Les marqueurs culturels, embrayeurs de la création chorégraphique d’Hofesh Shechter


Thèse de Master, 2018

135 Pages, Note: 17


Extrait


TABLE DES MATIÈRES

Remerciements

Préambule

Introduction

PARTIE I. le parcours d’H. Shechter : De la danse traditionnelle à la danse contemporaine
1. La formation initiale en musique et en danse traditionnelle
2. La formation à la Batsheva, l’influence d’Ohad Naharin
2.1. Le parcours d’Ohad Naharin
2.2. Ohad Naharin : formateur, chorégraphe et directeur artistique
2.3. Hofesh Shechter, danseur pour Ohad Naharin
3. Apports et influences des chorégraphes européens

PARTIE II. écriture et poétique du geste
1. Les marqueurs culturels dans le langage gestuel
1.1 Place du folklore israélien
1.1.1. Danser en groupe
1.1.2. Opposition entre le haut et le bas du corps
1.1.3. Une danse habitée par des émotions contraires
1.2. Des emprunts à des cultures diverses
1.3. Musicalité des corps
2. Révéler l’intériorité
2.1. Le ventre comme centre du corps
2.2. Rythme intérieur et énergie créatrice

PARTIE III. La quête d’un rituel collectif à travers la réalisation
1. Mettre en scène l’éternel combat de l’humanité
1.1. Chaos et ordre du monde
1.1.1. Montrer les désordres du monde
1.1.2. L’esthétique baroque au service d’une vision du monde
1.2. La danse, art de la libération
1.2.1. Le besoin de se libérer
1.2.2. Lâcher-prise par la transe
2. La création d’un temps mythique
2.1 Un questionnement universel sur l’individu et le groupe
2.2 La notion de cycle
3. Danse, cérémonie, mémoire
3.1. Le spectacle comme moment de communion
3.2. L’écart du clown-saltimbanque
3.3. Le prestidigitateur comme figure du chorégraphe

Conclusion

Annexes

BIBLIOGRAPHIE

Résumé

Abstract

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mon directeur de recherche, le professeur des universités en Arts du spectacle M. Amos Fergombé, à la fois pour son suivi aucours de mes différentes étapes de travail et pour ses conseils éclairants. Cemémoire a bénéficié du regard critique et de la relecture attentive de M. Frédéric Rogalewicz, professeur de philosophie. Merci à lui pour son soutien et son aide précieuse. Enfin, je souhaite remercier M. Yann Verbrugge pour la traduction anglaise du résumé de ce mémoire.

PRÉAMBULE

Hivers, orages, détresses, vagues qui engloutissent, rochers qui rompent la coque des vaisseaux, bourrasques qui déchirent les voiles qui les surmontent, angoisses qui paralysent les corps, qui poignent les ventres, qui serrent les gorges, voilà non seulement ce que nous traversons : voici où nous nous précipitons. Coupe court dans tout espoir que tu nourris depuis que tu es né ! Coupe court dans tous les rêves et tous les projets que tu formes, qui te réclament trop de persévérance et de patience ! (…) Cueille le jour !

- Pascal Quignard, Une journée de bonheur1.

Mon intérêt pour la danse est récent. Je n’ai commencé à pratiquer la danse contemporaine que depuis peu, quatre ans pour être tout à fait exacte. Je suis entrée dans le champ des arts vivants par le théâtre, en commençant sa pratique en enseignement optionnel au lycée, comme les élèves à qui j’essaie de transmettre cette passion depuis maintenant près de huit ans. Si je n’ai jamais vraiment cessé de pratiquer le théâtre depuis vingt ans, pendant longtemps je n’ai osé me tourner vers la danse, alors que j’y pensais depuis de nombreuses années et que la question de la mise en jeu du corps est peut être ce qui m’intéresse le plus dans la pratique théâtrale depuis mes débuts. Cependant, le fait de ne pas avoir pratiqué la danse étant enfant ou à l’adolescence me faisait craindre une incapacité physique, et mon admiration pour la maîtrise du corps des danseurs ne faisait que renforcer mes craintes. Lorsque je compris que cette absence de technique n’était nullement un frein dans la danse contemporaine, qui plus est dans une pratique amateure, je me décidai. Alors que je pensais avoir expérimenté mes possibilités corporelles grâce au théâtre, je compris très vite que la danse avait le pouvoir de densifier mes sensations, à tel point que mon regard de spectatrice de danse passe aujourd’hui par mon corps - ce qu’Isabelle Launay qualifie d’ « empathie »1 ou que John Martin nomme « métakinésis » pour désigner cette expérience du mouvement ressenti en regardant un danseur. Ce pouvoir libérateur procuré par la danse a changé la perception de mon corps et de mes mouvements jusque dans ma vie de tous les jours, et le regard que je porte sur la gestuelle des autres, au quotidien, s’en trouve lui aussi modifié. C’est ainsi que de la danse naît ce sentiment étrange d’un temps pleinement vécu.

Mais pourquoi prendre pour sujet de recherches le travail chorégraphique d’Hofesh Shechter ? La rencontre s’est d’abord faite à Avignon, ou plutôt, le rendez-vous manqué. J’entendis beaucoup parler de son spectacle Barbarians lors du festival d’Avignon 2015. Cependant, il était déjà trop tard pour espérer avoir des places de ce spectacle du In qui était déjà complet à mon arrivée au Festival. J’avais gardé en mémoire ce nom et j’avais déjà en tête l’envie de travailler sur la danse si je reprenais mes études en arts du spectacle ; j’allais donc voir régulièrement des extraits de ses spectacles sur internet, happée par l’énergie de sa danse et de ses mouvements expressifs. Entre temps, j’avais découvert le travail d’un autre chorégraphe israélien, Ohad Naharin, à travers son spectacle Minus 16 repris au Phénix de Valenciennes, en 2017, par la compagnie IT Dansa et par le film Mr. Gaga, sur les pas d’Ohad Naharin de Tomer Heymann. Il me semblait que les deux chorégraphes développaient une langue aux accents communs, mais j’ignorais encore les raisons exactes de ces similitudes, même si je percevais néanmoins que chacun d’eux avait ses spécificités. Je suis donc allée voir le spectacle Grand Finale d’Hofesh Shechter au théâtre de la ville à Paris en juin 2016, ce qui conforta mon intuition et mon envie de travailler sur ce chorégraphe. Les différents fils de notre histoire personnelle ne forment en réalité qu’une seule et même pièce. En ce qui me concerne, je pense que la trame est la suivante : un mémoire de recherche en Maîtrise sur le personnage du bouffon dans le théâtre élisabéthain, mon goût pour l’anthropologie et l’histoire, la pratique du théâtre et de la danse, et enfin, de façon plus intime, mes grands parents qui avaient enseigné la gymnastique physique et sportive pour Les Houillères durant de nombreuses années. Ce mémoire, je crois, me permet de mieux comprendre ce qui relie les fils de ma propre histoire, même si c’est bien d’un autre dont je parle.

Toutes les citations d’Hofesh Shechter originalement en anglais font l’objet d’une traduction personnelle dans les notes. Elles peuvent être issues d’articles, d’entretiens rapportés à l’écrit, filmés ou auxquels j’ai assisté. Je me suis efforcée de traduire le plus précisément possible le propos du chorégraphe, mais une traduction ne remplacera jamais l’expression directe de la personne pour donner à entendre fidèlement son propos. C’est pourquoi, j’ai choisi de mettre la version originale anglaise des paroles d’Hofesh Shechter dans le corps du texte. Lorsque les citations ont été traduites par d’autres auteurs, j’ai retranscrit le texte directement en français et indiqué le nom du traducteur, souvent un journaliste, dans les notes de bas de page.

Je dois formuler ici une difficulté rencontrée dans mon étude malgré le fait que le corpus de pièces choisies soit la création d’un chorégraphe vivant : nonobstant de nombreuses demandes formulées à la compagnie, je n’ai pu avoir accès à des captations complètes des créations sur lesquelles j’ai travaillé. Pour des raisons de droit des musiques utilisées comme samples ou peut-être parce que ces spectacles tournent encore dans le monde, seuls de courts extraits sont mis à disposition pour les chercheurs. Ce frein à une analyse qui viendrait compléter une mémoire toujours défaillante m’a amenée à retourner voir certains spectacles lorsque je le pouvais. Si la représentation réelle m’a permis chaque fois de replonger dans l’univers si fort des pièces, elle n’a néanmoins pas toujours pu pallier certains oublis. Espérons que ces images vacillantes qui tremblent encore dans ma mémoire aient gardé la quintessence de l’univers du chorégraphe et de mes impressions premières de spectatrice.

INTRODUCTION

À propos de la danseuse Antonia Mercé y Luque, plus connue sous le nom de La Argentina, Paul Valéry écrit en 1936 dans sa « Philosophie de la danse » :

… elle montre et démontre ce que peut devenir un art d’origine populaire, création de la sensibilité d’une race ardente, quand l’intelligence s’en empare, la pénètre et en fait un moyen souverain d’expression et d’invention1

La rencontre entre la sensibilité propre à un peuple - dont l’une des manifestations se trouve dans la danse populaire - et le talent de la danseuse, est considérée par Paul Valéry comme une forme élevée d’art, créé par cette danseuse du début du XXe siècle qui peut apparaître comme l’une des pionnières de la danse moderne. C’est en effet au tournant du XXe siècle que les premières approches de la danse moderne éclosent, lorsque la danse, dans un mouvement d’émancipation, ne se place plus sous la tutelle du théâtre et de la musique, et ce sont des figures comme Loïe Fuller1, Isadora Duncan2, Rudolf Laban3 ou Vaslav Nijinski4 qui vont renouveler l’approche de la danse par une recherche constante de modes d’expressions innovants passant par le corps. Après la seconde guerre mondiale, ce que l’on appelle la danse moderne se développe par la multiplication des nouvelles façons d’appréhender cet art qui devient le mode d’expression privilégié des états et des émotions, alors que cela était dévolu à la musique depuis les romantiques, comme le rappelle Anne Boissière dans sa présentation de l’ouvrage Approche philosophique du geste dansé5. Cette période riche en expérimentations corporelles est aussi le moment où certains danseurs et théoriciens, tel Rudolf Laban, éprouvent le besoin de rendre au corps réduit à la robotisation de l’ère industrielle sa globalité, par l’expérience vécue du mouvement.

Frédéric Pouillaude, dans son article « Vouloir l’involontaire et répéter l’irrépétable6 », pour mieux cerner la spécificité de la danse contemporaine par rapport à la danse classique et aux danses traditionnelles, explique que la danse contemporaine est « précisément cette danse qui entend œuvrer en-deçà de tout code ou de toute tradition établie », ce qui laisse au danseur, comme au chorégraphe, un champ d’exploration du corps, et donc une liberté, qui expliquent sans doute la diversité des approches et des propositions depuis la seconde guerre mondiale. En effet, les créations chorégraphiques n’ont cessé d’expérimenter de nouvelles grammaires d’un geste qui se détacherait du corps quotidien, social et culturel, pour produire de l’inouï - ou plutôt de l’in-vu -, tout en prenant comme appui une matière, le corps, qu’on ne peut néanmoins pas détacher des données biologiques qui le conditionnent ou de ce que Laurence Louppe met en lumière dans sa Poétique de la danse contemporaine1, à savoir la trace mémorielle inscrite en chaque corps, par son vécu singulier et la sédimentation d’une histoire collective, transmise jusque dans nos muscles. François Frimat, dans son ouvrage Qu’est-ce que la danse contemporaine2 ?, retient la notion d’ « hybridité » pour définir la spécificité de la danse contemporaine. Si l’on s’en tient à l’acception commune du sens d’hybride, à savoir : « Qui provient du croisement naturel ou artificiel de deux individus d'espèces, de races ou de variétés différentes3 », l’étymologie même du mot renvoie à l’idée d’une nature mêlée, comme si la danse contemporaine se caractérisait par la notion de croisement, de mélange. La création dans la danse contemporaine serait ce qui donne naissance au jamais fait, au jamais vu, à ce qui est autre et donc nouveau, mais sans faire table rase de ce qui préexiste - le corps, avec ses données biologiques, ses acquis culturels et son passé codifié dans le geste dansé lui- même -, car il s’agirait d’un leurre. Le chorégraphe serait donc celui qui, pour créer, doit combiner le désir de faire advenir l’in-vu, tout en faisant avec le donné. Or, comme l’explique Marcel Mauss dans « Les techniques du corps1 », le geste du danseur est historiquement lié à des « habitus » corporels conscients ou inconscients. Le chorégraphe part ainsi de ce qui le constitue : un vécu, une formation technique, et la mémoire collective de la société dans laquelle il a évolué. Cependant, s’il veut créer son style, sa recherche consiste justement à mieux connaître ses « habitus », soit pour s’en servir en les transformant, en les détournant, soit pour mieux s’en détacher, et ainsi découvrir une gestualité qui lui est propre. Catherine Kintzler, dans son article « La danse, art du corps engagé, et la question de son autonomie2 », se réfère à ce propos à un article de Benoît Lesage :

Les techniques de conscience du corps pratiquées par les pionniers de la danse moderne et par leurs successeurs visent à une réappropriation du corps par lui- même, laquelle passe non pas par l’acquisition d’une maîtrise gestuelle, mais d’abord par un nettoyage qui renvoie le corps à un état antérieur, non perturbé par le geste acquis3.

Pour le chorégraphe de danse contemporaine, trouver une signature gestuelle qui lui est propre est un processus qui l’amène à devenir un créateur, et non pas un talentueux imitateur ou reproducteur.

Pourtant, l’émergence de la danse israélienne au XXe siècle - dont les racines sont folkloriques1, mais qui va croître jusqu’à développer une branche professionnelle dans les années 60 - est un exemple significatif de réappropriation du geste acquis, mais détourné à des fins non seulement créatives et artistiques, mais aussi identitaires, politiques et sociales. En effet, dans la culture juive, la danse est un élément résolument fédérateur de la société, elle rythme à la fois la vie sociale et religieuse, elle intervient lors des célébrations familiales, religieuses, voire nationales. Dans la Bible déjà, on trouve des traces de cette présence rituelle de la danse censée manifester la joie de communiquer avec le divin, tout en permettant de rythmer la vie sociale en fonction des événements du calendrier. Les juifs de la diaspora n’ont jamais complètement perdu cette pratique de la danse, même s’ils ont adopté ou se sont appropriés les danses des sociétés dans lesquelles ils se trouvaient. Cependant, l’émergence de danses proprement israéliennes ne se produit qu’au XXe siècle. Avant même la création de l’État d’Israël, dès les années 20, la danse populaire existait déjà sous l’impulsion patriotique du Yichouv2. Barukh Aggadati3 fut l’unique pionnier de la scène artistique du pré-État à créer et danser la première danse israélienne à Tel-Aviv en 1924. La volonté de construire une culture hébraïque pour préparer la création d’un État sur la terre d’Israël amène à la création de danses folkloriques qui ont pour but d’unifier les pratiques des immigrants venus de pays différents. Marie- Pierre Gibert, dans son article « Façonner le corps, régénérer l'individu et danser la nation », rappelle l’importance de ces danses pour créer une identité commune : « En construisant une nouvelle forme dansée, il s’agit à la fois de refaçonner le corps des juifs et de les ré-unir dans une culture et une nation commune1 ». Il s’agit à la fois de dépasser les années de diaspora depuis la dispersion des juifs en 135 ap. JC et d’amener à la renaissance d’une patrie juive pour un « Homme Nouveau ». Paradoxalement, pour faire advenir ce renouveau, les pionniers cherchent à retrouver les pratiques juives qui auraient existé à « l’époque de la Bible », référence mythique qui apparaît essentielle puisque c’est le dernier moment où les juifs avaient une patrie. Ainsi, au fil des années, un véritable répertoire de danses folkloriques se constitue, ce qui en fait un phénomène unique de danses folkloriques contemporaines. Comme le rappelle Dan Ronen dans son article “Folk dance, Israeli2 “, les pionnières de la danse qui arrivèrent d’Europe Centrale, jouèrent un rôle déterminant dans l’élaboration des nouvelles danses, en posant les fondations de la danse israélienne folklorique dès le début des années 30, et ont poursuivi ce travail dans les années 40. En 1945 est créé le « Comité de la Danse Populaire Israëlienne » par la confédération générale des travailleurs et les festivals de danses qui fleurissent un peu partout sur le territoire deviennent le lieu d’étude, d’élaboration et de fixation de ces danses folkloriques nouvelles. Pour les chorégraphes, il s’agit alors d’effacer les marques de la diaspora afin de créer une culture populaire israélienne fédératrice qui façonnerait en quelque sorte l’ « Homme Nouveau » israélien. Les pionniers créateurs de ces danses folkloriques viennent souvent d’Allemagne où ils ont été influencés par Rudolf Laban1 et la danse expressionniste. Cependant, les inspirations de ces nouvelles danses folkloriques sont plurielles : il s’agit en premier lieu de l’histoire et des mots de la Bible2, mais surtout des danses slaves et des Balkans, des danses hassidiques, des danses yéménites et enfin des danses traditionnelles arabes. Toutes ces sources vont influencer la gestuelle et les compositions de ces danses populaires et malgré leur hétérogénéité, une spécificité et un style se dégagera de ces danses folkloriques. La Hora3 devient alors la danse nationale. Les kibboutz seront des lieux propices à la danse parce qu’ils permettent de réunir toutes les générations lors des danses festives tout au long de l’année. Yehudit Arnon fonde au nord d’Israël en 1948 le kibboutz Ga’aton qui deviendra le lieu de résidence de la Kibboutz Contemporary Dance Company. Cette compagnie est aujourd'hui identifiée à son chorégraphe et directeur artistique, Rami Be’er. Ruth Eshel4 rappelle le statut particulier de la danse moderne en Israël jusque dans les années 50 :

Palestine - the country where refugees from Nazi persecution found a home - became virtually the only place in the world where European Ausdruckstanz not only caught on, but became the dominant dance form1.

Avec l’arrivée de la danseuse et chorégraphe américaine Martha Graham2 en 1956, la danse israélienne va prendre un nouvel essor. En effet, la Baronne Bethsabée de Rothschild3 sollicite la chorégraphe américaine pour fonder la fameuse Batsheva Dance Company à Tel Aviv. De nombreux danseurs israéliens partent alors se former dans l’école de danse de Martha Graham ou dans d’autres studios américains, ce qui va favoriser l’influence de la danse américaine sur la danse en Israël à leur retour. Si Les chorégraphes israéliens vont adopter à leur tour la posture de rébellion véhiculée par la post-modern dance4, recherchant un langage basé sur les mouvements du quotidien, libéré du poids des costumes et de la scénographie, ils n’abandonnent cependant pas complètement la théâtralité, les idées et les sentiments dans leurs chorégraphies : Ils ont assimilé les valeurs de la post-modern dance américaine, mais avec une forme de restriction et de distance. Des danseurs d’horizons divers entreront à la Batsheva, comme Moshe Efrati, qui fondera plus tard sa propre compagnie, la Kol Demama Dance Company à Tel Aviv.

Depuis les années 70, la danse israélienne s’est développée grâce à ses écoles de danse1 et ses enseignants, ses nombreuses compagnies, mais aussi grâce aux lieux de création et de représentations qui se sont développés2. Parallèlement, la politique vis à vis des minorités juives en Israël3 a évolué depuis les années 60. La spécificité de chaque culture est davantage reconnue, ce qui participe à un pluralisme culturel qui s’exprime notamment dans la danse et influence les nouvelles créations. Enfin, l’ouverture sur la danse contemporaine mondiale se fait grâce aux nombreux chorégraphes invités, à l’image d’Antony Tudor4, Jiri Kylian5 et Alvin Ailey6 qui furent parmi les premiers à se rendre à la Bat Dor Dance Company créée par Bethsabée de Rothschild et Jeannette Ordman7 en 1967. Les influences dans la danse israélienne sont donc multiples et obéissent à des volontés politiques et culturelles qui ont évolué au cours du XXe siècle. S’il existe toujours de nombreuses compagnies de « danses ethniques » en Israël, comme le Inbal Dance Theater, situé dans le Suzanne Dellal Center, c’est-à-dire dans le même bâtiment que la Batsheva, une autre manifestation du lien entre danse folklorique et danse artistique se trouve à l’Université d’Haïfa où le Eskesta Dance Theater étudie les danses éthiopiennes et crée des danses artistiques inspirées du folklore. L’émergence de chorégraphes de danse contemporaine israéliens est donc étroitement liée au processus d’élaboration des danses folkloriques tout au long du XXe siècle en Israël, et les figures de la danse contemporaine les plus connues internationalement, d’Ohad Naharin1 à Emanuel Gat2, d’Inbal Pinto3 à Hofesh Shechter, apparaissent comme les fruits de cette maturation. À l’image de ce qu’avait anticipé Bethsabée de Rothschild dans le premier programme de la Batsheva dance company en 1964, le passage d’une danse d’amateurs à une danse professionnelle a créé une dynamique qui a fait émerger des danseurs et des chorégraphes israéliens de plus en plus nombreux :

Martha Graham says : it takes ten years to make a dancer. One could add : it takes ten years of stage experience to make a choreographer. (…) In presenting our beginnings we can dream that in ten years from now we shall be able to look back and say : it was worth it4.

Parmi ces chorégraphes israéliens prolifiques et créatifs, Hofesh Shechter apparaît comme une figure atypique : il s’inscrit pleinement comme l’héritier de cette histoire de la danse en Israël au XXe siècle, mais contrairement à bon nombre de ses compatriotes, il a choisi de ne pas rester dans son pays pour créer. Les chorégraphies d’Hofesh Shechter ont la particularité d’être très facilement reconnaissables d’un spectacle à l’autre, comme si la signature chorégraphique de ce dernier était parfaitement identifiable. Et l’on peut étendre cette remarque aux spectacles eux-mêmes, puisque la musique est chaque fois composée par l’artiste. Il envisage en effet le spectacle comme un tout, les chorégraphies s’insérant dans un travail sur le son et la lumière dont H. Shechter revendique la paternité - même s’il travaille avec de nombreux collaborateurs dont il loue le travail -, car il est celui qui lie l’ensemble des composants du spectacle pour former un tout cohérent qui reflète son idée artistique. Or, cette idiosyncrasie de l’artiste israélien est double, puisque bien qu’elle soit le fruit des acquis d’une culture qui a ses marqueurs propres, sa danse, à l’image de celle de la danseuse La Argentina que décrivait Paul Valéry, trouve sa spécificité sur la scène contemporaine en s’écartant de la danse folklorique israélienne d’une part, et en manifestant sa singularité dans le paysage de la danse contemporaine d’autre part. Ainsi, le spectateur peut éprouver la sensation paradoxale d’un déjà-vu - sans qu’il puisse pour autant identifier clairement le marqueur culturel qui en est la cause -, tout en faisant l’expérience d’une nouvelle esthétique. Le déplacement du geste acquis d’une culture vers une forme de renouvellement - on pourrait aussi parler d’actualisation - permet à H. Shechter de trouver un langage chorégraphique personnel, au croisement de son vécu personnel, de sa culture et de sa formation artistique plurielle. Une étude des schèmes culturels qui traversent les créations du chorégraphe grâce à un héritage culturel pluriel et complexe propre à la danse israélienne permettra de mieux comprendre le processus créatif chez cet artiste, mais aussi de mieux saisir les effets que produisent ses créations sur le spectateur.

Hofesh Shechter a fondé sa compagnie en 2008 à Londres, la Hofesh Shechter Company. Il apparaît comme l’un des plus éminents chorégraphes israéliens depuis sa pièce Uprising en 2006. Formé à la Batsheva de Tel Aviv, il s’appuie sur le rythme et le jeu avec le poids du corps pour produire un effet spectaculaire renforcé par la musique qu’il compose lui-même. Si Shechter a su trouver peu à peu son propre langage chorégraphique après avoir dansé pour Ohad Naharin, Wim Vandekeybus1, Paul Selwyn-Norton2 ou Tero Saarinen3, le spectateur peut néanmoins reconnaître dans ses pièces des mouvements qui rappellent des danses folkloriques d’origines diverses, et en premier lieu israéliennes. Cependant, ces marqueurs sont à l’état de traces dans les mouvements, les placements et la musique, car il les utilise pour mieux les transformer par son geste artistique. Ces marqueurs culturels, plus ou moins identifiables pour un spectateur non spécialiste des danses folkloriques, créent un langage chorégraphique qui revisite des codes culturels en les déplaçant et participent ainsi à la signature du chorégraphe. L’altérité que déploie le geste folklorique aux yeux d’un spectateur étranger aux cultures évoquées dans les pièces pourrait amener une distance, mais c’est paradoxalement par ces emprunts subtils et agencés, alliés à un geste qui part de l’intériorité, que la danse de Shechter trouve une forme d’universalité qui fait se dialoguer les notions d’individu et de collectif. Il explique la place de ces marqueurs culturels dans sa danse :

Le folklore a influencé mon style et il a aussi donné à mon travail une dimension d’universalité… Parce que toutes les danses folkloriques du monde se ressemblent – les interprètes tournent en rond avec les bras en l’air ! Appartenir à une troupe folklorique, travailler pour la Batsheva Dance Company à Tel Aviv a certainement modelé ma façon de penser la danse et m’a permis d’observer et de comprendre les comportements humains et sociaux. L’idée du communautarisme est très forte en Israël, elle est indissociable de son histoire et cette tendance oriente certainement les questions que je pose avec la danse et le choix de mes thématiques1.

Retrouvant une gestualité transmise par une mémoire archaïque qui habite le corps de tout être humain - certains critiques, dont Rosita Boisseau, Odile Morin ou Olivier Lefèbvre2 qualifient cette danse de « tribale », terme général qu’il convient d’interroger pour mieux comprendre ce qu’il recouvre dans le style du chorégraphe -, les danseurs se placent en cercle et développent une rythmicité dans leurs gestuelles propice à des formes de transe. La danse d’H. Shechter fédère plus le public, quelles que soient ses origines, qu’elle ne le divise, parce qu’elle cherche avant tout l’émotion comme dénominateur commun à tous les hommes. Comme il le dit lui-même, “Where there is pressure, there is Folkdance3.“

Étudier la spécificité des œuvres chorégraphiques d’Hofesh Shechter à travers le double prisme de l’intériorité et des marqueurs culturels, c’est chercher à comprendre la façon dont il utilise à la fois ce qui le traverse en tant qu’individu et ses sources d’inspiration, en se penchant dans un premier temps sur le parcours et la formation artistique de cet artiste. Cependant, c’est aussi avoir la volonté de mieux cerner la méthode de travail du chorégraphe avec sa compagnie pour comprendre le processus créatif qui est à l’œuvre, ce qui permettra de dégager et d’interpréter les traces de ces marqueurs culturels dans ses spectacles. À partir de cette analyse, on verra que sa danse trouve une forme d’universalité non pas « par un nettoyage qui renvoie le corps à un état antérieur, non perturbé par le geste acquis » comme l’avance Benoît Lesage, mais au contraire par une quête du rituel collectif s’appuyant sur le geste acquis transformé au cours du processus créatif.

Pour mener à bien cette étude, l’on s’appuiera sur quatre créations du chorégraphe, quatre pièces longues qui ont été créées à trois ou quatre ans d’intervalle, choisies tant pour la continuité frappante qu’elles manifestent que pour les nouvelles voies d’exploration qu’elles mettent en œuvre : tout d’abord, Political Mother créée en 2010, car il s’agit d’une création questionnant le rapport entre la politique et les peuples. Entre oppression et aspiration à la liberté, les corps des danseurs empruntent des gestuelles marquées culturellement que l’on peut étudier avec minutie. Ensuite, la pièce Sun, représentée pour la première fois en 2013, apparaît comme un besoin de légèreté dans la création d’Hofesh Shechter, mais c’est justement la part d’ombre planant sur ce besoin de lumière des êtres qui a intéressé le chorégraphe. À travers ce thème universel, H. Shechter convoque à nouveau des sources d’inspiration à la fois personnelles - liées à son pays d’origine - mais aussi européennes. L’étude de ce syncrétisme pourra ouvrir une nouvelle perspective d’appropriation des marqueurs culturels. Enfin, Grand Finale, dont la première a eu lieu en juin 2017, renvoie de façon explicite à l’histoire du chorégraphe, car ses premières sources d’inspiration pour ce spectacle sont des mélodies traditionnelles juives de son enfance qui lui rappellent la culture de l’une de ses ancêtres venue d’Europe de l’Est en Israël. Le mélange entre les souvenirs personnels du chorégraphe et la mémoire collective des cultures juives ashkénazes permettra d’approfondir la question des marqueurs culturels en lien avec la mémoire dans ses créations. Enfin, le spectacle Show créé pour sa compagnie junior Shechter II en 2018, est à la croisée de Sun pour son esthétique et Grand Finale par les thèmes abordées. Composé de trois parties, The Entrance, Clowns et Exit, le spectacle s’est construit autour de la courte pièce Clowns initialement créée pour le Nederlands Dans Theater en 2016. Les deux autres parties ouvrent et ferment Show de façon à maintenir une continuité avec la pièce centrale, tout en lui conférant une densité hautement suggestive pour aborder le travail de cet artiste.

PARTIE I. LE PARCOURS D’H. SHECHTER : DE LA DANSE TRADITIONNELLE À LA DANSE CONTEMPORAINE

1. La formation initiale en musique et en danse traditionnelle

A life of creation is the one that I want. Choreography is a way and it works. There is something about the mysterious power of dance and movement that I love. But I think in the end you don’t choose anything in your life, it’s just how it is going to happen. I don’t mean that in a spiritual way, it’s chemical1.

L’expression artistique et la création se sont très tôt imposées à Hofesh Shechter, d’abord par le biais de la musique, puis par la danse. Né en 1975 à Jérusalem, il a grandi dans la vieille ville, élevé par un père qui exigeait une grande rigueur dans tout ce qu’il entreprenait. Il explique avoir été marqué par ce mode d’éducation intransigeant et raconte que son père lui a transmis l’importance d’un travail approfondi et de qualité. Sa grand-mère, d’origine allemande, était d’ailleurs tout aussi rigoureuse, et ce dans les gestes les plus anodins du quotidien. H. Shechter suppose que son goût pour les combinaisons mathématiques élaborées dans ses chorégraphies lui vient de l’esprit très organisé qu’il a trouvé dans sa famille2.

Parler de la vie du chorégraphe pourrait s’avérer anecdotique s’il ne formulait lui- même le rapport intime qui lie sa création à sa vie :

Most of my works are autobiographical and a reflection of my feelings. They are about experiences I lived through and the violence and anguish in them is deliberate because that’s the way I am. Like many quiet, shy people, my anger builds up and then explodes; it was like that when I was a child, and my brother would goad me on until my temper flared up1.

L’analyse de son itinéraire peut donc être une piste pour mieux comprendre son travail. Si H. Shechter délivre avec parcimonie des informations sur son enfance, il a évoqué de façon explicite et presque brutale l’abandon de sa mère lorsqu’il avait deux ans, en voix off, en ouverture du spectacle The art of not looking back, créé en 2009. Ce spectacle sera d’ailleurs l’occasion d’une forme de thérapie pour lui, puisqu’il lui aura permis d’exprimer ses sentiments sur cette cassure de sa prime enfance et de délivrer sa vision de la femme, véritable figure d’altérité pour lui qui a grandi avec son père et son frère. Si l’on revient au chemin qui l’a mené jusqu’à la danse, on peut noter que l’introduction dans ce monde s’est faite par étapes. Il évoque toujours, en premier lieu, la musique dans sa formation, car c’est par la pratique d’un instrument qu’il commence à exprimer ses émotions : il débute le piano à six ans et entre à l’Académie de musique et de danse de Jérusalem à l’âge de quinze ans. Cependant, il bifurque très vite vers la danse, car même s’il est passionné par le piano, l’idée même de pratiquer un instrument seul dans une pièce pendant des heures ne lui correspond pas. Il est davantage attiré par l’univers collectif et le rapport social qu’offre la pratique de la danse. Ce changement de discipline n’est pas le fruit du hasard, puisqu’il avait commencé à danser à l’école : dès douze ans, chaque vendredi, une enseignante initiait ses élèves à la danse folklorique. Le jeune garçon était alors très timide et peu à l’aise avec son corps, il n’aimait d’ailleurs pas particulièrement ces moments de danse.

Pourtant, son enseignante remarque des facilités chez le jeune adolescent et lui conseille de se présenter à une audition pour entrer dans un groupe de jeunes danseurs folkloriques de Jérusalem. Il se décide à passer l’audition parce que l’un de ses copains d’école souhaite entrer dans cette compagnie, mais c’est lui qui réussit l’audition. Comme souvent dans son parcours, ce sont la curiosité et l’amitié qui semblent l’amener vers des lieux déterminants. Cette expérience dans le groupe de danse folklorique va énormément lui apporter pour se sentir plus en accord avec son corps, à mieux le connaître et à l’assumer devant les autres, mais aussi du point de vue social, ce qui transparaît toujours dans l’esprit de sa compagnie professionnelle actuelle : danser ensemble, c’est aussi s’ouvrir aux autres, tisser des relations sociales connectées à l’humanité de chacun. L’ouverture vers des jeunes d’autres quartiers de Jérusalem que le sien va lui donner le goût de travailler avec les autres, dans un esprit de collaboration et de fraternité. Lorsqu’il entre à l’Académie de danse, il découvre la danse classique et la danse contemporaine, mais c’est aussi à ce moment qu’il a l’occasion d’assister à des spectacles de danse professionnels qui vont le marquer : lors d’une représentation à la Batsheva, il prend conscience de la dimension que peut prendre cet art1. Petit à petit, la pratique de la danse devient une affaire sérieuse avec une perspective professionnelle qui va l’amener à l’âge de dix-huit ans jusqu’à la Compagnie junior de la Batsheva à Tel-Aviv, appelée The Batsheva Ensemble, puis à vingt ans à intégrer la troupe principale de la compagnie dirigée par Ohad Naharin. Il passera trois années à la Batsheva, pour la quitter en 1997. Cette formation est entrecoupée par un service militaire qui dure lui aussi trois ans - une année de service sur le terrain d’entraînement, puis deux ans d’aménagement pour lui permettre de poursuivre son parcours dans la compagnie d’Ohad Naharin, en remplissant une fonction cléricale1 le soir, afin de compléter son service militaire alors qu’il est à la Batsheva la journée. Il décrira ce service militaire comme une expérience traumatisante qui explique en partie sa prise de distance avec son pays natal :

We are brought up with a very strong idea of freedom. Then suddenly I was put into an institution that was the complete opposite of democratic, where we were running and doing shooting practice all day, and we didn't even get to decide when to go to the toilet. It felt like an electrical short circuit in my brain2.

Pour celui dont le prénom signifie « liberté » en hébreu, l’idée même d’être contraint de s’entraîner à combattre, à tirer sur son prochain, est insupportable et agit comme une prise de conscience. Parallèlement à ce besoin de prendre de la distance avec son pays et de questionner sa propre identité, il sent que la musique lui manque, même s’il prend des cours de batterie parallèlement à son activité de danseur et qu’il apprend beaucoup aux côtés d’Ohad Naharin ou d’autres chorégraphes invités à la Batsheva, comme Win Vandekeybus, Paul Selwyn-Norton ou Tero Saarinen. Il s’investit alors de plus en plus au sein d’un groupe de rock, The Human Beings, en devenant le batteur du groupe. Il finit par quitter la Batsheva et Israël pour aller en France afin de compléter sa formation de batteur à l’école Dante Agostini, durant une année. Après un bref retour en Israël où on lui a proposé une place intéressante comme percussionniste, Il se laisse porter par l’occasion de voyager à nouveau en suivant le groupe et sa petite amie de l’époque jusqu’à Londres, et même si ce choix est le fruit d’un concours de circonstances sans plan prédéfini, c’est en Angleterre qu’il se révèlera comme chorégraphe, trouvant là-bas une forme de liberté de créer et un moment de son existence propice pour se lancer.

Lorsqu’il arrive à Londres en 2002, il intègre la compagnie de Jasmin Vardimon1, mais très vite, il ressent un besoin de s’exprimer par sa danse, et non plus par celle des autres. Dès 2004, à partir d’une musique qu’il a composée lui- même, et parce qu’il a un mois de libre devant lui, il se lance dans la chorégraphie d’une pièce pour deux danseurs, Fragments, à l’occasion d’une compétition en Finlande. Il prend alors la décision de chorégraphier ses propres danses à partir de musiques qu’il compose lui-même et qui sont généralement le point de départ de ses créations. Ce besoin de créer provient d’un sentiment d’insatisfaction et de la nécessité de sortir quelque chose qui viendrait de l’intériorité. Déjà au sein de sa compagnie folklorique pour jeunes en Israël, il avait éprouvé l’envie de chorégraphier, mais il redoutait alors la forme qu’allait prendre ce qui s’extérioriserait, car pour lui, chorégraphier, c’est d’abord exprimer ce qui l’habite. En 2007, après avoir créé Cult (2004), Uprising (2006) et In your rooms (2007), il fonde sa compagnie de danse, The Hofesh Shechter Dance Company, basée à Brighton. La reconnaissance en tant que chorégraphe est très vite advenue, grâce au Sadler’s Wells qui en fait un artiste associé dès 2007 et lui permet d’avoir une véritable vitrine pour son travail de création, ainsi qu’au Dôme de Brighton où la compagnie est en résidence.

Pour Hofesh Shechter, créer est à la fois un voyage dans l’inconnu qui peut être effrayant, mais cela apporte en même temps une grande énergie2. Pour exprimer ce qui l’habite et ce qui le meut, il part de son vécu et du monde qu’il observe, c’est pourquoi son passé influe sur son travail, qu’il s’agisse de sa vie ou de sa formation en tant que danseur ou que musicien :

I naturally observe that something inside me pushes me tu use the knowledge that I have gained and my memory when I choreograph, and I’m very influenced by things I see or have seen in my life. I believe that the different dance traditions are like many different languages, like words, so I use them when they are suitable for what I want to express1.

Il apparaît donc nécessaire, pour comprendre la façon dont H. Shechter élabore ses spectacles, de passer par une exploration plus précise des influences qui composent sa mémoire chorégraphique.

2. La formation à la Batsheva, l’influence d’Ohad Naharin

Hofesh Shechter considère que son école en danse a été la Batsheva, car il y a reçu un enseignement riche en seulement quelques années. Il utilise la métaphore d’un train qui roule à grande vitesse pour décrire la densité de l’apprentissage de la danse dans cette compagnie2. C’est bien sûr la figure d’Ohad Naharin qui va le marquer, mais aussi tous les chorégraphes invités à la Batsheva qui vont apporter, par la diversité de leur style et de leur approche de la danse, une ouverture au jeune danseur. Si l’on veut comprendre l’influence d’Ohad Naharin sur H. Shechter, il convient de revenir sur les spécificités de la technique et de la vision de la danse de ce chorégraphe.

2.1. Le parcours d’Ohad Naharin

Ohad Naharin est né en 1952 dans le kibboutz de Mizra, au nord d’Israël. Ses premières années dans le kibboutz, près de la nature et dans l’esprit d’une communauté l’ont fortement marqué. Ses parents ne sont pas étrangers à la pratique artistique puisque son père, Eliahav Naharin, avait été acteur au Théâtre hébraïque Habima à Tel Aviv, dans les années 1940. Il s’est ensuite reconverti dans l’enseignement avant de devenir psychothérapeute. Sa mère, Tzofia, était danseuse mais ne pouvait pratiquer son art comme professionnelle à cause d’une blessure au genou. Cependant, elle transmettait une forme de danse sans contrainte, faite d’improvisation et d’emprunt à la technique Feldenkrais, centrant son approche sur l’amour du mouvement. Dès son enfance, il pratique la gymnastique, l’acrobatie, et surtout la musique. Lors de son service militaire, Ohad Naharin fut affecté comme membre de l'ensemble de musique et de divertissements de l’armée où il chantait et dansait pour les soldats. Après avoir entamé des études d’architecture, il choisit finalement de devenir danseur à l’âge de vingt-deux ans et se tourne vers Yehudit Arnon, fondatrice de la Kibbutz Contemporary Dance Company en 1970. Il entre ensuite à la Batsheva Dance Company. Au cours de sa première année avec la compagnie, il est remarqué par la chorégraphe new-yorkaise Martha Graham, qui l’invite à se joindre à sa compagnie aux États-Unis. À New York, Ohad Naharin ne reste que dix mois dans la compagnie de Martha Graham, et même si ce moment auprès de la chorégraphe américaine fut bref, la méthode de Martha Graham sera déterminante dans sa façon d’aborder la danse. Il poursuit sa formation à la School of American Ballet, puis à la Juilliard School en suivant les cours de Maggie Black1 et David Howard2. Il passe ensuite à Bruxelles en intégrant le Ballet du XXe siècle de Maurice Béjart, expérience qu’il décrit comme triste, mais riche. Il quitte cependant la compagnie au bout d’un an.

Ohad Naharin retourne à New York en 1980 et fonde la Ohad Naharin Dance Company avec sa femme, Mari Kajiwara. De 1980 à 1990, sa compagnie se produit à New York et dans le monde avec un grand succès critique. À mesure que sa personnalité chorégraphique s’affirme, il reçoit des commandes de compagnies de renom, dont la Batsheva, la Kibbutz Contemporary Dance Company et le Nederlands Dans Theater.

2.2. Ohad Naharin : formateur, chorégraphe et directeur artistique

Israël est un pays jeune, qui n'a pas de culture historique, si ce n'est la culture de la diaspora. Toutes les propositions sont possibles. Contrairement à l'Europe par exemple, nous n'avons pas de complexe par rapport à la tradition1.

Quand Ohad Naharin devient le directeur artistique de la Batsheva Dance Company en 1990, seuls quelques habitués se rendent aux spectacles donnés par cette compagnie, il n’existe pas de réelle dynamique. Il a alors l’opportunité de développer sa vision de la danse, se sentant libéré du poids des différentes traditions et écoles de danse qu’il pouvait y avoir aux États-Unis ou en Europe. La possibilité de recherches que lui offre le terrain quasi-vierge d’Israël en danse lui permet de laisser libre-court à sa créativité. Il va profiter de la présence d’une école au sein même de la Batsheva pour former de jeunes danseurs à sa méthode pour qu’ils intègrent ensuite sa compagnie. Lorsque Hofesh Shechter se trouve à la Batsheva, celui qui a aujourd’hui une trentaine d’œuvres chorégraphiques à son actif n’a pas encore nommé sa méthode de travail le « gaga »1. Cependant, il s’agissait déjà d’une technique qui s’appuyait sur l’écoute du corps avant de bouger ou de créer une forme. Ohad Naharin rappelle souvent qu’il ne souhaite pas de miroir dans les salles de danse, puisque cela apparaîtrait comme une image extérieure du corps quand le danseur doit d’abord rentrer en lui-même et être à l’écoute de ses sensations. Cette attention doit se porter sur le corps dans son lien à l’espace, aux autres, et au moment. L’autre point important dans la façon dont O. Naharin perçoit le mouvement est la notion de gravité, force avec laquelle il faut rentrer en dialogue, dans un mouvement d’écoute. L’attention portée aux sensations du corps dans son environnement et aux ressentis apparaît donc déterminante dans la façon dont O. Naharin appréhende la danse. L’importance de l’intériorité dans son travail de recherche le relie à certaines figures pionnières de la danse moderne dont tout un pan de la danse contemporaine2 a cherché à s’éloigner. Pour H. Shechter, son expérience avec Ohad Naharin n’était pas liée à une technique en tant que telle, car il lui semblait que le chorégraphe ne préparait pas les exercices lors des classes. Cependant, c’était la connexion avec les danseurs qu’il établissait lorsqu’il était au travail qui était essentielle, O. Naharin se reliait alors à son propre corps et tout partait de là, les danseurs pouvaient mieux saisir sa façon de bouger et apprendre de son corps. Cette expérience nouvelle a permis à H. Shechter de mieux connaître les possibilités de son propre corps.

Or, si le fait de connaître son corps est crucial pour Ohad Naharin, c’est parce que l’ensemble de son travail repose sur l’idée même que le danseur doit parvenir à retrouver une forme d’instinct dans le mouvement. Il assimile cela à la connaissance de notre animalité pour arriver à la clarté de la forme, avec une part d’autodérision, puisque l’on peut ainsi jouer avec ses faiblesses et ses limites. Par cette connaissance, il est possible, selon lui, de sublimer la gravité grâce à un corps instinctif. Sans savoir s’il s’agit précisément d’un emprunt à Ohad Naharin, il apparaît que la question de l’animalité revient sans cesse dans le travail d’H. Shechter. Ces deux chorégraphes considèrent l’être humain comme un animal dénaturé, et la danse permettrait justement de renouer avec un instinct animal du mouvement que l’homme semble avoir oublié.

Le goût pour les compositions complexes mettant en scène de nombreux danseurs est commun aux deux chorégraphes israéliens. Pour Ohad Naharin, le travail de l’unisson qui consiste à faire les mouvements en même temps est régi par des règles qu’il édicte au début du processus créatif. Il explique le goût de cette esthétique de la composition d’ensembles par son amour du rituel et de la répétition, ce que l’on trouve dans de nombreuses chorégraphies d’Hofesh Shechter et qui feront l’objet de notre étude. Cependant, Ohad Naharin précise qu’il n’existe pas de réelle différence entre le fait de bouger seul ou ensemble pour le danseur, puisque dans les deux cas, le mouvement part toujours du danseur qui fait naître le geste de son intériorité et de son écoute. Le chorégraphe recherche une force dans ses chorégraphies, qu’il obtient à la fois par l’art de la composition et par la gestualité si spécifique qui fait sa signature. Dans un entretien, il assimile sa danse à la poésie qui est l’une de ses sources d’inspiration :

My dances are more like poetry. There are people who create like prose, i like poetry, because potes must distil to an essence1.

L’intensité de cette danse qui se concentre sur l’authenticité des émotions des danseurs amène une densité qu’on retrouve dans les chorégraphies d’Hofesh Shechter.

Un dernier aspect du travail d’O. Naharin qui témoigne d’un lien entre les deux danseurs est le rapport à la musique. Comme on l’a vu, H. Shechter a commencé la musique très jeune et n’a jamais vraiment cessé de jouer d’un instrument, passant du piano à la batterie. Comme lui, Ohad Naharin connaît bien la musique et a commencé à être musicien avant de devenir danseur. L’un comme l’autre ont rencontré la musique bien avant la danse. O. Naharin a collaboré avec plusieurs musiciens remarquables pour composer des bandes sonores de ses pièces, dont le groupe rock israélien The Tractor’s Revenge (pour Kyr, 1990), Avi Belleli et Dan Makov (pour Anaphaza, 1993) et Ivri Lider (pour Z/na, 1995). La musique a une importance dans ses œuvres et elle peut évoluer durant le processus de création. Pour O. Naharin, la musique symbolise le temps au sein même d’une pièce. Elle permet aussi de créer une atmosphère de travail et entre pleinement dans le jeu du processus, comme un élément additionnel qui est pris en compte dans la création. Or, comme Ohad Naharin, mais de façon encore plus poussée, H. Shechter compose lui même la musique de ses spectacles et considère la musique comme tout aussi importante que la chorégraphie. Les constituants du spectacle forment ainsi un tout qui crée l’œuvre, sans hiérarchisation des différents arts. Par ailleurs, la musique entre également dans le processus créatif chorégraphique puisque Hofesh Shechter vient en studio de danse avec des morceaux qu’il a composés pour créer la chorégraphie avec les danseurs, et il est aussi amené à modifier la musique en fonction de la danse qui émerge en répétition. Dans ce travail d’aller-retour, danse et musique dialoguent ensemble.

[...]

1 QUIGNARD Pascal, Une journée de bonheur., Paris, arléa, 2017, p. 11-12.

1 LAUNAY Isabelle, « sauter », in Histoires de gestes, sous la direction de Marie Glon et Isabelle Launay, Barcelone, Actes Sud, 2012, p. 93-111.

1 VALÉRY Paul, « Philosophie de la danse » [en ligne], Œuvres I, Variété, « Théorie poétique et esthétique », Nrf, Gallimard, 1957, 1857 pages, p. 1390-1403. Conférence à l’Université des Annales le 5 mars 1936. Première publication : dans Conferencia ,1er novembre 1936. Disponible sur : <http://cache.media.education.gouv.fr/file/Daac/30/0/valery_philosophie_danse_344300.pdf> [consulté le 5 octobre 2017], p. 3.

1 Loïe Fuller (1862-1928) est une danseuse d’origine américaine qui a élaboré une danse originale qu’elle nomma « Danse serpentine » à partir de mouvements de voiles. La disposition et la conception de l’éclairage dans ses scénographies créaient une métamorphose des formes et des couleurs dans ses tournoiements. Source : PRESSART-BERTHIER Véronique, Expression de l’intériorité en danse moderne et contemporaine, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 2016, 262 p.

2 Isadora Duncan (1877-1927) est une danseuse d’origine américaine, pionnière de la danse moderne par sa recherche d’une expression libre du mouvement. Elle s’inspira de la danse antique grecque pour trouver une mouvement naturel et fluide. Sa recherche du mouvement est lié à l’écoute du corps et des sensations. Source : Ibid.

3 Rudolf Laban (1879-1958) est un danseur, chorégraphe, pédagogue et théoricien de la danse d’origine hongroise. Il a renouvelé l’approche du mouvement en danse. De plus, il est l’inventeur d’un nouveau système de notation chorégraphique appelé labanotation. Source : COLLECTIF, La Danse, art du XXe siècle ?, textes réunis par Jean-Yves Pidoux, Payot, Lausanne, 1990, 404 p.

4 Vaslav Nijinski ( 1889-1950) est un danseur et chorégraphe russe des Ballets russes. Sa créativité et sa technique si particulières ont fait de lui l’une des figures pionnières de la danse moderne. Son système de notation de la danse a permis de reproduire les chorégraphies qu’il avait conçues pour les Ballets russes. Source : PRESSART- BERTHIER, op.cit.

5 Lire à ce propos l’introduction d’Anne Boissière dans l’ouvrage collectif : BOISSIÈRE Anne, KINTZLER Catherine, Approche philosophique du geste dansé : De l'improvisation à la performance, Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 2006, 205 p.

6 Ibid.

1 LOUPPE Laurence, Poétique de la danse contemporaine, Bruxelles, Contredanse, 2004, 392 p.

2 FRIMAT François, Qu'est-ce que la danse contemporaine ? Politiques de l’hybride, Paris, PUF, 2011, 128 p.

3 Définition du TLF.

1 MAUSS Marcel, « Les techniques du corps » [en ligne], article originellement publié in Journal de Psychologie, XXXII, ne, 3-4, 15 mars - 15 avril 1936. Communication présentée à la Société de Psychologie le 17 mai 1934. Disponible sur : <http://classiques.uqac.ca/classiques/mauss_marcel/ socio_et_anthropo/6_Techniques_corps/techniques_corps.pdf> [consulté le 18 mai 2017].

2 KINTZLER Catherine, « La danse, art du corps engagé, et la question de son autonomie » [en ligne], blog Mezetulle, publié le 20 août 2009. Disponible sur : <http://www.mezetulle.fr/la-danse- art-du-corps-engage-et-la-question-de-son-autonomie/> [consulté le 29 janvier 2018].

3 LESAGE Benoît, « Sensation, analyse et intuition : les techniques de conscience du corps », in Danse : le corps enjeu, Paris, PUF, 1992, p. 226-242.

1 « Le terme de “folklore“, inventé par William John Thoms en 1846, s’écrivait, à l’origine, en deux mots rapprochés : folk-lore. Il désigne les traditions populaires, traditions de partage et de regroupement communautaire festif. Les folklores connaissent souvent des formes de « revivalisme » - c’est-à-dire des reconstructions d’aspects culturels de la société traditionnelle depuis qu’elle a commencé à disparaître - que ce soit pour réactiver des danses et musiques menacées de disparition, par besoin de se rassembler pour danser ensemble, ou pour affirmer la puissance d’un Etat et la cohésion d’un peuple. De nombreux chorégraphes s’intéressent à ces traditions populaires pour y puiser leur inspiration, décelant ainsi l’aspect vivant de ces formes parfois figées. » Source : NUMERIDANSE.TV. Disponible sur : <http://www.numeridanse.tv/fr/ thematiques/272_folkores-dites-vous>.

2 Le Yichouv est un terme hébreu qui désigne la population juive présente en Palestine avant la création de l’État d’Israël.

3 Barukh Aggadati (1895-1976) est un danseur originaire de Bessarabie qui a été le premier à monter et créer des spectacles en Israël. Ses danses sont largement inspirées des folklores de différents pays, comme les danses roumaines ou yéménites. Source : DANSES D’ISRAËL. Disponible sur : <https://dansesdisrael.fr/>.

1 GIBERT Marie-Pierre, « Façonner le corps, régénérer l'individu et danser la nation », Parcours anthropologiques [En ligne], 9 | 2014, mis en ligne le 30 septembre 2014. Disponible sur : <https:// pa.revues.org/289?lang=fr> [ consulté le 20 juin 2017] .

2 RONEN Dan. "Folk Dance, Israeli." Jewish Women : A Comprehensive Historical Encyclopedia [ en ligne]. Publié le 1 Mars 2009. Jewish Women's Archive. Disponible sur : <https://jwa.org/ encyclopedia/article/folk-dance-israeli> [consulté le 25 février 2018].

1 Rudolf Laban avait théorisé un ensemble de chorégraphies basées sur des mouvements de danse pour les masses, nommé un art du « chœur en mouvement » ; ces théories ont profondément influencé les chorégraphies des pionnières. Source : RONEN Dan. "Folk Dance, Israeli.“, ibid.

2 L’imagination qui se projette dans les temps bibliques joue ici un rôle prépondérant, puisqu’il n’existe pas d’iconographie liée à ces danses ; toute reconstitution s’avère donc impossible. À l’époque des pionniers, on s’inspire des écrits bibliques et on étudie les danses des peuples toujours implantés sur le territoire de la Palestine pour essayer d’extraire ce qui pourrait constituer l’essence archaïque de ces danses.

3 La Hora vient de Roumanie. Il s’agit d’une ronde où les danseurs sont en contact. Facile à danser, elle permet à n’importe quel immigré israélien de se joindre aux autres. Elle est reconnue comme un moyen d’exprimer l’enthousiasme de construire le pays ensemble et de célébrer cette joie de danser unis dans la nouvelle patrie.

4 ESHEL Ruth. "Dance in the Yishuv and Israel ». Jewish Women: A Comprehensive Historical Encyclopedia [en ligne]. Publié le 1 Mars 2009. Jewish Women's Archive. Disponible sur : <https:// jwa.org/encyclopedia/article/dance-in-yishuv-and-israel> [Consulté le 19 juin 2017].

1 Id. Trad. : « La Palestine - le pays où les réfugiés de la persécution nazie trouvèrent un foyer - devint pratiquement le seul endroit au monde où la danse expressionniste européenne ne devint pas seulement populaire, mais la forme dominante de danse ».

2 Martha Graham (1894-1991) : danseuse et chorégraphe américaine, figure majeure de la danse moderne aux États-Unis, elle a posé les bases de la danse contemporaine. Source : Ibid. PRESSART- BERTHIER Véronique, op.cit.

3 Bethsabée (Batsheva en hébreu) de Rothschild (1914-1999) : cette philanthrope passionnée de danse va fonder la Batsheva Dance Company à Tel-Aviv en 1964.

4 La post-modern dance : « Le courant de la post-modern dance apparaît au début des années 1960 aux Etats-Unis, principalement à New-York, et se prolonge jusqu’à la fin des années 1970. Le terme “post-modern“ est sujet à de multiples définitions, parfois contradictoires ; dans l’histoire de la danse, il signifie ce qui vient après la “modern dance“. Sensibles au climat contestataire des années 1960, les danseurs post-modernes rejettent les principes fondateurs de la modern dance. Refusant également les codes de la danse classique, leur intérêt se concentre “sur les caractéristiques formelles de la danse“ et “sur le mouvement à regarder en tant que tel “. » Source : CND : <http:// mediatheque.cnd.fr/?Post-modern-dance>.

1 On peut citer notamment l’école de danse Vertigo, mais aussi les Académies Rubin de musique et de danse de Jérusalem et Tel-Aviv, les studios Bat-Dor de Tel-Aviv et Batsheva, ainsi que l'École Telma Yellin de Guivatayim et d'autres écoles et studios de danse répartis dans tout le pays. Un enseignement de haut niveau est délivré à l’Académie de musique et de danse de Jérusalem, fondée par Hassia Levi-Agron en 1960. Ils suivent la pédagogie d’Amos Hetz. C’est dans cette école que s’est formé Hofesh Shechter.

2 On peut citer le Suzanne Dellal Dance Center à Tel Aviv, dirigé par Yair Vardi, foyer de la Basheva Dance Company.

3 Si Israël est le pays au monde qui compte une majorité de juifs, environ 20% de la population israélienne est composée d’Arabes israéliens. Par ailleurs, la population juive d’Israël est originaire du monde entier : Ex-URSS, Magreb, Europe, Etats-Unis, Ethiopie, Argentine, etc. On trouve également des Druzes d’expression arabe, une communauté adyguéenne et une petite communauté arménienne.

4 Antony Tudor (1908-1987) est un danseur, chorégraphe et professeur de danse britannique. Il a notamment enseigné la danse à Pina Bausch entre 1959 et 1961.

5 Jiri Kylian est né en 1947 à Prague. Il est danseur et chorégraphe. Il a été le directeur artistique du Nederlands Dans Theater de 1975 à 2004.

6 Alvin Ailey (1931 - 1989) est né à New York. Il est l’un des danseurs et chorégraphes afro- américains les plus réputés.

7 Jeannette Ordman (1935-2007) est une danseuse et professeur de ballet israélien.

1 Ohad Naharin (né en 1952) est un danseur et chorégraphe israélien. Il devient directeur artistique de la Batsheva en 1990.

2 Emmanuel Gat (né en 1969) est un chorégraphe israélien. Il fonde sa propre compagnie Emanuel Gat Dance en 2004 au Suzanne Dellal Centre à Tel Aviv. Il vit en France depuis 2007.

3 Inbal Pinto (née en 1969) est une danseuse et chorégraphe israélienne. Elle a été formée à la Batsheva. En 1992, elle fonde avec Avshalom Pollak la Inbal Pinto and Avshalom Pollak Dance Company.

4 Trad. : « Martha Graham dit : il faut dix ans pour faire un danseur. On pourrait ajouter : il faut dix ans d’expérience de plateau pour faire un chorégraphe. (…) En présentant nos débuts, nous pouvons rêver que dans dix ans nous serons capables de regarder en arrière et de dire : cela en valait la peine. » Extrait de : BATSHEVA DANCE COMPAGNY. Batsheva de Rothschild [en ligne], Disponible sur : <https://batsheva.co.il/en/about?open=Batsheva-De-Rothschild> [consulté le 6 février 2018].

1 Wim Vandekeybus (né en 1963) est un danseur, chorégraphe, metteur en scène et réalisateur belge. Il a fondé sa compagnie Ultima Vez en 1986.

2 Paul Selwyn-Norton (né en 1964) est un danseur, chorégraphe et pédagogue hollandais.

3 Tero Saarinen (né en 1964) est un danseur et chorégraphe finlandais.

1 Citation d’Hofesh Shechter extraite de l’article « Comme si cela ne nous concernait pas » de Nathalie De Han, publié le 27 octobre 2017. Disponible sur : <http://www.dfdanse.com/ article2280.html> [consulté le 30 janvier 2018].

2 Voir, à ce sujet, les articles suivants : - BOISSEAU Rosita, « Chorégraphes israéliens en lévitation », Le Monde. Publié le 16 juin 2017. disponible sur : <http://www.lemonde.fr/scenes/article/2017/06/16/choregraphes-israeliens-en- levitation_5145996_1654999.html> [ consulté le 2 mars 2018]. - MORIN Odile, « "Sun" : l'ombre incandescente d'Hofesh Shechter à la maison de la danse de Lyon » [en ligne], Culture Box, publié le 6 décembre 2016. Disponible sur : <https:// culturebox.francetvinfo.fr/danse/danse-contemporaine/sun-l-ombre-incandescente-d-hofesh- shechter-a-la-maison-de-la-danse-de-lyon-148141> [consulté le 2 mars 2018]. - LEFEBVRE Olivier, Dossier d’accompagnement Hofesh Shechter [en ligne], 6 p. Disponible sur : < h t t p : / / m a u r o i s - c o l . s p i p . a c - r o u e n . f r / I M G / p d f / dossier_d_accompagnement_hofesh_shechter.pdf> [consulté le 15 mai 2017].

3 Trad. : « Là où il y a pression, il y a danse folklorique. » Le terme “pressure“ que nous traduisons par « pression », pour rester le plus fidèle possible à la phrase d’origine, est polysémique : il peut aussi bien renvoyer à l’idée d’une pression exercée sur les individus, à des tensions ou à l’oppression dans un sens plus politique. HOFESH.CO.UK. Hofesh Shechter compagny, Political Mother resource pack [ en ligne]. Disponible sur : <http://hofesh-media.s3-eu-west-1.amazonaws.com/cms/ 2014/03/07084830/PoliticalMother-Education-Pack-URL16July.pdf>, p. 21.

1 H. Shechter : « Une vie de création, voilà ce que je désire. Chorégraphier est l’une des façons d’y parvenir et elle fonctionne. Il y a quelque chose de mystérieux dans le pouvoir de la danse et du mouvement que j’adore. Mais je pense au final qu’on ne choisit rien dans la vie, que les choses arrivent. Je ne parle pas de cela sur un plan spirituel, c’est chimique. » Extrait de l’article de Roslyn Sulcas, « A Conversation With Israeli-Born Choreographer Hofesh Shechter » [en ligne], The New York Times, publié le 10 octobre 2012. Disponible sur : <https://artsbeat.blogs.nytimes.com/ 2012/10/10/a-conversation-with-israeli-born-choreographer-hofesh-shechter/? _php=true&_type=blogs&_r=0> [consulté le 21 janvier 2018].

2 Ces confidences ont été faites par Hofesh Shechter, lors d’un échange avec le public, après la représentation de Grand Finale à Oslo le 27 novembre 2017.

1 H. Shechter : « La plupart de mes créations sont autobiographiques et le reflet de mes sentiments. Elles renvoient à des expériences vécues, et la violence ainsi que l’angoisse qu’on y trouve sont voulues, car c’est ma façon d’être. Comme beaucoup de personnes calmes et timides, ma colère s’accumule et finit par exploser ; c’était ainsi lorsque j’étais enfant et que mon frère me poussait à bout jusqu’à ce que mon tempérament s’embrase. » Extrait de l’article de Patricia Boccadoro, « Interview : Hofesh Shechter » [en ligne], publié le 21 mars 2012, Culturekiosque. Disponible sur : <http://www.culturekiosque.com/dance/inter/shechter_pbocca705.html> [ consulté le 23 janvier 2018].

1 Cf. entretien pour France Culture : Affinités Électives : Hofesh Shechter [en ligne], émission France Culture, 22 mai 2010. Disponible sur : <https://www.franceculture.fr/emissions/affinites-electives/ hofesh-shechter> [consulté le 1er février 2018].

1 En Israël, une partie des trois années du service militaire obligatoire pour les hommes peut être remplacée par un service religieux, sous conditions, pour le reste du temps du service à effectuer.

2 H. Shechter : « Nous avons été élevés avec une idée très forte de la liberté. Puis, soudainement, j’ai été placé dans une institution qui était l’exact opposé de la démocratie, un endroit où l’on courait et pratiquait le tir toute la journée, et nous ne pouvions même pas décider du moment où nous allions aux toilettes. Ce fut comme un court-circuit électrique dans ma tête. » Extrait de l’article de Judith Mackrell, “War was coming through the window“ [en ligne], publié le 12 janvier 2009, The Guardian. Disponible sur : <https://www.theguardian.com/stage/2009/jan/12/dance-hofesh- shechter-choreographer> [consulté le 15 septembre 2017].

1 Jasmin Vardimon est née en 1971. D’origine israélienne, cette danseuse et chorégraphe est devenue la directrice artistique de The Jasmin Vardimon Company qu’elle a fondée à Londres en 1997.

2 H. Shechter : “It’s a combination of something that scares me but which also gives energy.“ Trad. : « C’est une combinaison entre quelque chose qui m’effraie, mais qui me donne aussi de l’énergie. » HASSIOTIS Natasha, Great choreographers-interviews, Bloomington, AuthorHouse, 2014, p. 126.

1 H. Shechter : « Je remarque simplement que quelque chose en moi me pousse à utiliser le savoir que j’ai acquis et mes souvenirs lorsque je chorégraphie, et je suis très influencé par ce que je vois ou ce qu’ai vu dans ma vie. Je crois que les différentes traditions de danses sont comme différents types de langages, comme des mots, alors je les utilise quand ils me sont utiles, lorsqu’ils peuvent m’aider à dire ce que je veux dire, et quand ils conviennent à ce que je veux exprimer. » Extrait de : HASSIOTIS Natasha, Great choreographers-interviews, Bloomington, AuthorHouse, 2014, p. 127.

2 On peut retrouver cette métaphore dans l’entretien accordé à Francesca Isidori pour France Culture : Affinités Électives : Hofesh Shechter [en ligne], Op.cit.

1 Margaret Black (1930 – 2015) est une professeur de ballet qui a enseigné à New York durant les années 70 et 80.

2 David Howard (1937 - 2013) est un danseur et professeur de ballet d’origine anglaise qui a travaillé pour de nombreuses institutions internationales.

1 Citation d’Ohad Naharin, extraite de l’entretien avec Marie-Christine Vernay pour son article : « DANSE. Pour la première fois, le chorégraphe de Tel-Aviv est à Paris avec sa compagnie la Batsheva. Rencontre avec l'auteur d'un ballet sauvage, qui met en scène le corps victime sur un air d'Ice T. Le rythme rap de la Batsheva. “Z/Na“, chorégraphie de Ohad Naharin, par la Batsheva Dance Company. Au Théâtre de la Ville, place du Châtelet, 01.42.74.22.77. Jusqu'au 22 mars à 20 h 30 » [en ligne], publié le 21 mars 1997, Libération. Disponible sur : <http://next.liberation.fr/culture/ 1997/03/21/danse-pour-la-premiere-fois-le-choregraphe-de-tel-aviv-est-a-paris-avec-sa- compagnie-la-batsheva-ren_199312> [consulté le 10 février 2018].

1 Ohad Naharin explique l’origine du terme : « C’était le nom d’une sorte de criquet auquel nous jouions quand nous étions enfants. J’ai choisi ce mot, parce qu’il sonne comme le babillage d’un bébé. Et aussi pour sa graphie. » Interview pour Elle, disponible sur : <http://www.elle.fr/Loisirs/ Cinema/News/La-lecon-de-danse-de-Ohad-Naharin-3105175# >.

2 On peut penser ici au chorégraphe Merce Cunningham et aux tenants de la postmodern-dance américaine.

1 Ohad Naharin: « Mes danses sont plus comme de la poésie. Il y a des gens qui créent de la danse qui ressemble à de la prose, j’aime la poésie, car les poètes doivent distiller jusqu’à l’essence. » Extrait de l’entretien pour Gabi Aloor « Inside Ohad Naharin », dans le programme de spectacle de la Batsheva Dance Company. Disponible sur : <http://archive.batsheva.co.il/files/attribute/ 1429604984l84Go.pdf> [consulté le 6 février 2018].

Fin de l'extrait de 135 pages

Résumé des informations

Titre
Les marqueurs culturels, embrayeurs de la création chorégraphique d’Hofesh Shechter
Université
Université d'Artois  (Lettres et Arts)
Note
17
Auteur
Année
2018
Pages
135
N° de catalogue
V476866
ISBN (ebook)
9783668962637
ISBN (Livre)
9783668962644
Langue
français
Mots clés
Danse chorégraphe, Shechter, art
Citation du texte
Aurélie Boulanger (Auteur), 2018, Les marqueurs culturels, embrayeurs de la création chorégraphique d’Hofesh Shechter, Munich, GRIN Verlag, https://www.grin.com/document/476866

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