mémoire de Maîtrise, 2018

101 Pages, Note: 17/20


Extrait


TABLE DES MATIERES

DEDICACE

REMERCIEMENTS

INTRODUCTION GENERALE

CHAPITRE I :
LE COURANT PHENOMENOLOGIQUE DE HUSSERL A MERLEAU-PONTY
INTRODUCTION
I. EVOLUTION DIACHRONIQUE DU COURANT PHENOMENOLOGIQUE AVANT MERLEAU-PONTY
I.1. Husserl comme promoteur de la phénoménologie contemporaine
I.2. De la phénoménologie à l’ontologie chez Martin Heidegger
I.3. De la phénoménologie à l’existentialisme chez Jean-Paul Sartre
II. PERCEPTION COMME FONDEMENT DE LA PHENOMENOLOGIE MERLEAU- PONTIENNE
II.1. La « Réflexion radicale » ou « phénoménologie de la phénoménologie »
II.2. Philosophie existentielle et humaniste
II.3. Rapport du sujet au monde
III. RUPTURE PHENOMENOLOGIQUE ENTRE EDMUND HUSSERL ET MAURICE MERLEAU-PONTY
III.1. Démarcation de la réduction phénoménologique et eidétique
III.2. Rejet du moi transcendantal
III.3. Critique merleau-pontienne de « l’intentionnalité propre »
CONCLUSION

CHAPITRE II:
EXIGENCES ETHIQUES A PARTIR DE LA PHENOMENOLOGIE MERLEAU- PONTIENNE
INTRODUCTION
I. LA PERCEPTION DANS LA PHENOMENOLOGIE DE MERLEAU-PONTY
I.1. Rejet des Préjugés classiques autour de la perception
I.2. La question du corps
I.3. Analyse de l’acte perceptif chez Maurice Merleau-Ponty
II. MERLEAU-PONTY ET LA QUESTION D’INTERSUBJECTIVITE
II.1. La pensée objective et le problème de faire l’expérience d’autrui
II.2. Conscience incarnée et corps propre comme modalité de reconnaissance et d’expérience de l’altérité
II.3. Monde naturel et social comme transcendance et lieu d’échange avec autrui
III. PHENOMENOLOGIE MERLEAU-PONTIENNE ET ETHIQUE
III.1. Cogito corporel en situation dans le monde
III.2. Corporéité (corps propre chez Merleau-Ponty) et normativité
III.3. Implications éthiques de l’intersubjectivité merleau-pontiennes
CONCLUSION

CHAPITRE 3 :
PHENOMENOLOGIE DE MERLEAU-PONTY ET POSTERITE PHILOSOPHIQUE
INTRODUCTION
I. PHENOMENOLOGIE MERLEAU-PONTIENNE ET ENJEUX SOULEVES
I.1. Perception et opérationnalité du discours scientifique
I.2. Perception comme fondement axiologique et normatif
I.3. Vision comme mode de saisie de l’invisible dans l’art
II. PERCEPTION MERLEAU-PONTIENNE ET DEFI D’UNE METHODE UNIVERSELLE
II.1. Paradoxe de l’intellectualisme de la phénoménologie merleau-pontienne
II.2. Retour paradoxal à l’idéalisme récusé chez Husserl comme limite du Merleau- pontisme
II.3. Défi d’universalisation de la perception chez Merleau-Ponty
III. PERSPECTIVES ET ACTUALISATIONS DE LA PHENOMENOLOGIE DE MERLEAU-PONTY
III.1. Réhabilitation ontologique du sensible
III.2. Education/construction de la perception
III.3. Phénoménologie merleau-pontienne et approche triadique de Pierre Meinrad Hegba
CONCLUSION

CONCLUSION GENERALE

BIBLIOGRAPHIE

TABLE DES MATIERES

DEDICACE

A toute la Grande Famille Claretaine qui nous a donné de nous retrouver du bon côté de l’histoire.

REMERCIEMENTS

La rédaction de ce mémoire de fin de cycle n’aurait eu lieu sans l’apport de certaines personnes. Nous voulons de manière spéciale remercier Dr Kondjo BROSSALA DIDDY, qui malgré ses multiples sollicitations, a bien voulu diriger ce travail. Il s’est toujours montré disponible, patient et ouvert à notre endroit, une qualité qui n’a point manqué de nous édifier. Nos remerciements vont également à l’endroit de tout le corps enseignant et administratif, particulièrement celui de la Faculté de Philosophie de L’Université Catholique d’Afrique Centrale.

Nous exprimons également notre profonde gratitude au Très Révérend Père Michel Archange TIGUI, Cmf, Supérieur Majeur de la Délégation Indépendante des Missionnaires Claretains au Cameroun et à tout son conseil, pour le choix de cette expérience philosophique opérée à notre endroit. Nous n’oublions pas nos formateurs du Philosophât « Martyrs de Barbastro » de Nkolbisson, les Pères Jude LANGEH, Cmf, Théophile Parfait YENE, Cmf, Frédéric KPOUMIE Cmf, et Octave SOH FONKOU, Cmf .

A cette liste s’ajoutent nos confrères, camarades, amis ainsi que la famille qui tiennent une place spéciale dans notre vie; de façon très singulière, nos remerciements à notre très chère mère Virginie Edwige EYENGA MEKONGO.

À tous et à chacun, Merci !

INTRODUCTION GENERALE

En scrutant l’itinéraire philosophique de Maurice Merleau-Ponty (1908 – 1961), nous y découvrons des signes d’une nouvelle idée de la philosophie.1 Pour notre auteur, « tout change lorsqu’une philosophie phénoménologique ou existentielle se donne pour tâche, non pas d’expliquer le monde ou d’en découvrir “ les conditions de possibilité ” mais de formuler une expérience du monde, un contact avec le monde que précède toute pensée sur le monde ».2 Cela revient à chercher l’essence du monde, non pas dans ce qu’elle est en idée, une fois que nous l’avons réduit en thème de discours, mais de la saisir dans ce qu’elle est avant toute thématisation.3

L’entreprise phénoménologique de Merleau-Ponty se considère comme « révélation du monde en tant qu’elle repose ou encore se fonde sur elle-même ; et en cela, toutes les connaissances s’appuient sur un « sol » de postulats et finalement sur notre communication avec le monde comme premier établissement de la rationalité ».4 La philosophie apparait alors ici comme une réflexion radicale, en ceci qu’elle adresse à elle-même l’interrogation qu’elle soumet à toutes les autres connaissances. La démarche phénoménologique sera comme le dit Husserl, un dialogue ou une méditation infinie. 5 Autrement dit, cet effort de retrouver ce contact naïf avec le monde pour lui conférer un statut philosophique. C’est-à-dire l’ambition d’une philosophie d’être non seulement une science exacte, mais un compte-rendu spatio- temporel du monde vécu.6

Dans l’avant-propos de Phénoménologie de la perception, Maurice Merleau-Ponty définie précisément la phénoménologie comme « l'étude des essences, et tous les problèmes, selon elle, reviennent à définir des essences: l'essence de la perception, l'essence de la conscience, par exemple. Mais la phénoménologie, c'est aussi une philosophie qui replace les essences dans l'existence et ne pense pas qu'on puisse comprendre l'homme et le monde autrement qu'à partir de leur "facticité" ».7 Il s’agit d’une philosophie transcendantale qui met entre parenthèse les attitudes naturelles pour mieux les comprendre. C’est également l’essai d’une description directe de notre expérience telle qu’elle est.8 Dans l’ouvrage de 1945, notre auteur développe l’essentiel de sa conception de la perception. Conçue de façon générique comme la «connaissance que le moi possède de ses états et de ses actes par la conscience »,9 la perception est appréhendée par notre penseur comme la manière dont les choses apparaissent à notre conscience. Notre philosophe y soutien la thèse selon laquelle, l’Homme en situation est dans un monde déjà existant, un monde qui ne se re-construit pas. Le philosophe se doit de décrire la somme des expériences du monde, expérience qui provient de la dimension intersubjective.

La perception est la voie par laquelle l'homme s'ouvre au monde et le monde se donne à lui par elle. Elle est le point de départ de toute entreprise de connaissance, la médiation entre le sujet et l’objet, l’ouverture de l’homme sur le monde. Elle est une opération intuitive et synthétique qui conduit le sujet percevant à la structure globale. Elle est également insertion et le vécu du corps dans le monde. C’est à travers le corps que se vit la perception. Pour notre auteur Merleau-Ponty, la perception est également le « […] sens de tous les sens, et sol de toutes les pensées […] ».10 Par conséquent, elle « fonde tout parce qu’elle nous enseigne, pour ainsi dire, un rapport obsessionnel avec l’être ».11 Il est alors question retrouver ce monde avant les sciences;12 non pas en se retirant de l’existence pour une conscience pure, mais en prenant conscience de notre rapport au monde, en conférant à ce dernier une dimension transcendantale. Merleau-Ponty élabore une théorie générale de la perception telle qu'elle se réalise dans toutes les branches du savoir.

La corporéité se révèle pour Merleau-Ponty comme le moyen favorable pour vivre le phénomène de perception, car nous « sommes au monde par notre corps, … nous percevons le monde avec notre corps »,13 et « si l’on perçoit avec son corps, le corps est un moi naturel et comme le sujet de la perception ».14 L’acte perceptif apparait alors chez notre auteur comme le domaine privilégié où doit se vivre la phénoménologie. Ce qui le conduit à conférer à cette dernière un certain primat en tant qu’elle constitue le point génésique de tout savoir. Et Xavier Tilliete, en introduisant son commentaire de la Phénoménologie de la perception, affirme qu’avec Merleau-Ponty, « nous n’assistons plus à l’avènement des conduites perceptives, nous nous installons en elles pour y poursuivre l’analyse de cette singulière relation entre le sujet, son corps et son monde ».15 Il est alors question de prendre conscience de notre rapport au monde, de notre place et notre action dans celui-ci. Notre auteur fonde son interrogation de l’être à partir de l’existence. Pour lui, l’homme est en situation dans le monde ; et c’est dans celui-ci qu’il se réalise.

A travers les notions autour de la perception, Merleau-Ponty développe une philosophie existentialiste et humaniste en tant qu’il est avant tout question de « penser comme des vivants », 16 et par le fait même de s’imposer à l’existence au lieu de la subir. L’existence est désormais perçue comme un acte sur le monde, action par laquelle l’homme s’engage et se détermine; le sujet humain est donc maître de son destin, car il possède la liberté et la capacité de la forger. L’existence selon lui est incarnée.

Le problème que nous nous proposons de résoudre, est celui de l’élaboration d’un questionnement, bien plus d’un discours éthique à partir de la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty ; bien que ce dernier n’ait véritablement pas eu à systématisé une approche éthique dans sa phénoménologie. S’inscrivant dans cette perspective et cherchant à satisfaire les intérêts pratiques associés à notre thème de recherche, il importe de se poser les questions suivantes : Comment associer réflexion phénoménologique et éthique ? Plus précisément, comment Merleau-Ponty conçoit-il la phénoménologie ? À partir de quels points de sa phénoménologie envisagée une éthique ?

Partant de la vision générale de Merleau-Ponty selon laquelle, l’Homme en situation est dans un monde déjà existant, un monde qui ne se reconstruit pas, le philosophe se doit de décrire la somme des expériences du monde ; expériences qui proviennent de la dimension intersubjective. S’il est donc vrai que notre appréhension du monde dépend de la conception des choses ; il est par conséquent impératif de se recentrer sur la perception proprement dite, en précisant son déploiement, ainsi que son utilité pour notre réflexion, car le philosophe apprend à connaitre, au contact de la perception. Il est question d’un rapport à l’être qui rend nécessaire et possible une nouvelle analyse de l’entendement et du jugement.17

Dans le cadre de ce travail, nous voulons au moyen de la phénoménologie de Merleau- Ponty, mener notre réflexion sur l’éthique en tant que discipline distincte de la morale. Dans ce sens, elle est comme le souligne Paul Ricœur, une pratique qui s’incarne dans l’exercice du jugement pratique, par opposition à la morale et à d’autres formes de régulation sociales qui seront associées à des prescriptions comportementales s’incarnant très souvent dans des écrits, des normes, et des prescriptions de toutes sortes.18

L’éthique est ramenée ici à une action réflexive dans le respect des valeurs ; c’est-à- dire, une capacité à délibérer de manière autonome sans peur de sanctions. Elle est également une capacité d’analyse critique des situations singulières qui disposeraient le sujet moral à agir selon les valeurs et les situations. Autrement dit, une capacité à délibérer et à agir selon une disposition normative visant à encadrer les bonnes pratiques et corriger les dysfonctionnements.19

La problématique posée ici donne à investiguer sur le lien, le rapport entre phénoménologie et éthique. Il est non seulement question de présenter la pertinence de l’interdisciplinarité en philosophie, mais aussi d’exprimer toute la dimension pratique de l’entreprise phénoménologique jusqu’ici considérée comme trop abstraite depuis Husserl. Envisager le développement d’une telle réflexion suppose nécessairement de considérer les éléments qui tournent autour du phénomène de la perception en tant qu’il constitue le centre de la phénoménologie de Merleau-Ponty.

La perception étant pour notre auteur « ce qui m’initie à une extériorité réelle »,20 il nous revient désormais de fonder notre approche éthique sur la dimension d’ouverture du cogito au monde. Une telle perspective « égologique » nécessite de revenir sur les notions fondamentales qui déterminent l’étude phénoménologique de la perception. Ce qui donne à apprécier la pertinence, mieux, la place fondamentale de la perception dans la réflexion éthique.

Mener à bien cette entreprise suppose de faire une lecture actualisée de la pensée de notre auteur en posant une analyse profonde de sa phénoménologie. A cet effet, la Méthode appropriée pour cette entreprise sera la démarche analytico-herméneutique ; il s’agira au préalable de bien saisir la réflexion du philosophe français pour tenter d’envisager quelques orientations. En effet, l’intérêt de cette étude se pose principalement au niveau de sa contribution, tant sur le plan méthodologique qu’éthique ; et dans un cas spécifiquement philosophique en tant qu’elle concourt à démontrer la connexité et l’unité des domaines philosophiques.

Les réflexions qui seront menées dans ce mémoire pourront permettre de renforcer la démarche méthodologique de l’éthique. En outre, l’on pourra mieux reconsidérer la pertinence de la perception dans les relations du sujet avec la culture et autrui et l’intérêt de la perception dans l’entreprise philosophique. Ainsi sera-t-il possible, à travers les perspectives soulevées par la réflexion merleau-pontienne, d’envisager des pistes nouvelles pour la philosophie. Partant de la problématique et des différents arguments qui seront élaborés dans le cadre de la présente étude, il importe de circonscrire notre action en trois principales articulations.

Dans le premier chapitre, il sera question de présenter l’évolution du courant phénoménologique d’Edmund Husserl à Maurice Merleau-Ponty, sans négliger les enjeux soulevés ici, notamment les différentes influences subies par l’auteur. Ce qui nous conduira à structurer notre réflexion en trois grands moments. En parlant précisément de la présentation de l’évolution diachronique de la phénoménologie jusqu’à l’entrée en scène de Maurice Merleau-Ponty dans le premier moment. Le second mouvement de ce chapitre sera centré sur l’aperçu général de la phénoménologie merleau-pontienne. Et le troisième point quant à lui consistera au développement des points de rupture entre notre penseur Merleau-Ponty et son ascendant Husserl.

Le second chapitre du travail, en accueillant les conclusions du premier chapitre sur la philosophie existentialiste, sur la primauté de la perception développée par notre auteur, consistera en la tentative d’envisager, mieux d’élaborer un discours éthique à partir de la phénoménologie merleau-pontienne, autrement dit d’examiner à partir de quoi établir un rapport entre phénoménologie été éthique, et de façon plus précise, lier phénoménologie chez Merleau-Ponty et éthique. Pour y parvenir, il sera question d’étudier en premier point, le phénomène de la perception tel que développée chez Merleau-Ponty. La seconde articulation de ce chapitre se focalisera sur la question de l’intersubjectivité telle que développé par notre phénoménologue. En troisième point de ce travail, nous tenterons enfin d’élaborer une approche éthique au gré des éléments phénoménologiques de Merleau-Ponty.

Le troisième chapitre quant à lui portera sur l’intérêt de la phénoménologie de Merleau-Ponty pour la postérité philosophique. Ce qui nous vaudra d’articuler notre travail en trois mouvements. Nous commencerons d’abord par relever les différents enjeux soulevés dans la réflexion de notre philosophe ; puis nous soulèverons les défis auxquels cette pensée fait face aujourd'hui, en passant par les contradictions susceptibles d'etre decelees dans sa pensee phenomenologique. Et enfin, nous mimerons une actualisation, bien plus, nous tenterons de formuler quelques perspectives suscitees par !'analyse de Ia reflexion phenomenologique de !'auteur fran9ais.

CHAPITRE I : LE COURANT PHENOMENOLOGIQUE DE HUSSERL A MERLEAU-PONTY

INTRODUCTION

L’objectif assigné à ce chapitre est celui de la présentation de l’évolution du courant phénoménologique d’Edmund Husserl à Maurice Merleau-Ponty. Nous y parlerons de la genèse et de l’évolution du courant phénoménologique d’une part, et d’autre part, des différentes influences subies par Merleau-Ponty, en tant que sa philosophie ne constitue pas une croissance spontanée, mais s’inscrit dans une ligne de pensée amorcée par l’allemand Edmund Husserl. Ce qui nous conduira à structurer notre réflexion en trois principaux moments.

Dans la première partie, nous développerons l’évolution diachronique de la phénoménologie jusqu’à l’entrée en scène de Maurice Merleau-Ponty. Nous insisterons principalement sur l’enchainement des idées entre les auteurs, en mettant en exergue le passage de la phénoménologie husserlienne à l’ontophénoménologie de Heidegger, puis à l’entrée en scène de l’existentialisme de Jean-Paul Sartre partie des notions Heideggériennes de Dasein et d’être-dans-le monde.

A partir des éléments phénoménologiques exposés dans la première articulation, il sera question de poser dans le second mouvement de ce chapitre, une vue panoramique de la phénoménologie merleau-pontienne. Ainsi mettrons-nous en exergue chez notre auteur, les points de la réflexion radicale ou « phénoménologie de la phénoménologie », la tendance existentialiste et humaniste que revêt sa philosophie, sans oublier sa conception du rapport du sujet au monde.

Le troisième point consistera au développement des points de rupture entre notre penseur Merleau-Ponty et son ascendant Husserl. Nous nous accentuerons principalement sur trois points, notamment la démarcation que Merleau-Ponty opère de la réduction phénoménologique et eidétique, son rejet du moi transcendantal de Husserl, ainsi que sa critique de l’intentionnalité propre établie par Husserl.

I. EVOLUTION DIACHRONIQUE DU COURANT PHENOMENOLOGIQUE AVANT MERLEAU-PONTY

La phénoménologie se définit comme la théorie des apparences (φαινόμενα)21 ou de la conscience. Elle a pour objet l’expérience subjective qui se décrit généralement à la première personne. André Lalande la définit tantôt comme « une étude descriptive d’un ensemble de phénomènes, tels qu’ils se manifestent dans le temps ou l’espace, par opposition soit aux lois abstraites et fixes de ces phénomènes ; soit à des réalités transcendantes dont ils seraient la manifestation ; soit à la critique normative de leur légitimité. », ou simplement comme l’ensemble de doctrines qui se rapportent à la philosophie de Husserl.22

Le terme « phénoménologie » aurait été introduit en philosophie par le théologien allemand Friedrich Christoph Oetinger (1702 – 1782), puis par le philosophe – mathématicien suisse Johan Heinrich Lambert (1728 – 1777)23 lorsqu’il attribuait un nom à la 4ème Partie de son ouvrage Neues organon en 1764.24 Pour Lambert, « la phénoménologie est la théorie de l’apparence et de son influence sur la rectitude ou la non-rectitude de la connaissance humaine». 25 Il est question ici d’étudier l’apparence sensible en tant qu’elle peut induire l’entendement à l’erreur. Pour lui, la sensibilité produit des illusions et constitue par conséquent une source d’erreur.

La notion de « phénoménologie » va très vite être employée, quoi que se rattachant presque toujours à son étymologie grec (phainómenon, « ce qui apparaît » ; et lógos, « discours ») 26. Dans sa correspondance à Lambert, Emmanuel Kant (1724 – 1804) s’approprie l’expression. Pour lui, la métaphysique doit être précédée par la « phaenomologia generalis », dont la fonction serait de clarifier les lois de l’expérience sensible afin d’éviter que celles-ci créent une confusion dans les jugements de la raison pure.27

Dans Metaphysische Anfangsgründe der Naturwissenschaft, Kant conçoit la phénoménologie comme une propédeutique à toute métaphysique future. A sa suite, Hegel emploiera la notion de phénoménologie en développant sa « phénoménologie de l’esprit », c’est-à-dire, « l’histoire des étapes successives, des approximations et des oppositions par lesquelles l’Esprit s’élève de la sensation individuelle jusqu’à la raison universelle ».28 Ce n’est qu’avec Edmund Husserl que le terme phénoménologie sera véritablement systématisé et promu tel que nous le connaissons aujourd’hui. La phénoménologie constitue alors l’étude des vécus de pensées, de connaissances, des structures de la conscience pure, du moi transcendantal.

La tradition philosophique reconnait Edmund Husserl comme le fondateur de la phénoménologie. Il est certainement celui dont le nom est aujourd’hui le plus associé à l’idée de phénoménologie. Il n’a pas seulement réalisé une œuvre d’une ampleur et d’une richesse inépuisables, comme l’affirme Denis Seron. Il est également considéré comme le promoteur du grand mouvement phénoménologique, qui après lui prendra diverses directions toutes aussi originales les unes que les autres.29

La phénoménologie entre avec Husserl dans une ère nouvelle. Outrepassant grandement les frontières des philosophies de l’esprit, la phénoménologie apparait désormais comme une méthode féconde pour le traitement de problèmes philosophiques relevant, entre autres, de l’épistémologie, de la logique, de la mathématique, de la métaphysique et de l’éthique.30 Ainsi, aborder l’évolution du courant phénoménologique depuis Husserl suppose non seulement de mettre en exergue les fondamentaux de son approche, mais aussi de présenter chronologiquement sa postérité en développant tour à tour la phénoménologie de Heidegger, celle de Jean-Paul Sartre, pour mieux introduire Merleau-Ponty qui leur succède directement.

I.1. Husserl comme promoteur de la phénoménologie contemporaine

Historiquement située entre la fin du XIX ème Siècle et le début du XX ème Siècle, la philosophie de Husserl est contemporaine d’une période fortement marquée par la crise du subjectivisme et de l’irrationalisme.31 C’est contre le psychologisme, contre le pragmatisme que la phénoménologie s’est développée. Edmund Husserl (1859 – 1938) nait à Prostznitz en Moravie d’une famille juive libérale et s’engage dans les études scientifiques à Berlin, puis à Vienne. Mathématicien de formation, Husserl soutient un doctorat sur le concept de nombre en 1883. Son intérêt va dès lors s’orienter vers des questions se rapportant à la logique. En 1884 il se procure l’ouvrage de Hegel. Par ailleurs, il se met à l’école de Frantz Brentano en étudiant l’empirisme de David Hume. De là, il développe progressivement un grand intérêt pour la psychologie et la philosophie. C’est sous l’influence de Brentano qu’il va développer la notion d’intentionnalité.32

L’intentionnalité est cette opération qui porte la conscience vers son objet, lequel dès lors advient littéralement comme sens pour elle. La conscience est toujours conscience de quelque chose, c’est-à-dire toujours conscience intentionnelle. 33 Toute conscience est conscience de quelque chose, ce qui signifie que la conscience est ouverte sur autre chose qu’elle-même en se pénétrant de cet autre.34

Husserl publie les Recherches logiques (1900-1901), qui sont généralement considérées comme l’acte de naissance de sa phénoménologie.35 Il y pose les bases de sa philosophie qu’il identifie à la psychologie descriptive de Brentano.36 L’entreprise philosophique de Husserl se résume alors par le « retour aux choses mêmes ». En effet, dans les Méditations cartésiennes, Husserl partira des réflexions de René Descartes pour développer sa philosophie. Parmi les traits qui leur sont communs, l’on retrouve avant tout une intention de « radicalisme » philosophique, c’est-à-dire l’ambition de constituer une philosophie qui soit une science, au sens le plus fort du mot, en la fondant sur des principes absolument indubitables.37

Le projet philosophique de Husserl est de conférer à la philosophie un caractère rigoureux et scientifique. Selon lui, la voie royale pour cette entreprise est la phénoménologie. Yvon Belaval l’explicite davantage en ces propos : « grâce à la phénoménologie, Husserl a eu l’intention de donner à la philosophie contemporaine un statut de scientificité absolu (apodictique) qui ferait d’elle l’œuvre, non d’un individu, mais d’une communauté de chercheurs, ayant pour but d’appliquer le même type d’analyse à tous les domaines de la connaissance et de la vie ».38

32 Laurence Hansen-Løve, Edmund Husserl, La crise de l’humanité européenne et la philosophie, Introduction, commentaire et traduction par Nathalie Depraz , Edition numérique : Pierre Hidalgo, La Gaya Scienza, 2012, p.7.

Parler de la philosophie en tant que science, suppose pour Husserl, qu’elle ne doit rien admettre qui ne soit fondé sur une évidence apodictique. En effet, la première prétention de Husserl est de séparer radicalement la logique de la psychologie. Paradoxalement, en voulant fonder la logique, il se retrouve en train de recourir à la psychologie.39 Dans Philosophie der Arithmetik, Husserl est habité par le problème des fondements. Il s’agit d’opérer un retour aux sources. En fait, « revenir aux choses mêmes, c’est revenir à ce monde avant la connaissance dont la connaissance parle toujours, et à l’égard duquel toute détermination est abstraite, significative et dépendante […]».40

Edmund Husserl va s’interroger sur les fondements des mathématiques, ce qui le conduira à la logique, à l’épistémologie, à l’ontologie et à la philosophie de l’histoire. Il s’agit pour lui d’analyser l’intention de la conscience. Il se rendra compte que les sciences, en dépit de leurs résultats approximatifs, tendent vers une objectivité absolue. En tant que tel, ce qui est le plus à considérer n’est pas les résultats, mais plutôt l’idée d’objectivité absolue, autrement dit l’intention de la conscience, l’intentionnalité.41 C’est ce qui aboutira à la double préoccupation de la phénoménologie : tension vers un fondement objectif absolu et analyse de la subjectivité de la conscience ou de l’intentionnalité.42

Les réflexions de Husserl sont contemporaines d’une époque où la psychologie est en grande expansion. D’après Husserl, la psychologie n’est pas très apte à parler de la vie de conscience comme la philosophie.43 C’est pourquoi il va élaborer une approche nouvelle dans le sens d’une analyse de la conscience où il ne sera plus question d’une étude psychologique, mais philosophique. Et cela se fera par le biais de la phénoménologie.44

Husserl s’intéresse non pas à la conscience psychologique, mais à celle transcendantale. Il le fait par l’opération de la réduction phénoménologique. La phénoménologie est alors une analyse transcendantale, car elle étudie le Moi pur, c’est-à-dire le Je transcendantal. D’après Roger Verneaux, « la démarche caractéristique de Husserl, celle qu’il présente comme le porche de sa doctrine est la réduction phénoménologique transcendantale ».45

La réduction phénoménologique de Husserl est très proche du doute méthodique de Descartes car elle suspend toute connaissance. Elle a également pour rôle de révéler le Je pur ou la subjectivité transcendantale comme une espèce de résidu jouissant d’une évidence apodictique. Au-delà des ressemblances de la réduction husserlienne avec le doute cartésien, il existe entre eux quelques dissemblances en ceci que la réduction husserlienne est plus radicale que le doute cartésien. Ici, la conscience n’est pas un contenant.

La mise entre parenthèse ou réduction husserlienne ne signifie pas mettre en doute ou éliminer comme dans le doute cartésien, mais plutôt faire apparaitre cette liaison intentionnelle essentielle entre la conscience et le monde, relation qui reste voilée dans l’attitude naturelle. Pour Thévénaz, « la réduction conduit donc simultanément à l’évidence apodictique du je (au cogito, à la conscience de soi) et au monde-phénomène intentionné par cette conscience transcendantale, et surtout à leur liaison absolument fondamentale et indissoluble (intentionnalité de la conscience transcendantale) ».46

La réduction ne fait pas apparaitre le cogito tout seul, mais l’ego-cogito-cogitatum, c’est-à-dire le Moi pensant en compagnie ou en prise avec le monde pensé. De façon récapitulative, au-delà de faire de la philosophie une science rigoureuse, le fil conducteur de la phénoménologie de Husserl sera la question des fondements par le retour aux choses- mêmes ; et c’est certainement ce retour aux fondements qui conduira son élève et successeur Martin Heidegger à développer une ontophénoménologie.

La phénoménologie avec Heidegger sera convertie à l’ontologie, car « […] le phénomène chez Husserl ne s’oppose pas à l’être […]. D’ailleurs si la préoccupation centrale de la phénoménologie de Husserl est la recherche du fondement radical et premier de toute connaissance et si Husserl a poussé cette recherche dans un sens transcendantal, il est clair que cette philosophie appelle une théorie générale de l’être, une ontologie ».47 C’est dans cette perspective que s’engagera son disciple Heidegger, en donnant une orientation ontologique à la phénoménologie.

I.2. De la phénoménologie à l’ontologie chez Martin Heidegger

En effet, « Heidegger est celui qui, au sortir de la phénoménologie de Husserl, s’est porté phénoménologiquement au cœur de la question de l’être comme question du sens de l’être».48 En effet, Heidegger prend comme point de départ la préoccupation centrale de la phénoménologie husserlienne, c’est-à-dire la recherche du fondement radical et premier de toute chose. Il s’agit alors de percer l’être de toute chose, et d’étudier son dévoilement. Ce qui, aux antipodes de Husserl, donnera lieu non seulement à une reconsidération de la thématique sur l’être, mais aussi à une approche nouvelle et différente du transcendantalisme; alors la phénoménologie heideggérienne se convertira progressivement en ontologie.

Avec Heidegger, le questionnement de ce qui est donne lieu à celui du sens de l’être. Ce qui pose en filigrane la problématique de la vérité de l’être. Roger Verneaux dit à cet effet que « Sens de l’Etre et vérité de l’Être disent la même chose ».49 Dans Sein ou Zeit, Heidegger s’assigne la mission d’élaborer une pensée orientée vers la vérité. Il s’agit en tout et pour tout de se focaliser sur le sens de l’être, en d’autres termes sur sa vérité.50 Si chez Heidegger, la vérité est Aléthèia,51 c’est-à-dire dévoilement de ce qui est caché, ou décèlement, alors la vérité équivaut au surgissement à l’existence.

L’Homme est un être jeté à l’existence, autrement dit un étant. Il est le moyen par lequel l’être se dévoile à l’existence. A cet effet, Roger Verneaux affirme que « cela ne signifie pas évidemment que l’homme crée arbitrairement le sens de l’Etre, mais qu’il se tient ouvert à l’Etre … l’homme par son projet, révèle l’étant comme il est ».52 Martin Heidegger propose alors quelques pistes pour la compréhension de l’Etre (les existentiaux), notamment le temps, l’angoisse, l’Etre lui-même, l’Homme. Le temps « est l’horizon de toute compréhension de la vérité de l’Etre ».53 Puisque l’homme est le-là de l’Etre, et que son existence est temporalité, toute pensée de l’Etre est par conséquent historique. C’est dire que l’Etre se manifeste dans l’histoire ; il est évènement. L’angoisse est une expérience métaphysique fondamentale dans la mesure où, elle nous ouvre à l’Etre par la peur du néantissement dans lequel est aperçu l’Etre. L’Etre lui-même constitue sa propre vérité. Car « la vérité de l’Etre est ce en quoi l’Etre déploie son essence lui-même, et est ainsi l’Etre lui-même ».54 Autrement dit, la vérité est dévoilement de l’Etre, et c’est l’Etre qui se dévoile, il apparaît clairement que l’Etre lui- même porte en lui sa propre vérité. L’homme est selon Heidegger, le - là de l’Etre, c’est-à- dire manifestation de ce dernier. L’Etre jette l’Homme à l’existence

La grande originalité du transcendantalisme chez Heidegger est d’avoir tenté de résoudre le problème du fondement sans recourir à la conscience. Il renonce à la perspective subjectiviste et trop idéaliste de son maître Husserl (l’Ego cogito) pour embrasser une démarche nouvelle : le Dasein. C’est à partir de ce dernier qu’on pourrait mieux saisir le fondement des choses. L’Homme est le berger de l’être, 55 C’est-à-dire que l’essence de l’homme c’est l’existence.

Le Dasein se traduit littéralement par l’expression « l’être-là » ; mais il se comprend mieux comme « la réalité humaine » ou alors « l’existence humaine » ;56 ceci nous ramène à l’Homme existentiel, par conséquent à une sorte d’anthropologie. Une meilleure compréhension de la notion de Dasein (l’être-là) nous est fournie par son découpage (Da= là et sein=l’être). Le-là n’exprime pas simplement l’existence ou alors un lieu, mais aussi ce qui rend l’existence possible. Le Da est le lieu de la monstration du phénomène. Il est question ici du dévoilement de l’Etre.

Les notions existence et Dasein sont intimement liées dans la doctrine heideggérienne, car l’une révèle et se comprend par l’autre. Martin Heidegger les conçoit respectivement comme le moyen factuel par lequel s’exprime l’être, et comme la thématisation, selon Alain Boutot, de l’homme que nous sommes à savoir « l’être qui comprend l’être ». 57 D’après Marlène Zarader, l’existence constitue la modalité par laquelle s’exprime l’être. 58 Si l’ambition philosophique de Sein und Zeit est de démontrer que « Etre veut dire temps »,59 c’est certainement parce que pour Heidegger, l’être s’exprime dans le temps.

Le concept Heideggérien de l’être-au-monde en est une belle illustration. L’être est temporalité, et l’existence constitue le moyen par lequel l’être se donne ; cette donation est une facticité perceptible à travers le Dasein. En cela, le Dasein constitue le surgissement de l’être à l’existence. A travers « l’analytique existentielle », Heidegger procède à l’analyse du Dasein, c’est-à-dire, au vécu de l’homme.60

I.3. De la phénoménologie à l’existentialisme chez Jean-Paul Sartre

D’après Françoise Dastur, Jean-Paul Sartre est un philosophe français. Il a étudié la philosophie à l’Ecole Normale Supérieure de Paris. En 1929, il obtient l’agrégation de philosophie. A la même époque, il rencontre Maurice Merleau-Ponty avec qui il cheminera intellectuellement, notamment dans le grand courant existentialiste. Il fera carrière en tant qu’enseignant de philosophie et écrivain. Il enseigne la philosophie au Lycée de Havre et n’est pas très étranger à la patrie allemande en raison de ses origines germaniques et de son enfance passée en ce pays. Entre 1933 et 1934 Sartre étudie la philosophie allemande à Berlin, spécialement celle de Husserl et de Heidegger. Il sera alors l’un des premiers philosophes français à découvrir les œuvres de ces deux philosophes dont il subira grandement l’influence.61

Tel que souligné en début de ce chapitre, le concept fondamental de la phénoménologie est celui d’intentionnalité. Or pour Sartre, dire que la conscience est intentionnelle, qu’elle est toujours conscience de quelque chose, c’est dire qu’elle est dirigée vers le dehors et non pas séparée de celui-ci comme une sphère close d’intériorité ; elle transcende, et dépasse les limites de l’intériorité pour s’ouvrir à l’extériorité du monde.62

A l’origine, la phénoménologie s’est constituée comme un « essentialisme », une réflexion sur les essences. Il s’agissait avec Edmund Husserl d’une réduction phénoménologique de l’existence. Mais avec Sartre, la phénoménologie connaitra un tournant tout à fait différent. Ainsi assistons-nous à une phénoménologie développée dans le sens de l’existentialisme. En effet, Sartre s’inspire du projet d’insertion de la conscience dans le monde mené par Husserl. S’il est vrai que l’intentionnalité conduit la conscience aux choses et au monde, il est de bon aloi d’envisager pleinement « l’être-au-monde ».63

Dans Transcendance de l’ego, Jean-Paul Sartre radicalise l’approche husserlienne de la conscience. Pour lui, le moi, ou l’ego est dans le monde, dans l’existence et non pas refugié dans la conscience. La conscience permet d’accéder au monde, et d’en être conscient. Sartre s’intéresse particulièrement à l’imagination développée chez Husserl; autrement dit, la conscience peut être dirigée vers quelque chose qui n’existe nulle part, quelque chose qui est en quelque sorte un néant qui n’est rien de réel. Il verra dans le pouvoir de l’imagination, la preuve de la liberté de l’homme.

Sartre attribue à la conscience une fonction irréalisante. Il s’agit d’une fonction qui permet à la conscience de se détacher de la réalité, bref de la nier, de la congédier pour faire autre chose. Pour lui, « être capable d’imagination est donc un être libre, libéré des contraintes de la réalité dont l’animal demeure prisonnier, lui qui ne connaît que le présent et ne peut ni se souvenir d’un lointain passé ni anticiper un avenir non immédiat ».64 Cette imagination est également développée dans l’art selon lui.

L’œuvre d’art n’est pas une chose réelle, mais irréelle, c’est-à-dire une image qui a seulement un support matériel (la toile dans le cas de la peinture, la page imprimée dans celui de la littérature et les sons dans celui de la musique). Ainsi lorsque nous contemplons par exemple un tableau, quand nous lisons un roman, ou lorsque nous écoutons une mélodie, nous communiquons directement avec une autre subjectivité par l’intermédiaire du support matériel. Tant que le tableau n’est pas contemplé par quelqu’un qui lui reconnaît un sens, il n’est qu’un objet matériel et non pas une œuvre d’art. Pour Sartre, le spectateur comme l’auditeur ou le lecteur est aussi important pour la constitution de l’œuvre d’art que l’artiste lui-même. A travers cela, il fonde une relation de dépendance à autrui.

La philosophie de Sartre est philosophie de l’existence ou encore d’existentialisme. L’existence constitue l’un des concepts fondamentaux de Sartre. Chez lui, l’existence est ce qui ne peut se réduire à une idéalité ou à une essence. Dans La Nausée, l’existence est définie comme une radicale contingence : « Exister, c’est être là, tout simplement ; les existants apparaissent, se laissent rencontrer mais on ne peut jamais les déduire ». 65 L’existence s’identifie donc en un premier sens à la phénoménalité, au fait pour les étants d’apparaître sans être produits par une essence préalable dont ils seraient la manifestation. Exister, c’est donc être de trop, ce qui vaut pour l’en-soi comme pour le pour-soi.

L’existence est à la fois transcendance, arrachement à l’en-soi ou à ce qui a déjà été vers un possible qui n’est pas encore, et facticité, au sens où le pour-soi ne choisit pas tout ce qu’il est mais s’inscrit dans le monde (par son corps, son passé, sa situation sociale...). L’existence implique ainsi à la fois la liberté et la reconnaissance de l’être-au-monde.66 Dans son ouvrage l’Etre et le néant, Jean-Paul Sartre distingue trois modalités de l’être. L’être en-soi, l’être pour-soi et l’être pour autrui.

L'être en soi désigne l’être massif et plein des choses, c’est-à-dire l'être transcendant à la conscience, tout ce que la conscience saisit comme ce qui n'est pas elle, c'est-à-dire le monde, qui n'est que ce qu'il est, et qui se définit par sa parfaite plénitude. C’est ce qu’il traduit en ces mots : « L'en-soi est plein de lui-même, et l'on ne saurait imaginer plénitude plus totale, adéquation plus parfaite du contenu au contenant : il n'y a pas de moindre vide dans l'être, la moindre fissure par où se pourrait glisser le néant ».67 C'est l'être qui adhère à soi dans sa présence irréductible ; l'en-soi est opaque alors que la conscience est transparente ; le passé, c'est ce qu'il y a en nous d'en-soi.68

Par ailleurs, emprunté dans le vocabulaire hégélien, l’en-soi renvoie chez Sartre à l’une des grandes catégories ontologiques. Il lui attribue la signification d’une interrogation phénoménologique de l’être. « La caractéristique fondamentale de l’en-soi, c’est donc sa positivité : l’en-soi est tout ce qu’il est, il ne peut même pas devenir, car cela impliquerait une certaine négativité, la possibilité pour lui de devenir autre que soi. Enfin, l’en-soi ne peut jamais être dérivé du possible (car pour qu’il y ait du possible, il faut qu’une conscience saisisse quelque chose comme pouvant être autrement qu’il n’est) ni ramené au nécessaire (qui concerne l’idéal et non l’existant).69

Le pour-soi est le mode d’être de la conscience. Il est question ici de la conscience ; il possède un caractère contingent. Cette contingence, ce manque d'être, créant de la souffrance, le sujet rêve d'une impossible synthèse : d'être « en-soi-pour-soi ». D’après Jean-Paul Sartre, le pour-soi se définit comme néant car il est manque de désir. 70 C’est ce qui définit ontologiquement la conscience. C’est le rapport à soi, « être de la conscience est un être pour lequel il est, dans son être, question de son être ».71

Toute conscience est en effet relation avec soi ou encore conscience de soi : c’est ce que signifie être pour soi. Mais cette relation de la conscience à soi suppose que celle-ci soit capable de prendre une certaine distance avec soi : si elle collait à soi, elle ne pourrait plus se rapporter à elle-même.72 Elle n’est soi qu’à condition de pouvoir se distinguer de soi, de n’être pas soi. Le pour-soi est « trou d’être »73 au milieu de l’en-soi. Ce qui ne signifie pas que la conscience ne soit pas, qu’elle ne soit qu’un pur et simple néant ; ce qu’elle est, elle aura toujours à l’être, son être ne lui sera jamais donné. La définition de la conscience comme pour-soi permet à Sartre de mener une véritable approche ontologique de la conscience.

L’être pour autrui constitue l’une des trois modalités de l’être chez Sartre. Il renvoie à l’être déterminé par le regard d’autrui. C’est le sujet humain tel que façonné par le regard de l’autre. Au contact d’autrui, le Moi subit des influences dans son comportement. Il est déterminé dans l’altérité. Le « pour-autrui » de Sartre reconnaît l’existence d’autrui, qui existe comme un sujet qui me transforme en objet. Autrui est pour moi « un système lié d’expériences hors d’atteinte dans lequel je figure comme un objet parmi les autres ».74 Les autres sont l’enfer de l’homme. Faisant de moi un objet, la présence d’autrui me fige, me prive de ma liberté, de mon existence. C’est pourquoi la relation existentielle à l’autre est toujours conflictuelle. La relation de sujet à sujet étant impossible, le conflit est l’essence des rapports entre consciences.

Pour Sartre, deux modes de relation à autrui sont possibles: soit utiliser autrui comme sujet pour fonder mon être, soit chercher à détruire autrui comme liberté. Dans le premier cas, je m’adresse à autrui en tant qu’il est un sujet : je cherche à le séduire sans sa transcendance, à obtenir de lui qu’il me veuille librement comme limitation de sa propre liberté; je cherche à me faire aimer de lui; s’il m’aime, il va me fonder comme une sorte d’absolu. Dans le second cas, autrui est sujet : je cherche à le saisir, à l’emprisonner dans sa facticité, dans son corps.75

Sartre s’engage à fonder sa conception de l’homme sur le rapport de la conscience au monde. En se détachant du monde, la conscience rejette hors d’elle-même les choses et le monde. Ici l’homme se définit non pas par une nature, par Dieu, mais, uniquement par ses entreprises dans le monde. Par ses actes, « l’homme est ce qu’il se fait ».76 L’anti-naturalisme que Sartre développe entraine un certain athéisme, car l’homme pour lui, n’a nullement besoin d’une force d’en Haut pour se façonner. Sartre procède ici à une réduction phénoménologique de Dieu et du monde tout entier. Cette réduction est très radicale, car à la différence de celle de Husserl, les réalités mises entre parenthèses le sont définitivement, et ne pourront plus jamais être consultées. Pour Sartre, Dieu, le monde et la nature ne sont plus le fondement de l’homme puisque ce dernier est lui-même le fruit de son déterminisme.

Il est par ailleurs important de préciser que l’athéisme dans le langage sartrien ne signifie pas absence de Dieu, mais non-lieu, ou alors comme il le dit : « l’existentialisme n’est pas tellement un athéisme au sens où il s’épuiserait à démontrer que Dieu n’existe pas. (…) même si Dieu existait, çà ne changerait rien »77. Les deux thèmes principaux de cet athéisme sont : l’absence de Dieu et la présence fascinante de ce même Dieu absent. Il s’agit là de l’incompétence de Dieu à intervenir dans la liberté du sujet humain. Sartre développe une sorte d’auto-déterminisme, autrement dit d’une forme d’existentialisme athée, où l’homme s’autodétermine dans son vécu, car il constitue un être libre au sens strict du terme.

La perspective phénoménologique de Sartre tournée vers l’existentialisme, constitue un préambule, mieux un prolégomène à la philosophie de Merleau-Ponty. Les deux français ont non seulement côtoyé le même contexte intellectuel, mais ont également travaillé ensemble. Jean-Paul Sartre libère Dieu de l’existence et condamne l’homme à la liberté. L’existentialisme humaniste de Sartre tient à ce postulat fondamental de la liberté sans concession. L’athéisme de Sartre est un athéisme de regret non sincère, avons-nous dit, c’est aussi un athéisme de la subjectivité où la liberté de l’homme dépasse toute situation concrète. Il n’y a pas de nature humaine faute de Dieu pour la concevoir. Pour cela, l’homme est sans excuses possibles. Sartre a supprimé Dieu le père pour que l’homme soit son propre créateur et l’inventeur des valeurs et du sens de son existence.

II. PERCEPTION COMME FONDEMENT DE LA PHENOMENOLOGIE MERLEAU-PONTIENNE

Merleau-Ponty étudie à l’Ecole Normale Supérieure pendant la même période que Jean- Paul Sartre avec qui il développera une grande amitié. Les pensées des deux philosophes entretiennent plusieurs similitudes, certainement parce qu’ils ont tous les deux fréquentés le même milieu intellectuel et partagé le même engagement politique en faveur des principes marxistes et communistes. Merleau-Ponty se lance dans une grande carrière d’enseignant. Il publie ses deux ouvrages fondamentaux Structure du comportement en 1945, et phénoménologie de la perception en 1945. Il fonde avec Sartre la revue des Temps modernes qu’ils animeront ensemble jusqu’à la rupture de leur amitié. Il va tour à tour enseigner à l’université de Lyon, à la Sorbonne et au Collège de France. Sa philosophie accorde une grande place au sensible, et se situe dans une forme d’existentialisme amorcée par Heidegger.

Pour lui, « (…) philosopher est découvrir le sens premier de l’être, on ne philosophe donc pas en quittant la situation humaine : il faut, au contraire, s’y enfoncer ».78

La phénoménologie merleau-pontienne est contemporaine d’une époque fortement influencée par la crise du Moi. Pour notre auteur, le champ perceptif est le contexte favorable pour la phénoménologie. En d’autres termes, la phénoménologie s’exprime par la perception. Elle est caractérisée par le primat de la perception. C’est toujours par la perception que les objets apparaissent pour une conscience.

C’est par le corps (corps propre) que se constitue la perception. Contrairement à Descartes qui pose une séparation entre le corps et l’esprit, pour Merleau-Ponty, la conscience est intrinsèquement liée au corps. Elle investit le monde qui lui est donné par le corps. Autrement dit, c’est par le corps que le juste humain entre en relation avec le monde. Le corps ici n’est point conçu comme une réalité simplement matérielle, une connexion de tissus organiques tels que présentée par la science, mais comme l’homme dans son unité, c’est-à- dire, un ensemble de significations vécues. Un corps qui réunit de façon inséparable matière et esprit ; il s’agit en fait d’une unité indissoluble en l’homme.79

La corporéité ici sert de médiation entre le moi et le monde. Il est question pour Merleau-Ponty de restituer « le lien natal du moi qui perçois à ce que je perçois ».80 A l’instar de Heidegger, le sujet de Merleau-Ponty est un être –au-monde, un sujet voué au monde. La tâche de la philosophie merleau-pontienne est d’élargir la raison, en vue de la rendre capable de comprendre ce qui en l’être humain précède ou excède la raison.81 Et cette entreprise s’effectue par le biais du corps.

II.1. La « Réflexion radicale » ou « phénoménologie de la phénoménologie »

La phénoménologie husserlienne est le point de départ de la pensée philosophique de Maurice Merleau-Ponty. La perception ouvre le sujet humain et le fait naitre au monde. C’est dire que « la perception fonde tout parce qu’elle nous enseigne, pour ainsi dire, un rapport obsessionnel avec l’être ».82 Le descendant atavique de Husserl pense qu’à la phénoménologie entendue, comme description directe, doit s’ajouter une phénoménologie de la phénoménologie, c’est-à-dire retour au cogito.

Par la phénoménologie merleau-pontienne, il s’agit de découvrir « le phénomène du phénomène ».83 Tout ceci pour montrer en fin de compte que la démarche phénoménologique ne se boucle jamais ; elle est comme le dit Husserl, un dialogue ou une méditation infinie ; elle est inchoative en ceci qu’elle commence lorsqu’elle semble s’achever. Et comme le souligne Thévénaz, « la phénoménologie a pour tâche de révéler le mystère du monde et le mystère de la raison » ;84 elle porte la mission de dévoilement, de révélation des essences. Il s’agit donc pour l’auteur de Sens et non-sens de dévoiler les essences pour les recentrer dans l’existence. Aussi envisage-t-il cette entreprise par une approche nouvelle de la réduction phénoménologique, d’un sui-generis du transcendantalisme, et d’une réflexion sur le corps. Tout ceci montre l’expression d’une philosophie existentielle et humaniste.

Merleau-Ponty est le grand représentant du mouvement phénoménologique en France. En 1929, il rencontre Husserl lors d’une conférence à Paris et se familiarise avec la pensée de ce dernier. Il en sera influencé sur bien des points. De la phénoménologie husserlienne, Merleau-Ponty conserve spécialement l'aspect descriptif de la méthode. Le réel doit se décrire. Aux yeux de Merleau-Ponty, la phénoménologie reste essentiellement une méthode descriptive. Il retient également de Husserl l'attitude transcendantale comme la seule attitude philosophiquement valable. Mais le chemin parcouru pour arriver à l'attitude transcendantale est très long chez Husserl et très court chez Merleau-Ponty (pour qui on est presque d’emblée dans l'attitude transcendantale). Alors que Husserl a mis beaucoup de temps à s'expliquer sur la réduction phénoménologique, Merleau-Ponty constate qu'il y a là un détour, voire une impossibilité de la réduction complète. De ce fait, dire que la réduction complète est impossible, c'est en même temps nier le pouvoir suprême que Husserl reconnaît à l'ego transcendantal (ou ego constituant).

Merleau-Ponty va adopter une démarche toute particulière de la réduction phénoménologique. Notre philosophe fait de l’être-au-monde de Heidegger le véritable aboutissement de la réduction husserlienne. En effet, il est question « … de retrouver ce contact naïf avec le monde ». 85 Il n’est plus question de se retirer du monde vers une conscience pure, car « nous ne pouvons pas davantage devenir tout entier conscience, nous ramener à la conscience transcendantale.

Si nous étions la conscience, nous devrions avoir devant nous le monde, notre histoire, les objets perçus dans leur singularité comme des systèmes de relations transparentes ».86 Il s’agit plutôt de prendre conscience de notre rapport au monde.87 Merleau-Ponty s’investit dans une approche non pas idéaliste, mais dans toute philosophie existentielle. Il relève à cet effet que «[…] la phénoménologie, c’est aussi une philosophie qui replace les essences dans l’existence ».88

A l’opposé de Heidegger et Sartre qui avaient respectivement conçus le transcendantal comme l’être, la conscience, Merleau-Ponty à travers sa réduction phénoménologique, posera le monde comme le vrai transcendantal, et il le dit en ces termes : « Avec le monde naturel et le monde social, nous avons découvert le véritable transcendantal »;89 de façon plus précise, la réduction phénoménologique avec notre auteur fait apparaître le monde, autrement dit le monde perçu, le monde originel.90 Il ressort donc que la réduction Merleau-Pontienne nous ramène de l’être à l’existence ; ce qui laisse entrevoir toute une tendance philosophique existentielle.

II.2. Philosophie existentielle et humaniste

Tout comme Sartre, la philosophie de Merleau-Ponty revêt un caractère humaniste.91 Pour ce dernier, il est question de « penser comme des vivants », 92 car l’homme doit se poser et s’imposer à l’existence. La vraie philosophie doit s’incarner dans l’existence. De ce fait, « le héros des contemporains, ce n’est pas Lucifer, ce n’est pas Prométhée, c’est l’homme ».93 L’œuvre de Merleau-Ponty nous apparait comme un effort louable pour penser l’expérience humaine dans sa totalité.

La réflexion merleau-pontienne constitue un tout qui englobe le corps et l’esprit.94 Ici, l’homme fait l’expérience de lui-même dans le monde ; il s’agit ici d’une philosophie existentialiste. Ainsi, « Merleau-Ponty est « existentialiste », penseur de l’existence, dans la mesure où il s’agit pour lui de renoncer au statut de spectateur auquel la philosophie moderne de Descartes à Husserl a réduit la conscience et donc de penser l’engagement de la conscience dans le monde afin de rendre à celle-ci l’épaisseur et l’opacité d’une existence et d’une corporéité. ».95

Merleau-Ponty conçoit l’existence comme un acte, un mouvement par lequel l’homme est aux choses et s’engage dans une situation physique et sociale.96 Cette existence selon lui est incarnée dans un corps. Un corps non pas conçu comme une réalité matérielle, mais comme l’homme dans son unité, c’est-à-dire, un ensemble de signification vécue. Merleau- Ponty voit dans la relation de l’âme et du corps, une certaine unité en l’homme.97 Ainsi prône- t-il toute une philosophie engagée, une réflexion dont la pertinence se fait ressentir dans l’existence. Et tel qu’il le dit lui-même, il nous faut « penser comme des vivants ».98 Alors pris dans le pan de l’existentialisme, la philosophie merleau-pontienne est non seulement une philosophie engagée, car orientée vers l’action ; mais aussi une grande réflexion sur le corps.

La philosophie de notre auteur se veut engagée, c’est à dire développée en faveur d’une cause : l’homme. Puisque le sujet humain est appelé à se poser et s’imposer à l’existence, toute philosophie doit avoir une incidence sur le monde. Ainsi, le philosophe français refuse la tentation de subir le monde, d’y vivre comme des sujets étrangers ; il s’agit pour lui de « nous joindre à l’histoire au lieu de la contempler » ; 99 la philosophie est pour lui un art de vivre, autrement dit un savoir-être et un savoir-faire.

Le premier acte philosophique serait … de revenir au monde vécu en deçà du monde objectif, de réveiller la perception et de déjouer la ruse par laquelle elle se laisse oublier comme fait et comme perception au profit de l’objet qu’elle nous livre et de la tradition qu’elle fonde ».100 C’est toute une philosophie de l’action efficace dans le monde que notre auteur envisage à travers sa philosophie sur la perception. Par ailleurs, il développe toute une philosophie du corps.

La théorie du corps constitue chez l’auteur de Merleau-Ponty un élément fondamental de la perception. Comme le dit Paul Ricœur en commentant notre auteur affirme que « le corps devient le lieu de la symbolique générale du monde ».101 Dans la phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty distingue le corps objectif du corps subjectif. Le premier étant la corporéité propre du sujet, et le second, l’ensemble des phénoménalités. Ainsi fait-il reposer toute cette argumentation sur la base de la perception qu’il conçoit comme le point de départ de toute réflexion philosophique. Car « Toute conscience est conscience perceptive, même la conscience de nous-même… ».102

II.3. Rapport du sujet au monde

C’est dans son ouvrage Phénoménologie de la perception que le philosophe Maurice Merleau- Ponty analyse densément la relation du sujet au monde, autrement dit la perception ; celle-ci constitue le fondement de sa phénoménologie. Pour lui, le monde renvoie au milieu de de notre expérience et de notre action.103 Le monde ne constitue pas un objet pur de pensée, mais le style universel de toute perception possible ; c’est-à-dire « l’ensemble de notre expérience de l’être sensible et des hommes ».104 Le monde est l’Etre de tous les étants et non pas l’étant suprême, le grand Objet qui contiendrait tous les autres.105 Le corps est alors fondamental dans les rapports entre le sujet et le monde, en tant qu’il est la médiation par laquelle s’opère cette entreprise. 106 En effet, « Nous n’assistons plus à l’avènement des conduites perceptives, nous nous installons en elles pour y poursuivre l’analyse de cette singulière entre le sujet, son corps et son monde »107 autrement dit, « Nous sommes au monde par notre corps, … nous percevons le monde avec notre corps ».108 Les rapports du sujet avec le monde se font par le corps. De fait, Maurice Merleau-Ponty fait du corps le sujet de la perception comme le laisse pressentir le dernier chapitre de la Structure du comportement « la perception résultera d’une action de la chose sur le corps et du corps sur l’âme ».109

Pour l’auteur de Phénoménologie de la perception, « La vraie philosophie est de réapprendre à voir le monde ». 110 Il s’agit d’une réflexion qui nous replonge au cœur du rapport sujet-monde. De facto, la conscience se pose ici comme l’être à la chose par l’intermédiaire du corps. « Nous avons rejeté le formalisme de la conscience et fait du corps le sujet de la perception. » 111 souligne-t-il ; « Nous sommes au monde par notre corps»112 continue-t-il de relever, « nous percevons le monde avec notre corps ».113 Le sujet entre en relation avec le monde par le corps, et fonde la connaissance par ce dernier. Le corps devient par conséquent le moi, l’élément transcendantal qu’il substitue à l’ego transcendantal de Husserl.

Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty distingue le corps objectif du corps phénoménal. Le corps phénoménal est ainsi un «corps-sujet », au sens d'un sujet naturel114 ou d'un moi naturel115, qui est pourvu d'une « structure métaphysique », par laquelle il est qualifiable comme pouvoir d'expression, esprit, productivité créatrice de sens et d'histoire.

Le corps phénoménal est biface, en ce qu'il est à la jointure de la nature et de la liberté. D'un côté, il est habité par un néant actif, « n'est pas où il est, n'est pas ce qu'il est»116, il est l'existence même en son mouvement de transcendance ; il est la puissance de se joindre aux choses et de se synchroniser avec elles; il secrète du sens et le projette sur son entourage;117 il est un système synergique dont toutes les fonctions sont unies dans le mouvement général de l'être au monde.

Notre auteur conçoit également le corps phénoménal comme le « le lieu ou plutôt l'actualité du phénomène d'expression ; « il fait le temps au lieu de le subir» ;118 il est, plutôt qu'un corps réel, ce « corps virtuel» qu'en chaque situation nous devons avoir, pour qu'un monde apparaisse.119 Mais il participe aussi de cette nature dans laquelle «je suis jeté »120 et qui est présente à la fois hors de lui et en lui. Ainsi, il est non seulement une puissance impersonnelle et anonyme, mais aussi « la figure figée de l'existence»,121 ou la «structure stabilisée» de l'existence.122 Et c'est par là qu'il communique avec le corps objectif qui est en troisième personne. Si pour Merleau-Ponty, « la vraie philosophie est de rapprendre à voir le monde »,123 ainsi cette entreprise se réalise par le corps, car nous percevons le monde avec notre corps.124 Qu’en est-il du cogito chez notre auteur ?

La notion de cogito ne renvoie pas à la conscience, mais à la dimension dans laquelle la philosophie recueille l’expérience et l’élève. Quelques fois il se rapporte à l’évidence du monde dans la naïveté de la foi perceptive.125 Dans la Phénoménologie de la perception, Merleau-Ponty distingue un cogito tacite et un cogito parlé. Le cogito de Descartes est « parlé» ou médiatisé par le langage, mais il renvoie à un cogito tacite, « présence de soi à soi»126 qui précède toute philosophie. Cogito tacite et cogito parlé sont tour à tour fondants et fondé ; le cogito tacite fonde le cogito parlé, au sens où « le langage présuppose bien une conscience du langage, un silence de la conscience qui enveloppe le monde parlant. Merleau- Ponty conteste le cogito tacite en le considérant comme une projection naïve du cogito parlé dans le pré-réflexif . Le monde du silence ne serait pas une conscience confuse de soi et du monde, mais le logos intérieur (endiathetos) à l'Être brut ou vertical.

Le cogito, pensé hors de l'opposition du fait et de l'essence serait, non plus une subjectivité ou une conscience, mais une flamme, une « lumière illumi-nante-illuminée». Le cogito n'est pas réductible, selon Merleau-Ponty, aux présupposés de la philosophie réflexive. Même s'il peut apparaître comme relevant encore d'une philosophie de la conscience, il demeure le nom propre de la compréhension de soi de l'expérience.

III. RUPTURE PHENOMENOLOGIQUE ENTRE EDMUND HUSSERL ET MAURICE MERLEAU-PONTY

Dans la perspective d’une entreprise collective, Husserl avait projeté la phénoménologie comme science rigoureuse, mais malheureusement, son ambition de développer un savoir universel ne put se réaliser à cause de la difficulté, voire de l’impossibilité d’adopter une attitude réflexive véritablement transcendantale et universelle à l’égard du vécu de la conscience ou de la Lebenswelt (monde de la vie).127

Husserl a voulu montrer que l'ambition du philosophe, qui est de comprendre l'ensemble des productions de l'esprit, est toujours d'actualité. Ainsi faut-il réhabiliter le vécu et le concret sans renoncer pour autant à la rigueur rationnelle. Il fallait instituer la philosophie comme «science rigoureuse» dans un contexte de crise ; crise concernant à la fois le fondement des mathématiques et celui de la philosophie. Et c’est particulièrement autour de la réduction phénoménologique qu’il voulut ériger en méthode universelle que naitront les grandes controverses dans le courant phénoménologique. Ce qui entrainera particulièrement certaines démarcations de la part de son disciple français, notamment sur la réduction phénoménologique et eidétique, le moi transcendantal et l’intentionnalité propre.

III.1. Démarcation de la réduction phénoménologique et eidétique

Merleau-Ponty va critiquer la position husserlienne de la réduction phénoménologique. Celle-ci consiste en une « mise entre parenthèses »,128 c’est-à-dire, une forte neutralisation de l’existence du monde, sans toutefois l’abolir comme dans le doute cartésien. Rappelons le, la réduction phénoménologique ou Épochè ( en grec) consiste pour Edmund Husserl, à suspendre radicalement l'« approche naturelle » du monde, et à mener une lutte sans concession contre toutes les abstractions que la perception naturelle de l'objet présuppose ; cette suspension devait permettre l'accès aux choses.129

Pour le phénoménologue français, cette approche de la réduction rompt non seulement le tissu qui nous relie au monde, mais aussi reconstitue le monde à partir des actes d’un ego transcendantal. Ceci entraine par conséquent toute une réduction eidétique, autrement dite, la réalité du monde est ramenée et confondue à son existence intentionnelle. En effet, Merleau- Ponty prend un certain recul quant à la réduction eidétique opérée par Husserl au terme de sa réduction phénoménologique. Il partira du concept d’être-au-monde de Martin Heidegger pour établir une relation avec le monde, et finalement établir ce dernier comme transcendantal.

Le concept de l’Etre-au-monde, emprunté à Martin Heidegger, va jouer un rôle prépondérant dans l’entreprise phénoménologique de notre auteur. Il désigne une relation au monde telle que l’apparition qu’elle conditionne ne passe par un acte de représentation renvoyant à une conscience positive. Il est non seulement question d’une relation originale, qui à l’opposé de la représentation, signifie distance ou retrait, mais il s’agit également d’une connivence avec le monde, ce qui écarte la possibilité d’une thématisation.

La thématique de l’être au monde vise ici à mettre en relief la réalité de la relation. A cet effet, le sujet comme cet être-au-monde n’est présent à lui-même qu’en s’avançant vers le monde. D’autre part, le concept d’être au monde vise à mettre en exergue le lien direct entre le sujet et le monde. Il s’agit d’un sujet dont l’être consiste dans le rapport au monde, et ceci se réalise par l’incarnation dans la chair. La chair constitue alors le sol de toute apparition ; elle « n’est pas matière, n’est pas esprit, n’est pas substance.

Il faudrait, pour désigner la notion de chair, le vieux terme d’élément, au sens où on l’employait pour parler de l’eau, de l’air, de la terre et du feu, c’est-à-dire au sens d’une chose générale, à mi-chemin de l’individu spatio-temporel et de l’idée, sorte de principe incarné qui importe un style d’être partout où il s’en trouve une parcelle ».130 C’est dire qu’il existe un lien intrinsèque entre les notions d’être-au-monde, de chair et de corps propre.

De façon plus explicite, la réduction eidétique dans la phénoménologie de Husserl consiste en une méthode grâce à laquelle le cogito passe de la conscience des objets individuels et concrets aux pures essences et atteint de cet fait une intuition de l'eidos , de la chose (c'est-à-dire de ce qu'elle est dans sa structure essentielle et invariable, une fois éliminé tout ce qui, en elle, est contingent et accidentel). L'eidos constitue le principe, la structure nécessaire de la chose. La réduction éidétique est la première étape de la méthodologie husserlienne, la seconde étant la réduction phénoménologique.131

Du fait que la réduction eidétique recourt au procédé de la variation libre, elle ne dépend ni des constructions mentales ni des objets factuels concrets, bien qu'elle ait son point de départ dans la connaissance des faits. Commençant avec un objet concret, le philosophe peut en faire varier par l'imagination les différents aspects. La réduction eidétique n'est donc ni une forme d'induction ni une abstraction. De même que la réduction phénoménologique, elle s'abstient de toute affirmation concernant l'existence des objets et met entre parenthèses le contenu factuel et concret, ou bien pratique, par rapport à lui, une suspension de jugement.132

Au terme de sa réduction phénoménologique, Husserl tire la conséquence selon laquelle, la réalité du monde se confond avec son existence intentionnelle. Contrairement à ce dernier qui fait de tout objet de la perception des formes pures, ou du moins qui réduit tout objet de la perception à des idées pures (réduction eidétique), Merleau-Ponty va établir une différence entre le perçu et l’imaginaire ; autrement dit entre le réel et l’imaginaire.133 Il refuse alors de constituer le monde de la vie dans une conscience ultime ; son but sera au contraire de montrer que la figure singulière de ce monde impose un remaniement plus radical mettant en cause la philosophie de la conscience elle-même. Entreprise qui augure chez notre penseur, le rejet du moi transcendantal.

III.2. Rejet du moi transcendantal

Alors que Husserl s'est efforcé de montrer et de confirmer la conscience comme référence ultime, comme ce sans quoi rien ne nous est possible, Merleau-Ponty se propose d'abandonner la conscience comme référence ultime. Merleau-Ponty réhabilite le corps (chair) et admet sa primauté ontologique sur la conscience. Je vois parce que mon corps est lui-même visible et voyant à la fois. C'est en tant que mon corps est spatialisable et temporalisable que j'ai la conscience intuitive du temps et de l'espace. C'est en tant que mon corps est au monde, ou encore mieux qu'il est une partie du monde que je prends conscience d'être au monde. C'est mon "corps propre" qui perçoit, et non pas ma conscience.

A travers la démarche particulière de la réduction phénoménologique, Merleau-Ponty va rejeter le moi transcendantal que Husserl considérait comme absolu et posera le monde comme le vrai transcendantal. Il dit en ces termes : « avec le monde naturel et le monde social, nous avons découvert le véritable transcendantal ».134 Avec Merleau-Ponty, nous quittons désormais de l’absoluité du moi transcendantal de Husserl pour une organisation spontanée et explicite des objets perçus.135 Il s’agit là de replacer le monde au cœur du transcendantalisme.

Chez Husserl, l’intentionnalité désigne d’abord un acte, une visée de connaissance ; cela suppose qu’elle désigne l’être même de la conscience, en tant qu’elle ne peut pas ne pas se rapporter à autre chose qu’elle-même, c’est-à-dire à la conscience perceptive. Définir la conscience par l’intentionnalité permet de rompre avec l’idée que la conscience existe indépendamment des choses sensibles. Elle existe dans la visée d’objets, et donc à l’extérieur d’elle-même. L’intentionnalité conditionne alors la manière dont l’objet est perçu, c’est-à-dire de manière inachevée.

L’Ego pur de Husserl revêt le statut d’un pur objet intentionnel ; il se révèle purement et simplement réductible à un seul sens objectif, c’est-à-dire un unique noème. Le pur Ego étant de nature noématique, sa transcendance est donc pareille à celle du noème ; C’est-à-dire une transcendance immanente, ou transcendance dans l’immanence, suivant la double réalité (apparence) du noème.136 Contrairement à Husserl qui fonde son transcendantalisme sur l’égo, Merleau-Ponty fonde son approche transcendantale sur le monde. Le but primordial de Merleau-Ponty est de revenir au monde perçu. Il s’agit là de l’assise de tous les savoirs. A l’opposé des philosophes idéalistes, notre auteur part de l’expérience perceptive pour fonder toute chose. Il écarte ainsi le Moi transcendantal, cette conscience absolue promue par Husserl pour le substituer au corps, instrument de connaissance.

La position de Merleau-Ponty implique que la conscience n’est plus première comme chez Husserl ; le véritable transcendantal c’est le monde et non plus l’être comme chez Heidegger ou la conscience chez Sartre.137 Chez Merleau-Ponty, la mise entre parenthèse du monde effectuée par la réduction est en fait dévoilement et mise en exergue de ce monde. C’est donc dire que la description phénoménologique chez notre auteur a pour but de nous dévoiler le monde phénoménal comme transcendantal. Entreprise qui pose le corps comme modalité fondamentale de connaissance.

En revisitant le contexte scientifique dans lequel la phénoménologie merleau-pontienne émerge, l’on découvre un grand lien avec son déploiement philosophique. Ce dernier loin de ramer à contre-courant de son époque, développera une pensée très marquée par les caractéristiques philosophiques de son époque. C’est donc dire que la phénoménologie de Merleau-Ponty appartient à une période fortement marquée par la crise du sujet et où la crise du Moi se fait de plus en plus ressentir en philosophie.

En effet, la montée en puissance des théories clamant la désabsolutisation du sujet (chute du Moi chez Freud) va grandement influencer notre auteur. Les théories de la crise du Moi absolu auront un effet certain dans la réflexion merleau-pontienne. Contrairement à Husserl qui considère une fonction transcendantale au moi, Merleau-Ponty se démarque de son ascendant phénoménologique en rejetant son moi transcendantal. Désormais, le Moi n’est plus l’élément primordial ; il s’agit de thématiser une nouvelle approche transcendantale. En faisant chuter la conscience, l’intentionnalité cesse non seulement d’être un pur acte d’esprit, mais aussi un acte de la conscience ; elle devient désormais corporelle, puisque menée par le corps propre, ainsi que la perception.

[...]


1 Cf. Claude Lefort, Sur une colonne absente, Ecrits autour de Merleau-Ponty, Paris, Gallimard, 1992, Préface, p. XI.

2 Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens, Paris, Nagel, 1948, p.53.

3 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, Avant-propos, Avant- propos, p. X.

4 Ibidem, p. XVI.

5 Idem.

6 Ibidem, p.I.

7 Idem.

8 Idem.

9 André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, P.U.F., 2010, p. 754.

10 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op.cit. , p. 492.

11 Maurice Merleau-Ponty, Eloge de la philosophie et autres essais, op. cit.,p. 19.

12 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit. , Avant-Propos, p. I.

13 Ibidem, p. 37.

14 Idem.

15 Xavier Tilliete, Merleau-Ponty, Paris, Editions Seghers, 1970, p.2.

16 Ibidem, Avant-propos, p. XLI.

17 Maurice Merleau-Ponty, Résumés de cours ; (Collège de France 1952 -1960), Paris, Gallimard, 1968, p.11.

18 Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, pp.202 - 203.

19 André Lacroix, « Praxis et pragmatique de l’intervention. Aider, accompagner et réfléchir plutôt que contrôler - in Luc Bégin, Lyse Langlois et Dany Rondeau (dir.), L’éthique et les pratiques d’intervention en organisation, Québec, Presses de l’Université Laval, 2015, P.29.

20 Renaud Barbaras, Merleau-Ponty, Paris, Ellipses, 1997, p.7.

21 Denis Seron, Introduction historique à la philosophie phénoménologique, Liège, Presses Universitaires de Liège, 2016, p.5.

22 André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris P.U.F. , p. 768.

23 Ibidem, p.5.

24 André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, op. cit. , p. 768.

25 Denis Seron, Introduction historique à la philosophie phénoménologique, op. cit. , p.5.

26 Cf. https://fr.wikipedia.org , consulté le 10/12/2017 à 20h31.

27 Denis Seron, Introduction historique à la philosophie phénoménologique, op. cit. , p.5.

28 Ibidem, p.769.

29 Ibidem, p.20.

30 Ibidem, p.20.

31 Jean-François Lyotard, La phénoménologie, Paris, P.U.F., 2004, p.3.

32 Laurence Hansen-Løve, Edmund Husserl, La crise de l’humanité européenne et commentaire et traduction par Nathalie Depraz , Edition numérique : Pierre Hid alalg op,h Lilao sGoapyhaie ,S cInietnrozad,u c2t0io1n2,, p.7.

33 Ibidem, p.7.

34 Ibidem, p.8.

35 Denis Seron, Introduction historique à la philosophie phénoménologique, op. Cit., p.20.

36 Ibidem, p. 21.

37 Roger Verneaux, Histoire de la philosophie contemporaine, Paris, Beauchesne, 1960, p. 139.

38 Yvon Belaval, Histoire de la philosophie III ; Du XIXème siècle à nos jours, Paris, Gallimard, 1974, p. 528.

39 Pierre Thévénaz, De Husserl à Merleau-Ponty ; « Qu’est-ce que la phénoménologie ? », Neuchâtel, Editions de Baconnière, 1966, p. 38.

40 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris Gallimard, 1945, Avant-propos, p. III.

41 Pierre Thévénaz De Husserl à Merleau-Ponty ; « Qu’est-ce que la phénoménologie ?, op. cit., p.39.

42 Ibidem, p. 40.

43 Idem.

44 Idem.

45 Roger Verneaux, Histoire de la philosophie contemporaine, op. cit. , p. 141.

46 Pierre Thévénaz, De Husserl à Merleau-Ponty ; « Qu’est-ce que la phénoménologie ? », op.cit., p. 46.

47 Ibidem, p. 37 - 38.

48 Ibidem, p. 701.

49 Roger Verneaux, Histoire de la philosophie contemporaine, op. cit. , p. 168.

50 Idem.

51 Ibidem, p. 169.

52 Idem.

53 Martin Heidegger, Sein und Zeit, Traduction par Emmanuel Martineau, Paris, Gallimard, 1990, p. 166.

54 Roger Verneaux, Histoire de la philosophie contemporaine, op. cit. , p. 171.

55 Martin Heidegger, Lettre sur l'humanisme- Über den Humanismus, (trad. Julien Hervier, Roger Munier André Préau), Paris, Gallimard, 1966, 225 p. 89.

56 Pierre Thévénaz, De Husserl à Merleau-Ponty ; « Qu’est-ce que la phénoménologie ? », op. cit., p. 63.

57 Alain Boutot, Heidegger, « Que Sais-je ? », Paris, P.U.F., 1989, p.24.

58 Marlène Zarader, Lire Etre et Temps de Heidegger, J. Vrin, 2012, p. 91.

59 Christian Dubois, Heidegger : Introduction à une lecture, Garnier, 2000, p. 12.

60 Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Heidegger#cite_note-156, consulté le 23/11/2017 à 17h38.

61 Françoise Dastur , « Autour de la phénoménologie » in Séminaire Arte-Filosofia, Vol. 62, 15 Avril, Paris, Aubier, 2017, p. 21.

62 Ibidem, p. 23.

63 Pierre Thévénaz, De Husserl à Merleau-Ponty ; « Qu’est-ce que la phénoménologie ? », op. cit., pp.79-80.

64 Françoise Dastur, « Autour de la phénoménologie » in Séminaire Arte-Filosofia, op. , cit., p. 25.

65 Jean-Paul Sartre, La Nausée, Paris, Gallimard, p. 184.

66 Ibidem, p.189.

67 Jean Paul Sartre, L'être et le néant, essai d'ontologie phénoménologique, Paris, Gallimard, 1943, p.112.

68 Cf. https://www.memoireonline.com consulté le 26/11/2017 à 20h19.

69 Arnaud Tomès, Petit lexique sartrien, Paris, P.U.F., 2005, p.188.

70 Ibidem, P.193.

71 Jean-Paul Sartre, l’Etre et le néant, op.cit., p.110.

72 Arnaud Tomès, Petit lexique sartrien, op. cit., p. 193.

73 Jean-Paul Sartre, l’Etre et le néant, op.cit., p.115.

74 Laurent Gagnebin, L'athéisme nous interroge: Beauvoir, Camus, Gide, Sartre, Paris, Van Dieren, 2009, p.359.

75 Cf. https://la-philosophie.com, consulté le 12/02/2018.

76 Jean-Paul Sartre, l’Etre et le néant, op. cit., p. 8.

77 Ibidem, p. 98.

78 Maurice Merleau-Ponty, Eloge de la philosophie et autres essais, (leçon inaugurale faite au collège de France, le jeudi 15 janvier 1953), 1953, p. 19.

79 Alphonse De Waelhens, Une philosophie de l’ambiguïté. L’existentialisme de Maurice Merleau-Ponty, Louvain, Publications universitaires de Louvain, 1951, p. 49.

80 Maurice Merleau-Ponty, Visible et invisible, Paris, Gallimard, 1964, p. 153.

81 Vincent Peillon, La tradition de l’esprit ; Itinéraire de Maurice Merleau-Ponty, Paris, biblio essais, 2008, p.27.

82 Maurice Merleau-Ponty, Eloge de la philosophie et autres essais, op. cit., p. 19.

83 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Avant-Propos, op. cit., p.77.

84 Pierre Thévénaz, De Husserl à Merleau-Ponty ; « Qu’est-ce que la phénoménologie ? », op. cit. , pp. 104-110.

85 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op.cit., Avant-Propos, p. I.

86 Ibidem, p.76.

87 Pierre Thévénaz, De Husserl à Merleau-Ponty ; « Qu’est-ce que la phénoménologie ? », Neuchâtel, Editions de Baconnière, 1966, p. 104.

88 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 418.

89 Ibidem.

90 Rolland Caillois, « Note sur l’analyse réflexive et réflexion phénoménologique », Deucalion 1, Paris, 1960, p.127-139.

91 Maurice Merleau-Ponty, Humanisme et terreur, Paris, Gallimard, 1948, P. 114.

92 Ibidem, Avant-propos, p. XLI.

93 Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens, op. cit., p. 380.

94 Henry Duméry, Regards sur la philosophie contemporaine, Paris, Carterman, 1956, p. 187.

95 Françoise Dastur, Chair et langage, essais sur Merleau-Ponty, Paris, Encre marine, 2001, p.32.

96 https://la-philosophie.com, consulté le 12/02/2018.

97 Alphonse De Waelhens, Une philosophie de l’ambiguïté. L’existentialisme de Maurice Merleau-Ponty, Louvain, Publications universitaires de Louvain, 1951, p. 49.

98 Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens, op. cit., p. 206.

99 Ibidem, p. 157.

100 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, op. cit., p. 69.

101 Paul Ricœur, Lectures 2, La contrée des philosophes, Paris, Seuil, 1992, p. 159.

102 Ibidem, p. 160.

103 Pascal Dupond, Le vocabulaire de Merleau-Ponty, Collection dirigée par Jean-Pierre Zarader, Paris, Ellipses, 2001, p. 41.

104 Maurice Merleau-Ponty, Visible et invisible, op. cit., p. 310.

105 Pascal Dupond, Le vocabulaire de Merleau-Ponty, op. cit., p.41.

106 Xavier Tilliette, Merleau-Ponty ou la mesure de l’homme, Paris, Seghers, 1970, p. 33.

107 Ibidem.

108 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p . 161

109 Maurice Merleau-Ponty, Structure du comportement, op. cit., p. 205

110 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., Avant-propos, p. XVI

111 Ibidem, p. 260.

112 Ibidem, p. 16.

113 Idem.

114 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 231.

115 Ibidem, p. 502.

116 Ibidem, p. 230.

117 Ibidem, p. 230.

118 Ibidem, p. 276.

119 Ibidem, p. 289.

120 Ibidem, p. 398.

121 Ibidem, p. 270.

122 Ibidem, p. 369.

123 Ibidem, Avant-propos, p. XVI.

124 Ibidem, p.161.

125 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, p.342.

126 Ibidem, pp. 462-463.

127 Gilbert Hottois, De la renaissance à la postmodernité, une histoire de la philosophie moderne et contemporaine, 3ème édition, éditions de Boeck université, Bruxelles, 2002, p.261.

128 Renaud Barbaras, Merleau-Ponty, Paris, Ellipses, 1997, p. 62.

129 https://fr.wikipedia.org, consulté le 12/01/2018.

130 Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, Paris, Gallimard, 1964, p.184.

131 https://www.universalis.fr, consulté le 12/02/2018

132 Idem.

133 Revue de métaphysique et de morale, philosophie française, p.325.

134 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 418.

135 Marcus SACRINI A. FERRAZ, « Perception et culture chez Merleau-Ponty » in Philosophiques, Revue de la société de philosophie du Québec, Vol. 35, N° 2, Montréal, 2008, p.296.

136 Éric Paquette, « l’Ego pur husserlien : Note sur l’interprétation de Heinsein », in Laval théologique et philosophique, Vol. 51, 03 Oct. 1995, p. 669

137 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p.72

Fin de l'extrait de 101 pages

Résumé des informations

Titre
Éthique et phénoménologie. Essai d'une approche éthique à partir de la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty
Université
Catholic University of Central Africa  (Faculté de philosophie)
Cours
Philosophie
Note
17/20
Auteur
Année
2018
Pages
101
N° de catalogue
V500503
ISBN (ebook)
9783346035592
ISBN (Livre)
9783346035608
Langue
français
Annotations
Commentaire de l'auteur: Très bon mémoire.
Mots clés
Phénoménologie, éthique, Maurice Merleau-ponty
Citation du texte
Eric Owona (Auteur), 2018, Éthique et phénoménologie. Essai d'une approche éthique à partir de la phénoménologie de Maurice Merleau-Ponty, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/500503

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